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Au PS, la bataille des contributions est ouverte

FRANCE - Le conseil national du parti a validé mercredi une vingtaine de contributions présentées par les différents courants en vue du congrès qui se tiendra en octobre à Toulouse.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault à leur arrivée au conseil national du PS, le 18 juillet 2012 à Paris. (PIERRE VERDY / AFP)

Après dix ans dans l'opposition passés à s'entre-déchirer, les socialistes apprennent à filer droit derrière leurs chefs. Mercredi 18 juillet, un conseil national du PS entérine les "contributions générales", issues des différents courants du parti, dans la perspective du congrès prévu en octobre. Traditionnellement, ces contributions sont le moyen pour chaque chapelle de réaffirmer ses positions, de peser dans le débat, mais surtout de se compter, et éventuellement de présenter une "motion", en son nom propre ou alliée avec d'autres courants.

Le dernier congrès, à Reims en 2008, avait été le théâtre d'un sanglant affrontement entre partisans de Ségolène Royal et soutiens de Martine Aubry, à laquelle s'étaient ralliés des strauss-kahniens, des fabiusiens et l'aile gauche du parti. Cette année, après la victoire de François Hollande et de la gauche, rien de cela ne risque de se produire, le parti faisant bloc derrière le gouvernement.

Parmi les vingt contributions générales déposées, un texte écrase tous les autres : celui cosigné par l'actuelle première secrétaire, Martine Aubry, et le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Les statuts du PS autorisent à signer plusieurs contributions, mais Aubry et Ayrault ont invité tous les ministres et cadres du parti à ne signer que la leur, à l'exclusion de toutes les autres.

Cette initiative conjointe a pour effet de verrouiller le déroulement du futur congrès. Plusieurs courants, dont les leaders sont membres du gouvernement, ont ainsi renoncé à présenter leur propre texte. C'est par exemple le cas de "L'Espoir à gauche", un courant animé par Vincent Peillon réunissant des proches de François Hollande comme de Ségolène Royal. Les anciens strauss-kahniens réunis autour de Pierre Moscovici se sont également résignés à soutenir le texte Aubry-Ayrault. Seul ministre socialiste à braver la consigne, Benoît Hamon signera bien la contribution présentée par son courant, "Un monde d'avance" (aile gauche). Tour d'horizon des principaux textes.

• Le bulldozer Ayrault-Aubry : "Réussir le changement"

Principaux signataires Martine Aubry, Jean-Marc Ayrault, la quasi-totalité des ministres socialistes à l'exception de Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, la majorité des parlementaires PS.
Ce que dit le texte La contribution reprend pour l'essentiel des éléments déjà développés dans le projet présidentiel du parti et dans le programme de campagne de François Hollande. "Les ressorts qui ont rendu possible l’alternance – réflexion, réconciliation, rénovation – sont aussi ceux qui permettront au Parti socialiste de réussir dans l’exercice du pouvoir. Nous réussirons l’alternance comme nous l’avons conquise", promet le texte.
La stratégie Couper l'herbe sous le pied à tous ceux qui se voyaient déjà diriger le parti en pariant sur le départ de Martine Aubry. Le texte neutralise les velléités de François Rebsamen, Pierre Moscovici et Vincent Peillon, contraints de soutenir cette initiative. La cosignature d'Aubry et Ayrault, deux poids lourds qui ne faisaient pas partie du même courant, donne à cette contribution une importance qui éclipse toutes les autres. Elle relance aussi l'hypothèse d'un maintien de Martine Aubry au poste de première secrétaire.

• L'indiscipline de Benoît Hamon : "Réaliser le changement !"

Principaux signataires Benoît Hamon, Henri Emmanuelli, Marie-Noëlle Lienemann et une petite trentaine de parlementaires appartenant au courant "Un monde d'avance".
Ce que dit le texte "La victoire du 6 mai 2012 n’est pas aussi ample qu’on aurait pu l’espérer, constate la contribution. Pour nous socialistes, le plus dur commence. Il s’agit de faire évoluer les consciences, imprégnées d’idées libérales." Les signataires proposent notamment de "faire sauter le verrou libéral-conservateur" en Europe, ainsi qu'une VIe République délaissant le système présidentiel pour un "régime primo-ministériel".
La stratégie L'aile gauche du parti n'accepte pas de se ranger dès le stade des contributions sous la bannière unique de la majorité du parti. Elle montre, en présentant ce texte, qu'elle compte continuer à faire entendre sa voix, sensiblement différente de la ligne officielle du gouvernement sur les questions européennes et institutionnelles.

