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Après le remaniement, "Europe Ecologie-Les Verts est un parti en miettes, éparpillé façon puzzle"

Les écologistes sortent encore un peu plus divisés du remaniement, qui a vu trois d'entre eux entrer au gouvernement. L'analyse de Daniel Boy, spécialiste de l'écologie politique.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Emmanuelle Cosse et Cécile Duflot, lors d'un meeting à Paris, le 23 février 2016.  (MATTHIEU ALEXANDRE / AFP)

Europe Ecologie-Les Verts n'est plus au bord de la crise de nerfs, il est en plein dedans. Avant le remaniement gouvernemental du 11 février, plusieurs cadres avaient déjà quitté le navire sur fond de divergences sur la ligne politique et sur la stratégie à adopter. Désormais, le parti est exsangue. Contre l'avis d'EELV, Emmanuelle Cosse, qui était jusque-là secrétaire nationale du parti, a intégré le gouvernement en tant que ministre du Logement. Ebranlés, les porte-parole du parti écologiste ont dénoncé une "aventure personnelle". Un nouveau dirigeant, David Cormand, a été désigné dans la foulée, au terme d'une réunion téléphonique de crise

Furieux qu'EELV refuse de participer à un gouvernement de François Hollande, Jean-Vincent Placé et Barbara Pompili avaient claqué la porte du parti en septembre 2015. Le président du groupe écologiste au Sénat et la présidente du groupe écologiste à l'Assemblée nationale intègrent tous deux le gouvernement en tant que secrétaires d'Etat, à la Réforme de l’Etat et à la Simplification pour l'un, à la Biodiversité pour l'autre. 

Au-delà du cas d'EELV, né en 2009 grâce à un score historique (16,3%) aux élections européennes, l'écologie politique semble bien mal en point. C'est le constat fait par Daniel Boy, directeur de recherche au Centre de recherches politiques de Sciences Po.

Francetv info : L'entrée au gouvernement de trois personnalités écologistes, dont l'ancienne patronne d'EELV, est-elle un bon signe pour l'écologie ? 

Daniel BoyCe n'est pas une entrée de l'écologie au gouvernement, c'est une entrée de personnalités. Si l'on y regarde de plus près, c'est pitoyable. Emmanuelle Cosse hérite du ministère du Logement, mais il y a déjà eu la loi Alur de Cécile Duflot et il n'y a pas grand-chose d'autre à faire… Jean-Vincent Placé est nommé à la Réforme de l'Etat, un chantier impossible à mener depuis des années.

Barbara Pompili est chargée de la Biodiversité, c'est bien gentil mais la loi est passée à l'Assemblée nationale, au Sénat, elle revient à l'Assemblée… La nouvelle secrétaire d'Etat ne peut rien faire non plus. D'autant qu'elle occupera une place très réduite face à Ségolène Royal, sa ministre de tutelle. Ce sont donc trois postes d'affichage qui confirment que l'écologie politique est pour l'instant au point mort. 

L'avenir d'EELV est-il compromis ?

Europe Ecologie-Les Verts est un parti en miettes, éparpillé façon puzzle. Que la secrétaire nationale se mette en retrait du parti pour faire quelque chose que le parti ne souhaite pas, c'est catastrophique…  On ne pouvait pas imaginer pire scénario.

Ceux qui prennent le pouvoir actuellement chez EELV, comme David Cormand, sont très marqués à gauche. Cela confirme la tendance d'une écologie politique hostile au Parti socialiste. Et cet ancrage très à gauche est une catastrophe d'un point de vue électoral. 

Pourquoi parler de catastrophe ?

L'écologie politique, si elle n'est pas alliée avec un grand parti comme le PS, n'a absolument aucune chance d'avoir un groupe parlementaire. Cela la condamne électoralement et, par conséquent, financièrement. Il y a donc un vrai risque pour EELV.

Si Cécile Duflot se présente en 2017, elle risque de ne rassembler que 2% des voix. Par ailleurs, pour les prochaines législatives, il est quasi certain qu'il n'y aura pas d'accord avec le PS car les socialistes ont fait entrer des personnalités au gouvernement, mais pas EELV. Sans accord, les écologistes n'auront que deux ou trois élus et ne pourront plus former de groupe parlementaire. Or, un groupe parlementaire, cela permet d'avoir de l'argent mais surtout du pouvoir dans les commissions pour peser sur la fabrique des lois… Je ne vois pas comment ils peuvent se sortir de la nasse où ils se sont mis.

Comment expliquer une telle situation ?

Depuis toujours, il y a un décalage entre une écologie politique dont les adhérents sont nettement à la gauche du PS et les électeurs, qui le sont moins. Les migrations, les questions de société – comme le mariage pour tous – intéressent certes les électeurs d'EELV, mais ce n'est pas ça, l'écologie politique.

Avec Nathalie Kosciusko-Morizet, Chantal Jouanno ou Corine Lepage, l'écologie politique ne s'est-elle pas diffusée sur tout l'échiquier politique ?

L'écologie politique divisée entre Corine Lepage, NKM, Jean-Vincent Placé, X ou Y… Ponctuellement, cela peut aider, mais cela n'a aucune force. 

Il y a deux manières de faire de l'écologie politique. Soit sous la forme d'une association, comme l'a fait Nicolas Hulot avec le pacte écologique et le Grenelle de l'environnement. Les Verts n'y étaient pour rien. Soit sous la forme d'un parti politique qui glane entre 5% et 10% des voix et qui s'allie avec un grand parti sur lequel il fait pression pour faire adopter certaines mesures. C'est notamment le cas de la loi de transition énergétique. Elle faisait partie de l'accord programmatique entre le PS et EELV. Sans accord avec un grand parti, les écologistes auront du mal à traduire leurs propositions en actes. 

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