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Moralisation de la vie politique : les dispositions de la loi restent "insuffisantes"

Jérôme Karsenti, avocat pour l'association d'éthique politique Anticor, estime que la loi de moralisation de la vie publique, présentée mercredi en Conseil des ministres par François Bayrou, ne va "pas jusqu'au bout des réformes nécessaires". 

Article rédigé par franceinfo
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Édouard Philippe et François Bayrou à l'Élysée, en mai 2017. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Un projet de loi sur la moralisation de la vie politique est présenté, mercredi 14 juin, en Conseil des ministres. François Bayrou va défendre cette loi, appelée "loi pour la confiance dans notre vie démocratique", alors que son parti le MoDem fait l'objet d'une enquête préliminaire sur ses assistants parlementaires européens. Jérôme Karsenti, avocat, notamment pour l'association d'éthique politique Anticor, a estimé mercredi sur franceinfo que même si cette loi "n'a jamais été aussi aboutie", elle reste, selon lui, "insuffisante". "Il y a un certain nombre de dispositions qui ne vont pas jusqu'au bout des réformes nécessaires", a regretté l'avocat. Pour lui, "la vraie problématique, c'est celle des lobbys".

franceinfo : Est-ce que cette loi est à la hauteur de l'enjeu démocratique ?

C'est une loi qui n'a jamais été aussi aboutie. Elle s'attaque à un problème constitutionnel : on supprime la Cour de justice de la République. En cela, on va relativement loin. On va dans le sens d'un appauvrissement des privilèges parce que les anciens présidents de la République ne seront plus membres de droit du Conseil constitutionnel. Il y a des dispositions sur le cumul des mandats, sur la réserve parlementaire, sur l'IRFM, l'indemnité représentative, qui étaient des archétypes des privilèges de nos élus. On est dans une bonne voie mais dans une voie insuffisante. Il y a un certain nombre de dispositions qui ne vont pas jusqu'au bout des réformes nécessaires.

Que manque-t-il ?

Notre parquet n'est pas considéré par la Cour européenne des droits de l'Homme comme une autorité judicaire parce qu'il reste ce lien entre le garde des Sceaux, supérieur hiérarchique du parquet. On a un garde des Sceaux qui est le responsable hiérarchique du parquet qui va enquêter sur le parti qui est le sien. Tant qu'on n'aura pas coupé de façon formelle ce lien-là, on aura toujours cette idée du soupçon et d'intervention. On ne va pas assez loin sur la question des immunités. On voit bien comment Marine Le Pen va pouvoir se servir de l'immunité parlementaire qui va être la sienne pour se protéger contre les enquêtes qui vont s'engager contre elle. Quand l'immunité devient non plus un instrument de la démocratie, mais un outil de protection des élus, cela pose problème.

Est-ce que cette loi aurait pu éviter l'affaire Fillon ?

Probablement. Une des dispositions est l'interdiction des emplois familiaux mais je mets un bémol. Monsieur Bayrou a dit que cela concernait des ascendants, des descendants et des époux et épouses. La "famille pacsée" ou la "famille concubine" n'existe pas. On pourra encore contourner. Mais c'est quand même un progrès considérable. La question essentielle, à mon sens, qui n'a pas été posée, est la porosité entre le secteur public et le secteur privé. On la pose de façon marginale avec le cumul des fonctions de conseil, mais la vraie problématique, c'est celle des lobbys. Elle n'est pas interrogée clairement et directement. Comment passe-t-on du secteur public au secteur privé ? Comment, dans la société française, défend-t-on ou pas l'intérêt général ? Qu'est-ce-que l'intérêt collectif ? Cela nécessite une réflexion de fond, mais elle n'apparaît pas dans la loi.

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