Écoutes de Sarkozy : ce que savait Christiane Taubira
En conférence de presse, pour prouver qu'elle n'était pas informé du contenu des écoutes, la ministre a brandi les documents adressés à la Chancellerie par le parquet. Mais ils contredisent sa propre version.
Christiane Taubira a d'abord nié avoir eu connaissance des écoutes de Nicolas Sarkozy avant la parution de l'article du Monde daté du 7 mars. Puis la ministre de la Justice a précisé qu'elle avait, certes, connaissance des écoutes depuis le 28 février – son cabinet, lui, était informé depuis le 26 – mais qu'elle n'en connaissait pas le contenu.
"Non, je n'ai pas d'informations concernant la date, la durée, le contenu des interceptions judiciaires", a martelé Christiane Taubira en conférence de presse, en brandissant des documents adressés à la Chancellerie par le parquet.
Le Monde.fr publie des extraits de ces documents, mercredi 12 mars. Et ils contredisent la version de la ministre, qui aurait été informée "régulièrement" des développements de l'enquête sur le potentiel financement libyen de la campagne de Sarkozy en 2007, qui a mené à l'ouverture d'une nouvelle information judiciaire pour "trafic d'influence".
Sur la date des écoutes
"Les policiers ont intercepté entre le 28 janvier et le 11 février 2014, des conversations téléphoniques entre M. Nicolas Sarkozy utilisant une ligne téléphonique souscrite sous un nom d'emprunt (Paul Bismuth) et M. Thierry Herzog, avocat se servant d'une ligne téléphonique souscrite le même jour et au même endroit que la première", détaille la lettre d'Eliane Houlette, procureur financier, adressée le 26 février au procureur général près de la cour d'appel de Paris et transmise à Christiane Taubira.
Sur le contenu des écoutes
Cette même lettre précise : "Monsieur Thierry Herzog (...) est entré en relation, à de nombreuses reprises, avec un magistrat du parquet général de la Cour de cassation, dont le nom figure dans la procédure, lequel aurait (...) avant une audience relative à l'examen d'un pourvoi concernant une ouverture d'information suivie à Bordeaux."
Un second document, une lettre de Philippe Lagauche, avocat général à la cour d'appel de Paris adressée à Christiane Taubira, va dans le même sens : "Il apparaît que les deux hommes évoquent à plusieurs reprises les interventions réelles ou supposées d'un magistrat du parquet général de la Cour de cassation, dans le cadre de l'examen par la chambre criminelle de cette Cour d'un pourvoi formé contre un arrêt de la chambre de l'instruction de Bordeaux."
La ministre disposait également de précisions sur le fond du trafic d'influence présumé comme le met en exergue cette phrase de la première lettre : "Ces communications mettent également en évidence que ce magistrat aurait fait part à Thierry Herzog de son souhait d'être nommé conseiller au tour extérieur au conseil d'Etat de Monaco et que Nicolas Sarkozy aurait assuré qu'il l'aiderait dans ce projet 'avec ce que tu fais'."
Sur la légalité des écoutes
Attaquée par des avocats et le syndicat des magistrats, la légalité des interceptions judiciaires de Nicolas Sarkozy avec son avocat est déjà mentionnée dans les deux documents transmis place Vendôme.
Le procureur général Philippe Lagauche estime, "après examen de la jurisprudence", que la validité des écoutes, "même si elle peut donner lieu à des contestations, peut se soutenir". Et de justifier : "Le contenu des conversations et l'usage d'une ligne ouverte sous une identité d'emprunt étant de nature à faire présumer la participation de cet avocat à des faits constitutifs d'une infraction au sens de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 1er octobre 2003."
Tandis que le procureur financier Eliane Houlette abonde : "Elles ont eu lieu à travers une ligne téléphonique ouverte sous un faux nom et au surplus sont de nature à faire présumer la participation de l'avocat concerné à une infraction."
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