• Le coup de barre à gauche de Marie-Noëlle Lienemann : "Le temps de la gauche"

Principaux signataires Marie-Noëlle Lienemann et plusieurs cosignataires de la contribution Hamon, parmi lesquels Jérôme Guedj, Emmanuel Maurel et Paul Quilès.
Ce que dit le texte Comme la contribution Hamon, mais avec des mots plus forts, ce texte prône une "indispensable et urgente réorientation européenne", une "nécessaire remise en cause de la mondialisation libérale et de la destruction de la planète" et appelle à "stopper les dérives de la Ve République".
La stratégie Il s'agit, pour ce sous-groupe de l'aile gauche du parti, de montrer à François Hollande et au gouvernement qu'il restera vigilant sur l'orientation de la politique du pays. "Rien ne serait pire pour notre parti que d’être une simple courroie de transmission des mesures gouvernementales, ce que l’on appelle un 'parti godillot'", proclame le texte.

• Le plaidoyer du franc-tireur Gaëtan Gorce : "Dessine-moi un parti"

Principaux signataires Gaëtan Gorce (député de la Nièvre), Juliette Méadel (conseillère d'arrondissement à Paris), le ségoléniste Jean-Louis Bianco, les députés René Dosière et Danièle Hoffman-Rispal.
Ce que dit le texte Cette contribution insiste surtout sur le fonctionnement interne du parti. "Nous ne nous reconnaissons plus dans les luttes d'appareil, la cooptation ou les querelles d'ego. C'est donc autour d'une nouvelle manière de réfléchir et de travailler ensemble que nous proposons aux socialistes de se rassembler", indique le texte, qui propose par exemple d'abandonner le système des motions.
La stratégie Gaëtan Gorce et Juliette Méadel ont officiellement dit vouloir briguer, en tandem, la tête du Parti socialiste, "pour que la parité homme-femme ne soit pas seulement un objectif mais une réalité". Mais leurs troupes, peu nombreuses, ne les placent pas dans le camps des favoris.

• Du Montebourg sans Montebourg : "De la rénovation à l'innovation"

Principaux signataires Paul Alliès, Bertrand Monthubert et des militants proches d'Arnaud Montebourg. En revanche, le ministre du Redressement productif et certains membres de son courant, comme le député Thierry Mandon, n'ont pas apposé leur nom.
Ce que dit le texte "Nous avons observé combien il a fallu d’efforts pour instaurer les primaires citoyennes, le non-cumul des mandats, la parité, la diversité, le renouvellement générationnel, la démocratie interne et des règles éthiques. Ces efforts n’ont pas tous encore abouti", constatent les signataires, qui veulent "aller plus loin dans une démarche d’innovation politique".
La stratégie Marquer son territoire, sans plus. A priori, les signataires de cette contribution rejoindront la majorité du parti au stade des motions, à l'automne. En ne paraphant pas le texte, Arnaud Montebourg signale qu'il ne compte pas jouer les premiers rôles lors du congrès.

• La pièce de théâtre de Julien Dray : "De l'alternance à l'alternative"

Principaux signataires Julien Dray.
Ce que dit le texte L'ex-député de l'Essonne a choisi une forme originale pour ce genre d'exercice. Dans une pièce de théâtre en deux actes, il met en scène des militants qui font part de leurs espoirs et de leurs craintes face à la crise. "La crise impose de trouver des solutions nouvelles, de mener une politique ambitieuse, pour démontrer qu’il n’y a aucune fatalité. C’est aussi le grand combat culturel qu’il nous faut mener", affirme Julien Dray.
La stratégie Le conseiller régional d'Ile-de-France tente un retour sur le devant de la scène après l'imprudente fête d'anniversaire à laquelle il avait convié Dominique Strauss-Kahn entre les deux tours de la présidentielle, ce qui lui avait valu les foudres de Valérie Trierweiler.

• Les autres contributions

Au total, vingt contributions générales ont été déposées. Gérard Filoche, autre tenant de l'aile gauche du Parti socialiste, signe son propre texte, "Redistribuer les richesses". De petits courants présentent également leur texte : Utopia, le Pôle écologique et le collectif "Dépasser nos frontières".

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