: Vidéo Un concours d'éloquence à l'école primaire pour réduire (et révéler) les fractures de notre société
"Envoyé spécial" a suivi des élèves de CM2 dans un projet un peu fou : un concours d'éloquence qui oppose deux écoles de la région parisienne. Une première pour ces enfants de 10 ans, et aussi pour leur professeur d'art oratoire. Romain Decharne veut en faire un moyen d'agir sur un impitoyable facteur de discrimination sociale : la maîtrise de la langue.
Pour les élèves du CM2 de Vauhallan, en région parisienne, c'est un grand jour : ils rejoignent une autre classe de CM2, aux Ulis. Les enfants de ces deux écoles de l'Essonne vont s'affronter dans la finale d'un concours d'art oratoire. Quelques kilomètres les séparent, mais pas seulement : Vauhallan est un village niché dans un cadre verdoyant, Les Ulis une ville nouvelle où cette école primaire se trouve en ZEP (zone d'éducation prioritaire). Mais à Vauhallan comme aux Ulis, les enfants sont "à fond".
Cette aventure a commencé trois mois plus tôt, avec le défi que s'est lancé un professeur d'art oratoire de Sciences Po. Pour Romain Decharne, 32 ans, c'est une première : former des enfants de 10 ans à l'art de bien parler. "Quand on a 10 ans, on est une page blanche, donc tout est possible." L'enjeu est pourtant immense, et l'objectif très ambitieux. "L'idée est de les prendre très jeunes pour les faire progresser et essayer de tous les mettre au niveau. On va écrire une histoire, essayer de les transformer, de leur faire prendre confiance en eux." Un apprentissage dont "ils pourront bénéficier tout au long de leur vie".
"L'Etat ne fait pas son travail"
Pendant qu'il préparait les élèves à ce concours d'éloquence, a-t-il senti une différence entre les deux écoles ? "Bien sûr, il y a une différence, énorme." Pour l'enseignant, malgré des instituteurs "qui se donnent à fond", "c'est grave : l'Etat ne fait pas son travail et, du coup, on bousille des générations".
Derrière cette fracture, "un problème de langue", diagnostique Romain Decharne. "Quand on ne maîtrise pas la parole, quand on ne maîtrise pas la langue, on n'est pas libre, on n'a pas le choix. Dès que vous ouvrez la bouche, on sait d'où vous venez… et même d'après la manière dont vous bougez, en réalité. L'Etat devrait pouvoir au moins atténuer ça. Parce que quand on a ce marqueur social-là, c'est difficile, après, d'évoluer au sein de la société." Donc, poursuit-il, "soit on gomme 'égalité' [de la devise française], soit on le met, mais par contre, on le fait vraiment."
Extrait de "Les beaux parleurs", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 25 octobre 2018.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.