François Hollande, la vie d'après
Près de deux mois après son départ de l'Elysée, l'ancien président de la République continue à suivre de très près la situation politique.
"A la fin de la semaine, il va vraiment essayer de partir en vacances." La remarque d'un de ses vieux amis en dit long sur l'état d'esprit de l'ancien chef de l'Etat. Près de deux mois après son départ de l'Elysée, François Hollande a du mal à lâcher prise, à tourner la page. Il faut dire que le changement de rythme est brutal. Après cinq années englouties à une cadence infernale, l'ex-président de la République se retrouve sans mandat, sans métier et sans passion... à l'exception notable d'une seule : la politique.
A peine parti de l'Elysée, François Hollande s'est installé dans ses nouveaux bureaux. Au numéro 242 de la rue de Rivoli, au cœur de Paris, il fait face au jardin des Tuileries. Comme pour tous les anciens présidents, la République a mis à sa disposition des locaux et du personnel. Philae, le labrador qu'il avait reçu en cadeau à l'Elysée, l'y a suivi. Comme ses prédécesseurs, François Hollande aurait pu siéger au Conseil constitutionnel. Mais il a toujours réprouvé cette pratique.
Alors à 62 ans, il profite de sa liberté retrouvée. "Il prend le temps de vivre, de se promener, de lire..." raconte l'une de ses proches, qui lui parle presque tous les jours au téléphone. En ce début d'été, l'ancien président renoue ainsi avec les escapades qui lui manquaient tant quand il était à l'Elysée, traverse la rue pour se rendre aux Tuileries, flâne dans une librairie voisine, prend le temps d'un café en terrasse...
Il savoure, c'est un peu 'je fais ce que je veux quand je veux'. C'est un luxe quand on a été président.
Une proche de François Hollandeà franceinfo
S'il a trouvé sans mal une nouvelle adresse professionnelle, François Hollande est en revanche encore en recherche immobilière sur le plan privé. Aujourd'hui, "il n'a pas de chez lui, pas une maison à laquelle il se raccrocherait", remarque l'un de ses vieux compagnons de route. Depuis quelques semaines, il s'est mis en quête d'un logement à Paris, mais aussi d'une résidence secondaire en Corrèze, où il pourrait accueillir sa famille. Il en a déjà visité une demi-douzaine. Mais à peine le tour du propriétaire terminé, il glisse à son ami Bernard Combes, maire de Tulle : "Ce ne sera pas celle-là." "Il ne faut pas s'impatienter, il faut prendre son temps", sourit celui qui l'accompagne dans ses recherches.
"Il ne veut pas être isolé dans son ancienne fonction"
François Hollande, qui a toujours apprécié le contact avec les Français, tient à avoir quelques déplacements à son agenda. Le 9 juin, il a réservé sa première sortie publique à la cérémonie d'hommage aux martyrs de Tulle, à laquelle il participe depuis plusieurs décennies. Le 24, il s'est rendu à l'hippodrome de Longchamp, à l'occasion du festival Solidays. Accompagné de l'animatrice Maïtena Biraben, marraine de l'association Solidarité Sida, l'ancien président a déjeuné avec les organisateurs, est allé saluer des bénévoles et s'est laissé prendre au jeu des selfies avec de nombreux festivaliers.
Deux jours plus tard, le 27, ce sont des jeunes élèves du collège Jean-Vilar de la cité de la Grande Borne, à Grigny (Essonne), qui ont eu la surprise de voir l'ancien président s'inviter à une remise de récompenses dans le cadre d'un concours de nouvelles policières. "Il y a quelques semaines, alors que je recevais une classe de votre collège à l’Elysée, je leur ai fait une promesse. Ce jour-là, je me suis engagé à venir, ici, à Grigny", a-t-il rappelé. Promesse tenue. "Il nous a posé quelques questions et nous a dit que l’on pouvait être fières de nous", raconte Niswatt, 15 ans, dans les colonnes du Parisien.
Des rencontres dont François Hollande est demandeur : "C’est le goût des autres qui l’amène à paraître dans l’espace public, traduit son ami Bernard Combes. Il ne veut pas être isolé dans son ancienne fonction."
"Il est assez inoxydable, comme garçon"
Mais François Hollande passe aussi et surtout beaucoup de temps à recevoir. "Il échange avec ses vieux amis, il voit des gens à Paris et en province... Visiblement, il a trouvé ses marques, dit l'un d'eux en sortant de son bureau. C'est une bonne thérapie, il est en pleine forme !" Ceux qui lui sont restés fidèles assurent qu'il n'éprouve pas de nostalgie. "C'était le même regard pétillant, la même drôlerie, la même curiosité", louange l'un de ses anciens conseillers. "Il est assez inoxydable, comme garçon, admire un de ses anciens ministres. Il ne livre pas ses états d'âme." Un autre ancien conseiller abonde : "Déjà quand il était en fonction, c'était difficile de déchiffrer... Là, ça l'est encore plus."
