"Il n'y a guère d'avantage d'être mathématicien dans une campagne" : dans l'Essonne, Cédric Villani fait ses premiers pas de candidat aux législatives
Le plus connu des mathématiciens français, Cédric Villani, se lance un nouveau défi : devenir député de La République en marche dans l'Essonne en juin. Franceinfo a suivi les premiers pas en campagne de l'apprenti candidat à Orsay, la ville où il réside.
"Je me suis renseigné sur internet, vous êtes mathématicien !" Au détour d'une rue, Christophe, médecin à Orsay (Essonne), l'a reconnu tout de suite. Il faut dire que le candidat de La République en marche sur la circonscription a un look reconnaissable entre tous. Longuement commenté, son style fait désormais partie intégrante du personnage. Aujourd'hui, Cédric Villani a choisi une lavallière or et bleu et des boutons de manchette en forme de scarabée. Au revers de sa veste, son immuable broche en forme d'araignée. Rien de plus classique pour le mathématicien, bien connu des Français depuis qu'il a décroché, en 2010, la médaille Fieds, l'équivalent du prix Nobel des maths.
A 43 ans, ce père de deux enfants, pacsé à une biologiste, aurait pu continuer son parcours scientifique sans faute. Directeur, entre autres, de l'institut Henri-Poincaré, l'une des plus prestigieuses structures dédiées à la recherche en mathématiques et en physique théorique, l'homme s'intéresse pourtant à la politique depuis quelque temps. Il est l'un des administrateurs du think tank pro-européen EuropaNova et a été président du comité de soutien d'Anne Hidalgo, alors candidate aux municipales à Paris, en 2014.
Et puis, celui qui se dit "ni de droite ni de gauche depuis dix ans", rencontre en 2013 Emmanuel Macron, un homme "affable et généreux", suit l'aventure de son mouvement et décide de se jeter dans le grand bain. Les 11 et 18 juin, il sera candidat pour La République en marche dans la 5e circonscription de l'Essonne, face à la députée socialiste sortante, Maud Olivier.
"J'ai une expérience variée qui peut inspirer confiance"
A Orsay, où il habite, Cédric Villani arrive à pied, vendredi 12 mai, entouré de son futur suppléant et de son directeur de campagne. Légèrement en retard. Forcément, depuis l'annonce de son investiture, les sollicitations médiatiques pleuvent. Il y a bien sûr les médias nationaux, mais le mathématicien est aussi très demandé à l'étranger. "CNN, le Washington Post, le Corriere della sera, la BBC... Hier, on a déjà fait cinq plateaux télé", raconte son directeur de campagne, Thomas Friang, 28 ans, engagé au MoDem pendant dix ans, et qui a l'expérience des campagnes politiques.
C'est hallucinant. Je ne m'attendais pas à ce que l'on reçoive autant d'appels.
Thomas Friang, directeur de campagne de Cédric Villanià franceinfo
Avoir Thomas Friang à ses côtés semble rassurer Cédric Villani. "Il a tous les réflexes", raconte le chercheur. Les réflexes, les codes, la politique finalement... "Lundi, c'était le début officieux de ma campagne. Il a fallu se mettre en marche, sourit Cédric Villani. Je découvre que c'est exigeant, parfois éprouvant mais c'est aussi très enthousiasmant."
L'universitaire, qui souhaite d'abord faire valider ses thèmes de campagne avec les militants, esquisse tout de même les sujets qu'il va porter dans les semaines qui viennent : "Le développement scientifique du plateau de Saclay, la préservation du territoire, la mobilité, le vivre-ensemble...". On n'en saura pas plus mais un mot reviendra en boucle dans la conversation : "la bienveillance", qu'il veut mettre au cœur de son projet politique. Va-t-il "vendre" aux électeurs son génie des maths ? Visiblement non.
Il n'y a guère d'avantage à être mathématicien dans une campagne (...). La campagne, c'est de l'humain.
