Cet article date de plus de sept ans.

Démission du général Pierre de Villiers : "C'est une erreur grave qui va entraîner une crise durable"

Jean Guisnel, journaliste au Point et spécialiste des questions militaires, a critiqué mercredi sur franceinfo l'attitude du président Macron après la démission du chef d'État-major, le général de Villiers. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Emmanuel Macron et le général de Villiers lors du défilé du 14 juillet 2017 sur les Champs-Élysées.  (LUDOVIC MARIN / POOL)

Le chef d'État-major des armées Pierre de Villiers a démissionné mercredi 19 juillet, sur fond de désaccord avec l'exécutif concernant le budget du ministère de la Défense. Jean Guisnel, journaliste au Point et spécialiste des questions militaires, a comparé sur franceinfo le recadrage d'Emmanuel Macron envers Pierre de Villiers à "une claque publique""C’est une erreur grave qui va entraîner une crise durable", a-t-il estimé, la hiérarchie militaire étant "désemparée par l'attitude du président ". 

franceinfo : les dés étaient-ils jetés depuis le recadrage d'Emmanuel Macron ?

Jean Guisnel : Les dés sont jetés depuis que le président et le Premier ministre ont confirmé la baisse du budget de la Défense et qu'ils ont décidé de mettre 850 millions d'euros à la charge du ministère, alors que jusqu'à présent c'était payé en interministériel, pour les opérations extérieures. On en est là parce que la France est engagée dans de nombreuses opérations extérieures. On parle de Barkhane, du Levant ou encore de la FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban). Il y a aussi l'opération Sentinelle qui est venue tout mettre par terre par rapport aux contrats opérationnels des armées car c'était une opération qui était prévue pour un mois et qui, au bout de deux ans, est toujours en place. 

Le problème budgétaire, s'il n'est pas réglé, va poser des difficultés considérables.

Jean Guisnel, journaliste et spécialiste des questions militaires

à franceinfo

Amputer autant d'argent de manière aussi autoritaire ne peut pas aller. Le facteur aggravant est cette claque publique donnée par un chef à son principal subordonné, devant ses hommes. C'est une erreur grave qui va entraîner une crise durable. Il va falloir rabibocher les morceaux et ça ne va pas être facile. Cette marque de défiance publique est un très mauvais précédent. On n'a jamais vu ça et sans raison en plus. 

Le pouvoir politique peut-il demander à l'Armée de faire des efforts ?

Le pouvoir politique demande légitimement aux armées d'accomplir des missions qui sont définies par un contrat. Les engagements sont supérieurs d'un tiers au contrat, soit 30 % de plus que ce qu'on leur demande pour l'armée de terre, pour l'armée de l'air et pour la marine. Et en même temps, on leur dit qu'il faut payer le budget sur leur substance car ce n'est pas le gouvernement qui va donner l'argent en plus. On leur dit qu’il faut payer en ayant moins de chars, moins de bateaux, moins d'avions, moins de blindés, en ne les commandant pas.

Quelle était l'ambiance dans la hiérarchie militaire?

Il faut parler au présent. Mes interlocuteurs sont désemparés par l'attitude du président de la République qu'ils ne comprennent pas. Ils se demandent pourquoi accuser un officier d'avoir manqué à son devoir en parlant publiquement alors qu'il ne l'a pas fait ? Il a parlé en huis clos, devant la représentation nationale, dans les lieux prévus pour cela et parce qu'on le lui demandait. Il a été puni pour cela. La confiance est assez réduite dans les promesses présidentielles sur le fait d'augmenter le budget l'an prochain. Ils n'y croient pas.

"Mes interlocuteurs sont désemparés par l'attitude du président de la République qu'ils ne comprennent pas", Jean Guisnel, journaliste et spécialiste des questions militaires, à franceinfo.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.