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Déchéance de nationalité : l'autorité éthique du PS saisie des déclarations de Manuel Valls

La déchéance de nationalité agite le PS. Des militants du parti ont demandé à la Haute autorité éthique du PS de se saisir des récentes déclarations de Manuel Valls sur le sujet car ils les jugent contraires à la "déclaration de principe" du PS. Et le trouble va bien au-delà des habituels frondeurs : des intimes du président ne comprennent pas non plus sa décision. D'autres restent silencieux.
Article rédigé par Louise Bodet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (Manuel Valls à l'université du PS le 31 août 2015 ©maxPPP)

Alors que la liste des membres du Parti socialiste qui s’opposent publiquement à l’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution s'allonge, des militants et des responsables du PS ont décidé de saisir la Haute autorité éthique du parti sur les les récentes déclarations de Manuel Valls. Ils les jugent contraires à la "déclaration de principe" du PS. Mais Jean-Pierre Mignard, l'ami de toujours de François Hollande, avocat et président de cette instance, leur a répondu qu'elle n'a "pas compétence pour statuer ". Une réponse sur la forme. Car, au fond, il est lui-même contre l’extension de la déchéance de nationalité, il l’a répété plusieurs fois, notamment sur Twitter.

Ceux qui ont saisi l'instance souhaient  eux coûte que coûte que leur requête soit traitée. "Les récentes déclarations de Manuel Valls, notamment dans le JDD, mettent en évidence des ruptures assez profondes avec la déclaration de principe du PS, qui est le socle de nos valeurs" , a estimé mardi midi sur France Info Gérald Elbaze, membre du Conseil national du PS, à l'origine de la demande. Pour lui l’autorité saisie est compétente pour statuer : "Ce n’est pas au Premier ministre qu’on s’attaque, explique-t-il. Il s’agit juste du militant Manuel Valls, du membre du Parti Socialiste, qu’il se conforme ou non aux statuts de notre parti qui sont nos règles communes" .

Valls : "des ruptures assez profondes" avec les valeurs du PS estime Gérald Elbaze, responsable au PS sur France Info

Le président lâché par ses vieux compagnons de route

Ces cadres intermédiaires du PS sont loin d’être les seuls à gauche à exprimer publiquement leur désapprobation. De vieux compagnons de route de François Hollande, comme le co-fondateur de SOS racisme, Julien Dray ou, bien sûr, l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, ne comprennent pas la décision présidentielle, pas plus que Kader Arif, ancien secrétaire d’Etat aux Anciens combattants, qui sort de son silence, parce que "ces questions touchent à son engagement le plus profond ". Il votera contre la mesure à l’Assemblée.

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D’autres caciques de la gauche préfèrent le silence, mais n’en pensent pas moins. Ils sont nombreux, là aussi. Sollicité par texto, c'est un vieil ami du président qui réclame de pouvoir "souffler". Silence radio du côté de poids lourds du gouvernement, hollandais historiques, comme Michel Sapin, "en congés mérités sur son île d'Yeu", selon son entourage. Le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll est, lui, en Bretagne, dans un endroit où le téléphone passe mal… François Rebsamen, l'ancien ministre redevenu maire de Dijon, "est en vacances et préfère ne pas être dérangé ". Tous aux abris sous le sapin, donc. Et puis il y a ceux qui avalent - sans doute difficilement - la couleuvre, comme le patron du groupe PS à l'Assemblée Bruno Le Roux, contraint de défendre la semaine dernière une disposition qui le met bien mal à l'aise.

De rares soutiens

Ils ne sont pour l'heure pas très nombreux à soutenir le président de la République Ségolène Royal n'est "pas du tout choquée". Elle est même de ceux qui ont demandé au président de ne pas reculer. Un autre proche de François Hollande, le sénateur de la drome Didier Guillaume, défend lui aussi la déchéance de nationalité et appelait au calme sur France Info ce matin. Celui qui est aussi président du groupe socialiste au Sénat sait qu'il va avoir fort à faire pour convaincre ses collègues parlementaires. Il reconnaît que la mesure est "délicate pour les socialistes " car "elle ne vient pas de leur histoire". Il "comprend " qu’il y ait des "interrogations" mais il appelle l’ensemble de ses "amis " à de la sérénité, que le débat ait lieu "sans s’invectiver " et "sans s’insulter ".

La déchéance de nationalité, une mesure "délicate pour les socialistes" estime le président du groupe PS au Sénat, Didier Guillaume

François Hollande s'éloigne de sa base et de ses proches

Au congrès de Versailles, beaucoup de ces Parlementaires ont applaudi le président- chef de guerre, mais aussi le tacticien Hollande, qui reprend les idées de la droite pour mieux lui couper l'herbe sous le pied. De là à le soutenir jusqu'au bout dans cette logique, il y a un pas, infranchissable pour certains. Ils étaient convaincus qu'un avis négatif du conseil d'Etat sur la constitutionnalité de la déchéance de la nationalité allait régler tout ça : raté. Ils étaient convaincus que François Hollande, l'homme de la synthèse, allait trouver une solution pour faire machine arrière : encore raté. Le président tente une autre synthèse, quitte à fracturer la gauche en s'éloignant de ses déclarations passées, de ses bases politiques, et de ses proches.

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