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Assistants parlementaires : "Imposer au Parlement un rythme aussi infernal a des conséquences sur la qualité de la loi"

Selon Anne-Laure Blin, la présidente de l'Association française des collaborateurs parlementaires, invitée dimanche de franceinfo, les parlementaires et leurs assistants "sont assez épuisés" par la succession des séances.

Article rédigé par franceinfo
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L'Assemblée nationale, ici lors des questions au gouvernement le 29 mai 2018 (illustration). (MAXPPP)

Anne-Laure Blin, présidente de l'Association française des collaborateurs parlementaires (AFCP) et collaboratrice du député LR du Maine-et-Loire, Jean-Charles Taugourdeau, a regretté, dimanche 3 juin, que les séances supplémentaires, décidées au dernier moment, s'accumulent à l'Assemblée nationale. "Imposer au Parlement un rythme aussi infernal a aussi des conséquences sur la qualité de la loi", a-t-elle indiqué.

franceinfo : Vous pointez du doigt l'examen des lois Asile et immigration, Agriculture et alimentation ou le projet de loi ELAN. Cela vous fait un troisième dimanche travaillé en quelques semaines…

Anne-Laure BlinEffectivement, nous citons ces trois projets de loi parce qu'ils ont un point commun : à la dernière minute, la conférence des présidents de l'Assemblée a décidé d'ouvrir la séance le samedi et le dimanche, tout ça en début de semaine, donc toujours à la dernière minute, en toute urgence. Il faut savoir qu'il faut ajouter à cette ouverture de séance le week-end le travail nocturne de ces textes de loi. Donc, il est vrai que nous enchaînons des textes, un temps énorme, et c'est là que les collaborateurs, mais aussi les parlementaires, sont assez épuisés, il faut le dire. C'est vrai qu'imposer au Parlement un rythme aussi infernal a aussi des conséquences sur la qualité de la loi, qui, je crois, est primordiale.

Vous dites que cela implique aussi un certain nombre d'heures supplémentaires qui ne sont ni payées ni compensées.

Aujourd'hui, les collaborateurs sont des collaborateurs de droit privé, avec un contrat sur la base de 35 heures, du lundi au vendredi. Il n'est pas du tout compris le travail la nuit, ni le week-end (…). Cette décision d'ouvrir les séances le samedi et le dimanche ne relève pas du tout des députés eux-mêmes, mais de la conférence des présidents. Et, donc, compte tenu du rythme imposé et du caractère contraint de l'enveloppe [de rémunération], nous avons sollicité, en début de semaine, le président [de l'Assemblée], François de Rugy, pour l'alerter sur cette situation et notamment lui demander une aide financière sur le crédit du budget de l'Assemblée.

Parlez-vous toujours de précarité ? 

Le fait d'ouvrir les séances le soir, la nuit, le week-end, met aussi en évidence le fait que le statut des collaborateurs est précaire. Il est évident que nous acceptons les conditions de travail à la dernière minute, de flexibilité des horaires, et de total dévouement envers les élus de la République. Cela fait clairement partie de notre mission, mais, à un moment, il ne faut pas trop tirer sur la corde. Nous sommes des salariés de droit privé, comme tout autre en France, avec une vie de famille aussi. Donc, nous avons le droit à une compensation lorsque notre travail est clairement effectif et important pour la République.

Vous êtes collaboratrice d'un député de l'opposition : votre démarche est-elle politique ?

Je suis là en tant que collaboratrice, je représente les collaborateurs, mais pas mon député. C'est un peu la problématique de notre fonction : nous sommes des travailleurs de l'ombre, aux côtés des élus de la République pour les soutenir et les aider dans leur mission auprès de leurs concitoyens. Nous, nous sommes des salariés de droit privé, donc, à ce titre-là, nous n'avons pas du tout vocation à être sur le devant de la scène, sauf que, lorsqu'il se passe un certain nombre de choses, notamment au Parlement, sur la qualité de la loi, on a aussi la nécessité, et on ressent le besoin, d'alerter le grand public sur la manière dont on fonctionne aujourd'hui au Parlement.

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