Cédric Villani, candidat La République en marche dans l'Essonneà franceinfo
Cédric Villani apprend et ça se sent. Lorsqu'on l'interroge sur ses atouts, ce dernier hésite, bafouille, avant de se reprendre. "J'ai une expérience variée qui peut inspirer confiance, je l'espère", assure-t-il, avant de vanter ses qualités de directeur d'un grand institut où il faut savoir "gérer une équipe, les finances, récupérer des fonds..." "Je pense être très à l'écoute. Et, en toute situation, je suis sincère", ajoute-t-il encore.
"Il a un niveau d'intelligence au-dessus de la moyenne"
Le novice met à l'épreuve son argumentaire en rendant visite à quelques commerçants d'Orsay, où il réside depuis cinq ans. Son équipe l'a ménagé pour le début de son parcours. La première porte à pousser est celle de son propre coiffeur. A 76 ans, Claude, le gérant du salon, tombe littéralement dans les bras du candidat. Ce petit homme à la barbe blanche bien soignée ne tarit pas d'éloges sur "Cédric". "Ca ne me gène pas du tout qu'il soit dans la politique, c'est une fierté", commence celui qui a glissé dans son catalogue de modèles un numéro de Sciences & Avenirs avec Cédric Villani en couverture.
Claude est catégorique : "Certainement que je vais voter pour lui, je suis même obligé."
Il est sociable, il n'a pas la grosse tête. Les gens se sentent à l'aise avec lui.
Claude, coiffeur de Cédric Villanià franceinfo
Le coiffeur est même persuadé qu'il l'emportera : "Il a un niveau d'intelligence supérieur à la moyenne. Ça ne devrait pas être difficile pour lui." Outre ses capacités intellectuelles, Cédric Villani pourra surtout compter sur les très bons scores réalisés par Emmanuel Macron dans l'Essonne. Dans la circonscription d'Orsay, le candidat d'En marche ! est arrivé largement en tête du premier tour de la présidentielle, avec 34,3% des voix (contre 26,2% à l'échelle du département).
"J'ai eu un brief magnifique"
Malgré ces débuts très encourageants, tout le monde n'accueille pas à bras ouverts un candidat macroniste, aussi brillant et connu soit-il. L'équipe de Cédric Villani a choisi une pharmacie pour la suite de sa déambulation. L'ambiance y est bien différente. En retrait, Cédric Villani se place dans la queue, la main sur le parapluie. Malgré la présence de plusieurs journalistes et caméras, il faudra plusieurs longues minutes pour que les commerçants réagissent. "Bonjour, je suis le candidat d'En marche !", tente Cédric Villani.
Et si l'accueil est plutôt froid, l'explication n'est pas bien compliquée à chercher. Alors ministre de l'Economie, Emmanuel Macron avait un temps envisagé de casser le monopole des pharmacies, avant de finalement reculer. "J'ai manifesté quand Macron a voulu déréglementer notre profession. On a eu gain de cause mais on a peur qu'il recommence maintenant", explique Caroline, l'une des pharmaciennes. "Il a 39 ans, c'est un nouveau Kennedy, ça emballe tout le monde mais j'ai peur qu'il touche à la qualité, dès lors qu'on touche aux compétences. Il faut conserver certaines réglementations", renchérit sa collègue Delphine.
Entre-temps, l'équipe de Cédric Villani lui a tendu un petit calepin pour qu'il puisse prendre des notes. Déréglementation, vente de médicaments par internet, règles qui régissent les officines... Le candidat consigne scrupuleusement ce que lui disent les deux femmes, pose des questions parfois très techniques et évite de répondre tout de suite aux inquiétudes. Ce n'est que poussé par un journaliste que le mathématicien finit par se lancer : "Je ne pense pas qu'Emmanuel Macron soit là pour casser, pour libérer le travail oui. Nous privilégions le dialogue avant les grands changements." Convaincue ? La pharmacienne est en tout cas partante pour une table-ronde afin d'exposer ses doléances. Cédric Villani lui est visiblement satisfait. "J'ai eu un magnifique brief", dit-il, en refermant son calepin. Le surdoué des mathématiques est en plein apprentissage.
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