Bernard Kouchner sommé de "s'expliquer"
Plusieurs responsables politiques ont demandé à Bernard Kouchner de s'expliquer sur les accusations de Pierre Péan dans son livre à charge, qui constitue l'attaque la plus violente jamais portée contre l'ancien "French doctor", personnalité politique la plus populaire en France.
La principale allégation de Pierre Péan concerne de lucratives activités de consultant dans le secteur de la santé en Afrique, entre 2002 et 2007, après la défaite électorale de la gauche à laquelle Kouchner appartenait et avant sa nomination dans un gouvernement de droite. On se croirait dans un épisode de "Rendez-vous avec X"...
Selon le journaliste, Bernard Kouchner a mené ces activités pour deux sociétés privées, Africa Steps et Iméda, gérées par deux proches, alors qu'il présidait en même temps un groupement d'intérêt public, Esther, consacré à la coopération internationale hospitalière.
_ Ces deux sociétés ont vendu pour près de 4,6 millions d'euros de contrats de conseil sur la réforme des systèmes de santé au Gabon du président Omar Bongo Odimba et au Congo de Denis Sassou Nguesso. Pierre Péan affirme qu'une partie de ces sommes n'a été recouvrée par les sociétés qu'après l'entrée en fonctions de Bernard Kouchner au Quai d'Orsay, le 18 mai 2007.
S'il s'est refusé hier à tout commentaire, dans un entretien à paraître jeudi dans le Nouvel Observateur, le chef de la diplomatie française a rejeté en bloc les accusations de conflit d'intérêts et qualifié certains aspects du livre de Pierre Péan d'attaque "grotesque et nauséabonde". Dès le 12 janvier, Bernard Kouchner avait déjà dénoncé "certaines allégations inexactes" du livre et affirmé se "réserver le droit d'engager des poursuites judiciaires".
L'opposition socialiste, son ancien camp, a indiqué qu'elle envisageait d'interpeller le gouvernement à l'Assemblée nationale. "Si Bernard Kouchner a encore un honneur, il doit enfin s'expliquer sérieusement", a dit le député PS Arnaud Montebourg.
Martine Aubry a quant à elle défendu l'ancien "French doctor". C'est un "homme honnête", a déclaré la secrétaire nationale du Parti socialiste. Le député de la majorité Claude Goasguen (UMP) a confié qu'il était "tombé des nues". "On ne s'attendait pas à ce genre de révélations sur Kouchner".
Pierre Péan affirme que les activités de Bernard Kouchner au Congo et au Gabon se sont télescopées avec le fonctionnement de la diplomatie française. Au moment où, selon lui, ces deux pays payaient leurs dettes aux deux sociétés, le secrétaire d'Etat à la Coopération Jean-Marie Bockel disait le 15 janvier 2008 (deux mois avant d'être remplacé par Alain Joyandet) vouloir signer l'acte de décès de la "Françafrique", la relation privilégiée mais opaque entre la France et ses ex-colonies.
Anne Jocteur Monrozier, avec agences
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