Interview d'Emmanuel Macron sur France 2 : on a vérifié huit affirmations du chef de l'Etat dans l'émission "L'Evénement"
Inflation, 49.3, retraites, immigration, industrie... Franceinfo a décodé les affirmations les plus marquantes du président de la République durant son interview, mercredi soir.
Une heure d'entretien sur les enjeux nationaux. Après une émission consacrée aux problématiques internationales, Emmanuel Macron était de nouveau invité de l'émission politique "L'Evénement", mercredi 26 octobre sur France 2, pour s'exprimer, six mois après sa réélection, sur des questions de politique intérieure. Franceinfo revient sur huit déclarations du chef de l'Etat.
1La France fait-elle mieux que ses voisins pour contenir l'inflation ?
"Nous avons mieux maîtrisé l'inflation que nos voisins", s'est félicité Emmanuel Macron en début d'entretien. "Un peu plus de la moitié du choc a été pris par l'Etat", a affirmé le président de la République. Selon les derniers chiffres de l'Insee, les prix ont augmenté de 5,6% sur un an en septembre. Comme ces derniers mois, c'est néanmoins une hausse des prix moins importante que chez nos voisins européens. Par exemple, l'Italie est à 9,5%, l'Allemagne à 10,9% et l'Estonie à 24,2%, selon les données d'Eurostat.
Le chef de l'Etat a loué sur France 2 l'action du bouclier tarifaire mis en place il y a un peu plus d'un an (blocage des prix du gaz et hausse plafonnée à 4% pour ceux de l'électricité) et l'aide sur les carburants instaurée en avril. Selon une analyse de l'Insee, le bouclier tarifaire a effectivement réduit de moitié cette hausse des prix. Sans ces mesures, l'inflation aurait été 3,1 points plus élevée. L'institut national de la statistique affirme que les Français les plus modestes sont ceux qui subissent le plus fortement l'augmentation des prix de l'énergie.
2Le gouvernement a-t-il évité une hausse de 100% sur les prix de l'énergie ?
Interrogé plus particulièrement sur les prix de l'énergie, Emmanuel Macron a chiffré le bénéfice apporté, selon lui, par le bouclier tarifaire, qui va être prolongé en début d'année prochaine mais entraînera tout de même des augmentations de tarifs sur les factures des Français. "Là où il y aurait dû avoir 100% de hausse d'électricité et de gaz, ce sera 15% [début 2023]", a-t-il martelé, reprenant ainsi des annonces faites par Elisabeth Borne mi-septembre.
Au mois de septembre, le président de la République déclarait même qu'une augmentation de 120% du prix de l'électricité serait évitée grâce au plafonnement des tarifs instauré par le gouvernement. Une estimation probablement surestimée. Interrogé fin septembre par franceinfo, Jacques Percebois, économiste de l'énergie, estimait que, sans bouclier tarifaire, cette augmentation ne serait que d'environ 63%.
Le problème, estime Jacques Percebois, c'est qu'on ne peut pas déterminer avec exactitude la hausse des prix de l'énergie en 2023. Et pour cause : c'est sur une moyenne lissée, calculée à partir des données de fin décembre, qu'on pourra précisément évaluer l'augmentation du prix de l'électricité.
3Le 49.3 sur le budget a-t-il évité plusieurs milliards d'euros de dépenses inutiles ?
Pour le président de la République, l'usage du 49.3 pour le vote du budget 2023 était nécessaire pour éviter un dérapage des finances publiques. "Le gouvernement a eu raison de faire voter ce budget, y compris face à toutes les oppositions, qui étaient parfois dans la démagogie", a estimé le chef de l'Etat.
"Il a évité plusieurs milliards de dépenses à perte peu utiles, mais nous avons déjà un déficit public qui sera de 5% l'année prochaine."
Emmanuel Macronà franceinfo
Emmanuel Macron fait référence aux nombreux amendements votés par les oppositions, dont le coût a été estimé à environ 8 milliards par Bercy, explique Le Point. Au total, en retenant une centaine d'amendements (essentiellement ceux de la majorité), le gouvernement a alourdi la note du budget 2023 de 700 millions d'euros. Mais il a refusé d'autres amendements qui proposaient pourtant de nouvelles recettes, comme celui pour une taxe sur l'exil fiscal des chefs d'entreprise ou celui pour une taxe sur les super-dividendes.
4Manque-t-il plusieurs milliards d'euros pour le régime des retraites ?
Emmanuel Macron a évoqué un besoin de financement futur de 10 à 12 milliards pour justifier la nécessité d'une réforme des retraites. Selon le dernier rapport (en PDF) du Conseil d'orientation des retraites (COR), le système de retraites français va connaître un excédent de 3,2 milliards d'euros en 2022, mais le solde global des régimes de retraites va effectivement "se dégrader sensiblement" dès 2023. Le "trou" anticipé par le COR pourrait atteindre entre 7,5 et 10 milliards d'euros en 2027, puis entre 12,5 milliards et 20 milliards en 2032.
