Eva Joly veut supprimer le défilé: vives réactions
La plupart des politiques défendent le défilé militaire du 14 juillet alors qu'Eva Joly a proposé de le supprimer.
La réaction est unanime, du Front national au PS en passant par Matignon, où on se dit attaché au défilé militaire.
La candidate écologiste à la présidentielle propose le remplacer par un défilé citoyen qui rassemblerait les enfants des écoles, les étudiants, les "séniors", "dans le bonheur d'être ensemble, de fêter les valeurs qui nous réunissent".
L'ex-magistrate s'est exprimée jeudi 14 juillet en marge d'un rassemblement pour les valeurs de la République qui regroupait associations syndicales, politiques et de Résistants. Elle n'a pas fait sa déclaration à la réunion même, pour "éviter les soupçons de partialité". Place de la Bastille, elle réagissait au passage d'une colonne de chars et de véhicules blindés de l'armée qui venaient de défiler.
Pour elle, "il y a une antinomie" entre le passage de chars sur cette place et les discours qu'y ont prononcé jeudi les anciens Résistants.
"Ce n'est pas des valeurs que nous portons (...). Je pense que le temps est venu de supprimer les défilés militaires du 14 juillet parce que ça correspond à une autre période", a-t-elle estimé en fustigeant "cette France guerrière".
Réactions immédiates
Eva Joly "n'a pas une culture trés ancienne des valeurs françaises", a déclaré vendredi le Premier ministre François Fillon lors d'une conférence de presse à Abidjan. "Si chaque année nous rendons hommage à nos forces armées le jour de la fête nationale, c'est parce que nous rendons hommage à une institution qui assure la défense des valeurs de la République française, de la liberté, de la fraternité, de l'égalité", a estimé François Fillon.
"La suppression du défilé militaire du 14 juillet affaiblirait une nouvelle fois le lien qui lie notre armée à notre Nation au moment où celui-ci devrait au contraire être renforcé", a jugé le président du Parti radical de gauche, Jean-Michel Baylet.
Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à l'élection présidentielle, a défendu les défilés militaires du 14 juillet tout en appuyant la proposition d'Eva Joly. Pour lui, "un défilé citoyen, à la suite du défilé militaire, serait une belle démonstration pour dire à l'oligarchie et à la finance internationale que la première force de dissuasion de la France, c'est son peuple".
Le député du collectif La Droite populaire Lionnel Luca a accusé Eva Joly de confondre "le 14-Juillet et le 1er avril". "Ce serait bien qu'elle apprenne l'histoire de France. […] Je ne sais pas ce qu'elle aurait fait en 1944 ou 45", a-t-il déclaré sur Europe 1.
L'ex-Premier ministre socialiste Laurent Fabius s'est dit "attaché" au défilé militaire, "qui est une façon de montrer que l'armée française est une armée citoyenne".
Le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy Henri Guaino a qualifié de "pathétique" et d'"insulte" la suggestion d'Eva Joly.
"Ce serait une très mauvaise idée que de remettre en cause nos traditions", a déclaré Ségolène Royal sur France Info, considérant en outre que "toutes les formes de polémique sur les rites de la République ne sont pas souhaitables".
Marc Laffineur, secrétaire d'Etat aux Anciens combattants s'est dit "scandalisé et choqué" que cette proposition ait été formulée "le jour où six soldats français ont été tués en Afghanistan" alors que "justement le défilé du 14 juillet, c'est de rendre hommage à tous les efforts et sacrifices que font les militaires".
Marine Le Pen a jugé les propos d'Eva Joly "absolument consternants". "Ça démontre que Mme Joly ne comprend absolument rien aux liens extrêmement profonds qui existent entre le peuple français et son armée", a dit la dirigeante d'extrême-droite.
Frédéric Nihous, président de Chasse Pêche Nature Tradidition, appelle dans un communiqué les dirigeants d'EELV à "destituer leur candidat, comme ils l'avaient fait en 2002, et à se doter d'un candidat responsable et respectueux des institutions françaises."
Jean-Pierre Chevènement estime samedi que "la nature de la France échappe sans doute" à Eva Joly qui a proposé de supprimer le défilé militaire du 14 juillet, en ajoutant: "peut-être lui faut-il encore un peu d'accoutumance".
"(...) Tout cela n'est pas très sérieux...", a écrit sur Twitter Manuel Valls, le député-maire d'Evry, candidat à la primaire socialiste. "Elle est à coté de la plaque! Nous devons inspirer confiance dans un monde instable. Nos soldats méritent respect et soutien", a-t-il poursuivi.
Lionel Tardy, député UMP de Haute-Savoie, a vivement réagi sur Twitter. "Eva Joly propose la suppression du défilé militaire du 14 juillet (...) il est temps pour elle de retourner en Norvège !", a-t-il écrit ici. Elle fait "elle aussi dans la démagogie", a-t-il ajouté . Et de poursuivre avec un "Tout se perd".
Le défilé du 14 juillet, une tradition vieille de 130 ans en France...
La fête nationale est fêtée le 14 juillet depuis 1880 et a été instituée pour consolider la IIIe République. Cette date a été retenue pour célébrer l'anniversaire de la Fête de la fédération, le 14 juillet 1790, qui commémorait elle-même la prise de la Bastille en 1789. Le défilé du 14 juillet a eu lieu chaque année à Longchamp jusqu'en 1914, puis sur les Champs-Elysées à partir de 1919. Il n'y a pas eu de défilé entre 1940 et 1944 à cause de l'occupation allemande.
Le "Défilé citoyen": une coutume en Norvège
La proposition d'Eva Joly pour remplacer le défilé militaire du 14 Juillet ressemble beaucoup au cortège de la fête nationale en Norvège. Chaque 17 mai, dans toutes les villes du pays scandinave, les enfants des écoles primaires défilent dans des cortèges colorés et festifs, en chantant des chansons traditionnelles en agitant force drapeaux.
Les bacheliers de l'année, vêtus de bleu ou de rouge suivant leur spécialité au lycée, organisent ensuite un cortège comprenant des bus, à vocation plus humoristique. Les drapeaux se comptent par milliers et les costumes traditionnels sont partout mais en revanche, pas de militaire à l'horizon.
On célèbre durant le jour férié l'indépendance de la Norvège du Danemark du 17 mai 1814, de courte durée puisque la Norvège tombe peu après dans le giron suédois, jusqu'en 1905.
Cette fête extrêmement populaire, la fête nationale rassemble chaque année des dizaines de milliers de personnes dans la capitale Oslo, où la famille royale assiste au défilé, précédé par la fanfare de la Garde royale, depuis un balcon du palais.
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