Audition de Gérard Collomb : "Un ministre qui n'a pas de bouche, qui n'a pas d'oreilles et qui n'a pas d'yeux", ironise Benoît Hamon
"Dans la plupart des grandes démocraties, Gérard Collomb n'aurait pas comparu devant la commission d'enquête parlementaire en tant que ministre, mais en tant que ministre démissionnaire", a estimé Benoît Hamon, lundi sur franceinfo.
"Dès qu'il y a un sujet sensible, le ministre est au courant", a réagi lundi 23 juillet sur franceinfo Benoît Hamon, fondateur du parti Génération.s, après l'audition de Gérard Collomb devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale, dans le cadre de l'affaire Alexandre Benalla. Le ministre de l'Intérieur a régulièrement indiqué qu'il ne détenait pas toutes les informations sur le dossier. "Ce qui m'a frappé, c'est cette propension du ministre de l'Intérieur à vouloir se défausser de sa propre responsabilité sur son administration", a ajouté Benoît Hamon.
franceinfo : Quel est votre sentiment à l'issue de l'audition du ministre de l'Intérieur ?
Benoît Hamon : C'est un sentiment très étrange parce qu'on découvre un ministre de l'Intérieur qui n'a pas de bouche, il ne parle pas, qui n'a pas d'oreille, il n'entend rien et il n'a pas d'yeux non plus, il ne voit rien. Ça donne le sentiment qu'il ne peut ou veut rien dire, ce qui est peut-être le cas. Pourquoi ? Parce que l'essentiel de la vérité serait entre les mains du président de la République lui-même. Ce dont on parle, c'est d'une présomption de police parallèle mise en oeuvre par le principal garde du corps du président de la République et c'est vrai qu'aujourd'hui tout se concentre autour d'Emmanuel Macron. Ce qui m'a frappé, c'est cette propension du ministre de l'Intérieur - qui est responsable politique - à vouloir se défausser de sa propre responsabilité sur son administration, sur le préfet de police. Ce n'est pas bon pour la démocratie. Ils sont souvent les premiers à appeler les citoyens au sacrifice ou à la responsabilité.
Si Gérard Collomb dit la vérité, êtes-vous inquiet parce qu'il n'est pas assez au courant de ce qu'il se passait dans ses services ?
Je vais être très honnête. J'ai été ministre pendant 2 ans et demi, notamment ministre de l'Education nationale, dès qu'il y a un sujet sensible, le ministre est au courant.
Je ne conçois pas que le ministre de l'Intérieur, sur une affaire de violences qui met en cause le garde du corps du président de la République, n'ait pas été au courant
Benoît Hamonfranceinfo
Ou alors, ça a beaucoup changé et la République ne fonctionnerait plus de la même manière mais je crois d'abord, et hélas, que Gérard Collomb se défausse de sa responsabilité. Je pense qu'il est très embarrassé, parce que c'est le garde du corps du président, parce que c'est un intime d'Emmanuel Macron et que ça met en cause l'exercice du pouvoir par Emmanuel Macron. Parce que la Constitution de la Ve République ne l'interdit pas, je pense que les deux commissions parlementaires - sénatoriale et à l'Assemblée nationale - devraient inviter le président à être entendu, ce qui pourrait permettre d'accélérer la réalisation de la vérité.
Est-ce que vous considérez que Gérard Collomb doit quitter son poste ?
Tout ça, c'est un exercice ou en tout cas une chaîne d'irresponsabilités. Et ce qui est le plus insupportable, c'est de voir des dirigeants politiques qui appellent tout le monde à la responsabilité sauf eux-mêmes. Je crois que dans cette affaire, quand on a un garde du corps du président qui a accès à la fréquence de la police grâce à une radio, à un brassard de police et intervient et commet des violences devant des policiers, tout ceci appellerait des décisions assez radicales. En réalité, dans la plupart des grandes démocraties, Gérard Collomb n'aurait pas comparu devant la commission d'enquête parlementaire en tant que ministre, mais en tant que ministre démissionnaire. C'est une particularité de la France que de passer à ses ministres des fautes que d'autres démocraties modernes, grandes, ne passent pas. Je pense qu'il faut qu'on sorte de cette démocratie intermittente, immature, pour progresser et aller vers une démocratie plus adulte. Et une démocratie plus adulte suppose de demander au ministre de l'Intérieur de démissionner.
Tout part d'un homme, Alexandre Benalla, qui a travaillé pendant plusieurs années pour la sécurité de responsables socialistes. L'avez-vous connu ou côtoyer ?
Oui, bien sûr. Mais ce qui me frappe, c'est qu'il était jeune déjà et encore plus. Il devait avoir entre 20 et 24 ans. J'ai été surpris quand, du jour au lendemain, on l'a découvert comme garde du corps d'Emmanuel Macron et qu'il se voit ensuite confier de telles responsabilités à l'Elysée et une telle autorité. Il y a quelque chose, là, qui pour moi relève d'un mystère. Comment un si jeune homme qui était finalement peu formé devient-il - dans un contexte de menace terroriste élevée - presque monsieur sécurité de l'Elysée ? C'est vrai qu'on a besoin de comprendre comment on en est arrivé là.
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