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"Malhonnête politiquement", "libéral depuis toujours"... Quand les anciens camarades écolos de Rugy flinguent le nouveau ministre

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
François de Rugy et Nicolas Hulot lors de la passation au ministère de la Transition écologique, le 4 septembre 2018. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

Franceinfo a interrogé des responsables EELV sur la nomination de leur ancien camarade, François de Rugy, au poste de ministre de l'Environnement. 

"Je ne suis pas tombé de ma chaise", lâche Sergio Coronado. Il est aux alentours de 12h50 quand l'Élysée annonce, mardi 4 septembre, la nomination de François de Rugy, président de l'Assemblée nationale, en remplacement de Nicolas Hulot, qui a démissionné la semaine dernière du ministère de la Transition écologique et solidaire. Et cette nouvelle n'étonne pas plus que ça l'ancien député EELV (Europe-Ecologie-les-Verts) de 2012 à 2017. "François de Rugy ne veut pas changer le système, pour lui, le marché offre des opportunités incroyables à l'écologie et ça, c'est très Macron-compatible", glisse-t-il. 

Ses anciens collègues à l'Assemblée nationale, interrogés par franceinfo, ne sont pas non plus très surpris. Tous décrivent un homme "très ambitieux" voire "opportuniste" et qui "rêvait" de ce poste. Néanmoins, ils reconnaissent que la ligne "libérale" de François de Rugy, "qui se recycle bien dans le macronisme", n'est pas nouvelle. Et qu'il n'a donc pas renié ses convictions. 

"Il a toujours été libéral"

Le divorce entre celui qui fût l'adjoint au maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, et EELV est depuis longtemps consommé. Le désormais ex-locataire du palais Bourbon a rompu en août 2015 avec son parti, en critiquant la "dérive gauchiste" de ses camarades et leur choix de ne pas rentrer dans le gouvernement de Manuels Valls. François de Rugy a ensuite participé en janvier 2017, à la primaire socialiste et obtenu un score modeste, 3,81%. Un mois plus tard, il renonce à son engagement public de soutenir le vainqueur de cette primaire, Benoît Hamon, et se range aux côtés d'Emmanuel Macron. 

Une décision qui n'a pas du tout plu à ses anciens compagnons de route. "Il a fait un score minable à la primaire de la gauche, il s'est engagé à soutenir Hamon puis a renié sa parole ", soupire l'ancienne députée, Laurence Abeille. "Le fait qu'il participe à la primaire socialiste et qu'il soutienne après Macron est quelque chose de malhônnete politiquement", juge l'ex-parlementaire, Isabelle Attard. "Le parjure m'a un peu choqué, abonde Sergio Coronado. Néanmoins, présenter François de Rugy comme un traître me pose problème, car il a toujours été ce qu'il est". L'ex-parlementaire, qui connaît le nouveau ministre depuis 1992, l'affirme : "François de Rugy a toujours été libéral, il ne l'a jamais caché". "Il y a de la cohérence dans ses choix, pour lui, libéralisme et écologie sont compatibles", renchérit l'ex-députée, Eva Sas. 

Ses options libérales ont contribué aux tensions au sein du groupe EELV à l'Assemblée.

Eva Sas, ex-députée EELV

à franceinfo

Co-président du groupe écologiste à l'Assemblée nationale de 2012 à 2016 avec Barbara Pompili, François de Rugy n'a pas laissé un bon souvenir à tous ses anciens alliés. "C'était quelqu'un d'isolé, qui n'avait pas d'entourage", estime un ancien collaborateur du groupe. Un ancien parlementaire, sous couvert d'anonymat, critique durement sa manière de gérer le groupe : "Il se permettait des petites vacheries en baissant le ton pour espérer que l'on ne l'entende pas".

De son côté, Laurence Abeille, l'accuse surtout d'avoir "travaillé sur ses affaires à lui" : "il n'œuvrait pas pour le collectif des députés". Très sévère, elle estime que François de Rugy, "qui est un peu la caricature du professionnel de la politique", "a joué un rôle dans l'explosion en plein vol du groupe". En mai 2016, ce dernier avait claqué la porte avec cinq autres députés pour rejoindre le groupe socialiste. 

"Il doit être au septième ciel d'avoir ce poste"

Pour ces responsables écologistes interrogés par franceinfo, la trajectoire de François de Rugy traduit son ambition. "C'est quelqu'un qui rêvait de responsabilités, il doit être au septième ciel d'avoir ce poste", affirme Isabelle Attard. " C'est quelqu'un qui mène sa barque personnelle depuis plusieurs années", ose même Laurence Abeille qui va jusqu'à le qualifier "d'extraordinaire opportuniste."

C'est quelqu'un qui a besoin des caméras, des flashs, il aime ça et a envie d'être dans la lumière.

Isabelle Attard, ancienne députée EELV

à franceinfo

"Il a toujours voulu être ministre, il a finalement cherché le meilleur véhicule pour y arriver", assure Sergio Coronado. "Il sait saisir les opportunités et souhaite exercer le pouvoir même si c'est pour avoir de faibles avancées", juge, quant à elle, Eva Sas. 

Alors, qu'attendre de sa nomination au gouvernement ? "Rien du tout", tranche Laurence Abeille pour qui, "sur les questions écolos", "il n'y a aucun espoir" de voir de réelles avancées. Lors de la passation de pouvoir, mardi en fin de journée avec Nicolas Hulot, François de Rugy a expliqué vouloir "poursuivre et amplifier" les réussites de son prédécesseur. Une déclaration qui, pour ses anciens camarades, traduit bien "la politique des petits pas" qui caractérise, selon eux, le nouveau ministre. "Il est à l'aise avec cette stratégie", soutient Mounir Satouri, président du groupe écologiste à la région Île-de-France. 

"François de Rugy est quelqu'un de loyal, de discipliné, il ne créera pas de conflits avec l'exécutif, mais ça veut dire aussi moins d'ambitions alors qu'on avait besoin d'un sursaut et d'une rupture sur les questions écologistes", soupire Eva Sas. Marie Toussaint, déléguée Europe et Jeunesse chez EELV, ne cache pas sa déception : "J'aurais aimé un vrai changement de cap, il va falloir qu'il me montre ce qu'il est capable de faire".

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