Tournée d'Emmanuel Macron en Afrique : "Il n'y a plus l'enthousiasme populaire qu'il pouvait y avoir à l'époque", estime un spécialiste
Alors qu'Emmanuel Macron termine une tournée de quatre jours en Afrique, le directeur de la rédaction du journal Jeune Afrique, François Soudan, estime samedi 4 mars sur franceinfo que le président français n'a pas rencontré "l'enthousiasme populaire qu'il pouvait y avoir à l'époque". Occupé à redorer le blason de la France en Angola, au Gabon, au Congo et en République démocratique du Congo, Emmanuel Macron a en revanche été "rattrapé par ses hôtes, chacun l'utilisant à des fins de politique intérieure". François Soudan estime par ailleurs que le président français a eu toutes les difficultés à "défendre une position d'équilibriste entre la RDC et le Rwanda".
franceinfo : Le déplacement d'Emmanuel Macron en Afrique est-il un succès ?
François Soudan : C'était une tournée finalement assez classique qui se voulait apaisée dans une région, l'Afrique centrale, qui est moins atteinte que l'Afrique de l'Ouest par le sentiment anti-français. Elle était cadrée par un discours général qui hésitait entre l'humilité et l'autosatisfaction et qui, pour la énième fois, annonçait la fin de la Françafrique. Le point de départ de la tournée était également très politiquement correct, avec le One Forrest Summit, mais elle a très vite été rattrapée par ses hôtes, chacun l'utilisant à des fins de politique intérieure. Par exemple, même si Macron s'est défendu de toute ingérence préélectorale, il est évident que la façon avec laquelle il a mis en valeur le Gabonais Ali Bongo Ondimba, en lice pour un troisième mandat, a profité à ce dernier.
L'étape la plus sensible était ce samedi en République démocratique du Congo ?
Oui parce que Emmanuel Macron a dû défendre une position d'équilibriste entre la RDC et le Rwanda à propos de la crise dans l'est du pays. Pour faire simple, le président congolais reproche à la France de ne pas condamner clairement ce qu'il appelle "l'agression rwandaise" et Emmanuel Macron préfère se placer en arrière plan des médiations régionales de l'ONU. Il faut dire qu'il y a un axe sécuritaire de plus en plus sensible entre la France et le Rwanda sur le continent africain. En Centrafrique, le contingent rwandais équilibre la présence des mercenaires de Wagner. Au Mozambique, des troupes rwandaises sécurisent une zone où Total est implanté. Dans le nord du Bénin, les Rwandais vont assister une armée en proie aux djihadistes sahéliens. Tout cela explique la difficulté pour Emmanuel Macron d'avoir une position critique à l'égard du Rwanda. Le président de la RDC l'a bien perçu puisqu'il a orchestré diverses pressions sur la France, notamment une manifestation anti-français au cours de laquelle des drapeaux russes ont été brandis devant l'ambassade de France.
Ce voyage d'Emmanuel Macron a-t-il intéressé les habitants des pays traversés ?
Je dirais assez modérément. Il n'y a plus, dans les voyages des présidents français d'Emmanuel Macron, l'intérêt ou l'enthousiasme populaire qu'il pouvait y avoir à l'époque. D'ailleurs, on ne fait plus ces fameux accueils populaires qu'il y avait à l'époque de De Gaulle, Pompidou, Giscard, ça n'existe plus. Maintenant, il y a un certain désintérêt et un certain éloignement par rapport à la France et ce qu'elle représente.
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