Et de quoi François Hollande parle-t-il dans ces entrevues plus ou moins informelles ? De politique, évidemment…
On parle de choses et d'autres pendant trois minutes, puis de politique pendant 1h30.
Un ami de François Hollandeà franceinfo
"On a évoqué la mise en place de la majorité, raconte cet ancien conseiller. Je lui rapporte mes informations, lui transmets mes analyses... Il est toujours aussi affuté et passionné par le commentaire de la vie politique. Simplement, il a plus de temps."
Lui qui a toujours été un grand lecteur de la presse se tient très informé de l'état du pays : "Il relit plein de trucs, les notes de conjoncture de l'Insee ou les études de France Stratégie", un organisme public de réflexion et de prospective installé au début de son quinquennat. Quand on s'étonne de ce choix, qui ferait pour beaucoup figure de repoussoir, cet ancien conseiller rétorque : "C'est sa vie, il a toujours été passionné par ça. A Sciences Po, il enseignait l'économie. A l'Elysée, il lisait en diagonale. Maintenant, il a le temps. Il se tient informé, l'animal !" Un autre visiteur a évoqué avec lui "ce qui se faisait dans le monde de la recherche, et les gens qui ont une analyse intéressante de la société".
François Hollande ne veut en revanche pas que l'on sache ce qu'il pense des premiers pas de son successeur, Emmanuel Macron, et s'astreint à une période de réserve médiatique, au moins jusqu'à la rentrée... Un silence motivé par une certaine conception des institutions, mais pas seulement : "Il est lucide, il sait que sa parole n'est pas audible aujourd'hui", glisse un ex-conseiller.
"Il n'est pas encore dans l'introspection"
L'ancien chef de l'Etat suit aussi de très près les soubresauts du Parti socialiste. "Certains lui demandent comment reconstruire, comment pourrait se structurer un nouveau PS, dit Bernard Combes. Même si ce n'est pas lui qui sera aux commandes, je suis certain qu'il y prendra sa part." D'après Le Canard enchaîné, François Hollande souhaite que Najat Vallaud-Belkacem prenne la direction provisoire du parti.
"Il a beaucoup d'interrogations sur l'état du PS, sur comment on en est arrivé là...", rapporte un ancien ministre. De là à assumer sa part de responsabilité dans l'échec électoral et la décomposition de sa famille, le chemin est encore long. "Avec le recul va venir le temps du bilan et des interrogations. Il n'est pas encore dans l'introspection", dit un ancien ministre. "C'est encore un peu tôt, pense un autre. On peut l'inciter, le pousser à la réflexion, l'inciter à lire tel ou tel livre... Mais il ne faut pas le faire dans la précipitation, la culpa ou la vindicte, si on veut pouvoir reconstruire après."
Sébastien Denaja, jeune député sortant, a lui une vision un peu différente. Deux jours avant les législatives, lors desquelles il a été battu, ce "hollandais" a échangé avec l'ancien président. "Il m'a dit qu'il regrettait qu'une nouvelle génération comme la mienne puisse être sacrifiée par une pseudo rénovation. C'était peut-être un remords." Pourtant, même avec ses plus proches, il est loin de donner dans le mea culpa.
Il est plus à même d'entendre les critiques. Mais il demeure dans la revendication et la justification de son mandat, il s'arc-boute assez vite. Il est persuadé qu'il n'y avait pas d'autres choix que ceux qu'il a mis en place pour redresser le pays.
Bernard Combesà franceinfo
A la rentrée, l'ancien président prendra la tête de sa fondation, La France s'engage, qui est en train de se structurer. François Hollande a validé le recrutement du futur délégué général. Martin Hirsch, le directeur de l'AP-HP qui préside aujourd'hui la fondation, a veillé à ce que ce profil lui "convienne". François Hollande supervisera aussi, d'ici à la fin de l'année, la sélection des lauréats de la fondation.
Mais "tout cela n'occupe pas quelqu'un qui a travaillé 80 heures par semaine, glisse l'un de ses anciens conseillers. Probablement qu'il tourne en rond..." Un ancien ministre renchérit : "C'est sûrement dur pour lui de ne rien faire et ne rien dire." L'impression d'un grand vide ? "Sans doute, juge un de ses proches. Mais il a une grande capacité d'adaptation." Si tous ces fidèles rappellent que "sa seule passion, c'est la politique", ils ont du mal à imaginer ce que l'ancien président va faire.
"A la limite, pour Sarkozy, c'était plus simple : il voulait revenir, reprendre le parti ou gagner plein d'argent, estime un conseiller. Il a réussi, disons, à moitié. François Hollande, c'est plus compliqué." "Hollande est dingue de politique, pas de pouvoir, dit un autre. On peut jouer un rôle en politique sans être au premier plan, même si c'est sans doute un peu frustrant pour lui. A l'heure actuelle, il peut s'en contenter." Mais pour combien de temps ?
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