Certains économistes, comme Michael Zemmour, maître de conférences à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, estiment cependant que le déficit annoncé par le gouvernement pourrait être en réalité moins important que prévu. "Les chiffres du COR ne sont pas utilisables pour regarder réellement le déficit entre 2027 et 2037, c'est-à-dire précisément la période où le déficit est le plus élevé. On ne peut pas se faire un avis sur des chiffres trop gonflés par un artefact", explique-t-il à La Dépêche du Midi.
5Le taux de pauvreté est-il resté stable pendant la pandémie de Covid-19 ?
Emmanuel Macron a affirmé que le "taux de pauvreté ne s'est pas aggravé" durant la pandémie de Covid-19. Une étude publiée par l'Insee a effectivement constaté une "quasi-stabilité du taux de pauvreté" par rapport à 2019, malgré la crise sanitaire. L'Insee avertit cependant que la mesure de la pauvreté a été compliquée durant cette période. L'institut prévient que son étude comporte des limites, car près de 1,4 million de personnes (comme les étudiants, les sans domicile fixe ou les pensionnaires de maison de retraite) n'ont pas pu être prises en compte dans son périmètre d'analyse.
L'Insee écrit par ailleurs dans une note, publiée en 2021, avoir enregistré une hausse du recours à l'aide alimentaire de 11% ainsi qu'une hausse de 7% des inscriptions auprès des associations caritatives, signes d'une aggravation de la précarité.
6L'objectif de 2 millions de voitures électriques produites chaque année est-il réaliste ?
Le président de la République a déclaré qu'un objectif de "deux millions de véhicules électriques" produits en France est fixé pour la fin du quinquennat. Est-il tenable ? L'objectif est ambitieux puisqu'il revient à multiplier par plus de six la production actuelle (300 000 voitures). Il n'est toutefois pas inatteignable, si la filière se réorganise profondément.
Pour y parvenir, les constructeurs tricolores devront produire leurs propres batteries. Ils investissent déjà à cette fin dans des giga-usines. Les deux principaux constructeurs français, Renault et Stellantis (ex-PSA), devront cependant procéder à "un changement de culture" pour travailler ensemble et développer de manière coordonnée une filière industrielle sur les batteries, afin de réduire leur dépendance envers les fabricants asiatiques.
7Sur les OQTF, la situation française est-elle comparable à celle de ses voisins européens ?
"C'est une situation qu'on a partout en Europe." Interrogé sur les difficultés pour faire aboutir les obligations de quitter le territoire français (OQTF) – seules 5,6% de ces mesures ont été appliquées au premier semestre 2021, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur cités dans un rapport du Sénat –, le chef de l'Etat avance que la situation française se vérifie "partout en Europe".
Les comparaisons en la matière sont difficiles compte tenu des différences de législations selon les pays. Mais cette affirmation est plutôt fausse, relève Le Figaro. En comparant avec plusieurs voisins (l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Belgique et les Pays-Bas), la France expulse en moyenne davantage en valeur absolue, mais "elle est le pays dans lequel les OQTF sont le moins suivies d'effets", selon le quotidien.
Dans le détail, le taux d'exécution des OQTF était de 15,02% en 2017, 14,63% en 2018 et 12,61% en 2019, selon Le Figaro, qui s'appuie sur les données d'Eurostat plutôt que sur celles du ministère de l'Intérieur pour pouvoir comparer avec les autres pays européens. Aux Pays-Bas, par exemple, ce même taux était de 39,49% en 2017, 49,23% en 2018 et 43,46% en 2019.
8Le gouvernement est-il parvenu à augmenter le nombre de départs forcés ?
"On est passé de 12 300 départs forcés sur la période 2007-2011 (...) à 19 000 avant le Covid. Donc on a nettement amélioré", a affirmé Emmanuel Macron. Le président de la République s'appuie une fois encore sur les chiffres de son administration. Selon les données du ministère de l'Intérieur, le nombre d'éloignements forcés était de 15 677 en 2018 et 18 906 en 2019, avant de chuter à 9 111 en 2020, année de la pandémie. En remontant un peu le temps, on remarque que ce nombre était en moyenne de 14 000 pendant le quinquennat de François Hollande, selon des chiffres compilés par l'AFP.
Sur la période 2007-2011, le nombre de départs forcés tourne bien autour de 12 000. Mais le nombre total de sorties du territoire (forcées ou non) varie peu au fil des années. On retrouve des chiffres relativement similaires en 2011 (32 912) et en 2019 (31 404).
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.