Alors que Martine Aubry vient de se déclarer candidate à la primaire PS, l'UMP ressort son antienne anti 35 heures
"Faire les 35 heures, c'est quelque chose de lourd dans un parcours politique quand on sait (leurs) conséquences très négatives" a déclaré mardi Jean-François Copé. Interrogé sur Radio classique, le député UMP s"en est pris à Martine Aubry, candidate déclarée à la primaire socialiste, en fustigeant le bilan des 35 heures (« loi Aubry » de 1998).
« La Dame des 35 heures »
M. Copé n"est pas le premier à utiliser cet élément, à charge, contre la première secrétaire du PS. Dans son discours sur le grand emprunt lundi, Nicolas Sarkozy y est lui aussi allé de son couplet critique, accusant Martine Aubry d"avoir, avec les 35 heures, provoqué le « décrochage » de la France en termes de compétitivité économique.
Une rengaine à droite, qui espère ainsi ériger Martine Aubry en épouvantail, responsable des déboires économiques et du soi-disant retard français. Cela fait des années que cette mesure phare de la législature socialiste (1998-2002) est dans le giron des hommes politiques de droite, et l"entrée en lice pour 2012 de sa principale auteure laisse présager un retour en force de l"argumentaire anti 35 heures (dont, faut-il le rappeler, Martine Aubry partage la paternité avec Dominique Strauss-Kahn).
Cela fait plusieurs années que gauche et droite s"affrontent sur ce terrain, certaines figures socialistes s"étant déjà révélées critiques vis-à-vis du dispositif. En campagne présidentielle il y a 4 ans, Ségolène Royal avait, sans en remettre en cause l"existence, souligné la nécessité d"assouplir la loi.
Loi des 35 heures, un boulet, vraiment ?
La loi Aubry n"a pas été exempte de critiques et ce depuis sa mise en place. Cependant, force est de constater que certaines d"entre elles ont été progressivement reconnues à gauche comme à droite. Certains secteurs, principalement l"hospitalier, on souffert de la généralisation des 35 heures hebdomadaires plus qu"il n"en a bénéficié. Ce réforme a aussi eu pour conséquence une flexibilisation accrue du travail, décriée en 2007 par Ségolène Royal.
A droite, on a largement accusé la réforme de se faire au détriment de la compétitivité économique du pays, vis-à-vis de ses voisins européens. Des déclarations à nuancer.
EN 2003, un rapport de l"OCDE sur la réduction du temps de travail en Europe précisait que « les gains de productivité horaire, conjugués aux allègements de charges octroyés aux entreprises passées à 35 heures et au fait que l"on ait observé une certaine modération salariale ont permis de limiter l"augmentation du coût unitaire du travail lors de la baisse des heures travaillées. Il est alors possible que la loi sur les « 35 heures », considérée dans son ensemble, ait favorisé les créations d"emploi. »
D"après la même étude, la productivité par heures travaillées a connu jusqu"en 2002, une évolution plus favorable en France (2.32) qu"en Allemagne (1.58). Plus récemment, l"économiste Pierre Larrouturou signalait que le chômage avait augmenté bien moins vite en Allemagne qu"en France durant la crise, et ce grâce à un meilleur partage du temps de travail.
Un rapport de l" INSEE pointe également que « le processus de RTT a conduit sur la période 1998-2002, selon les estimations, à un rapide enrichissement de la croissance en emplois de près de 350 000 postes, et ceci, semble-t-il, sans grand déséquilibre financier pour les entreprises. »
Le bilan des 35 heures : une idée anachronique
Le bilan des 35 heures ? Il est à vrai dire aujourd"hui bien difficile à déterminer. Comme le raconte le site ASI « faire le bilan des 35 heures est devenu un marronnier ». Les polémiques continuent, alors que les études sur les conséquences du dispositif, eux, se sont arrêtées en 2005. Jointe par ASI, la chef de la division emploi de l"INSEE explique l"absence de nouvelle étude depuis 2005 car « il y a eu tellement de choses qui se sont passées entre temps, ce serait difficile de mesurer l"impact aujourd"hui ».
De plus, il n"existe aucune ligne budgétaire spécial 35 heures, d"où l"impossibilité de chiffrer le coût actuel pour les finances publiques. La loi Fillon est 2003 est également venue brouiller les cartes puisque les exonérations de charges accordées aux entreprises touchent aussi celles qui sont restées aux 39 heures.
La stratégie figée de l"UMP
En s"entêtant à attaquer Martine Aubry sur une mesure vieille de plus de dix ans et dont il apparait désormais bien compliqué de tirer un bilan, la majorité s"embourbe dans un argumentaire anachronique. A défaut d"avoir, pour le moment, assez de pièces pour contrecarrer la remontée d"Aubry dans les sondages.
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