Procès des assistants parlementaires du FN : entre esquive et leçon de droit, Bruno Gollnisch déroule sa défense

Article rédigé par Brice Le Borgne
France Télévisions
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L'ancien député européen Bruno Gollnisch arrive au tribunal correctionnel de Paris, le 8 octobre 2024. (DIMITAR DILKOFF / AFP)
Au cinquième jour du procès des assistants du Front national, l'ancien député européen Bruno Gollnisch a longuement développé ses arguments, irritant parfois le tribunal par ses réponses décalées.

Jusque-là, il bougonnait depuis le banc des prévenus, opinait du chef en écoutant les débats ou relisait ses notes. Ce mardi 8 octobre était enfin l'occasion pour Bruno Gollnisch de s'adresser directement à la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, dans le cadre du procès des assistants parlementaires du FN. Et présenter sa défense aux allures de cours magistral, tantôt irritant le tribunal, tantôt amusant l'assemblée.

Bruno Gollnisch, 74 ans, est poursuivi pour détournement de fonds publics, pour avoir embauché en tant qu'assistants parlementaires trois personnes : Micheline Bruna, qui était aussi secrétaire personnelle de Jean-Marie Le Pen ; Yann Le Pen, en charge de l'organisation de grands événements et deuxième fille du fondateur du FN ; et Guillaume L'Huillier, travaillant au cabinet de Jean-Marie Le Pen. Au total, le montant du détournement qui lui est reproché s'élève à 1,41 million d'euros, entre 2005 et 2015.

"Je vais vous répondre sur les faits, car je n'ai rien à cacher", promet Bruno Gollnisch. Pendant près de cinq heures, l'ancien élu, député européen pendant trente ans, s'applique donc à dérouler ses lignes de défense. En s'attardant sur de longues démonstrations juridiques et répétant sa position tenue depuis des années : le tribunal ne serait pas compétent. "La République a des principes, dont la séparation des pouvoirs", qui s'oppose à toute immixtion de l'institution judiciaire dans les affaires des députés et de leurs assistants. "Un député est au-dessus de la loi ?", s'étonne la présidente. "Non, mais le contrôle des actes pris dans le cadre parlementaire ne peut être fait que par le bureau du Parlement", répond le prévenu.

"Je pense que vous devriez vous rallier à mon point de vue. Cela aurait le grand avantage de soulager le travail de votre tribunal."

Bruno Gollnisch

à la présidente du tribunal correctionnel

Mais Bruno Gollnisch est venu, tout de même, se défendre. Interrogé sur son parcours, de ses études au Japon à ses cours de droit en France, le juriste distille les anecdotes. Avant d'en arriver à ses engagements politiques. "On va essayer d'être synthétique sur votre parcours politique", presse la présidente. Le fidèle dauphin de Jean-Marie Le Pen passe rapidement sur la période "douloureuse" où il a échoué à obtenir la présidence du Front.

Au Parlement européen de 1989 à 2019, Bruno Gollnisch tient à prouver qu'il était "particulièrement actif". En termes d'assiduité, "je suis dans le peloton de tête. Nous avons fait le job au prix d'un exercice extraordinairement périlleux, se vante-t-il. J'ai mené une vie harassante et je n'ai pas vu grandir mes enfants." La présidente commence à se tendre : "Il n'est absolument pas question de dire que vous ne vous êtes pas consacré à votre mandat européen de manière assez intense." Mais l'ancien député y tient, et il n'est pas venu les mains vides. Il a apporté une "brochure hagiographique", "qui ne dit que du bien de [lui], compte tenu du fait que la chose est rare". Page 15, une photo d'un meeting à Sofia ; page 17, celle de "mondanités" en Autriche ; page 23, "un camping-car avec lequel [il a] parcouru 20 000 km en campagne électorale". "Suis-je alors membre du FN ou député européen ? Bien sûr, les deux à la fois." Une double casquette rappelant la défense de Thierry Légier et Fernand Le Rachinel, entendus la veille.

"Montretout, c'est distinct du Front national"

"Nous allons désormais parler des assistants parlementaires", annonce la présidente, deux heures et demie après le début de l'audience. "Vous reconnaissez que vous avez signé ces contrats ?" "Oui, oui, oui", répond l'ancien élu. "Vous étiez son employeur ?" "Pourquoi pas..." Et de reprendre un long cours magistral, mains sur la barre et coudes levés, visant maintenant à démontrer qu'aucun des assistants parlementaires de cette affaire ne devrait se retrouver devant le tribunal. On lui demande de se concentrer sur les faits. "Madame Bruna ? Sur les faits ?... Non parce qu'il y a encore beaucoup à dire sur le droit !" La présidente l'interrompt : "On a compris votre position, il va falloir qu'on passe à autre chose."

Mains désormais jointes dans le dos, Bruno Gollnisch déroule une autre ligne de défense : le FN signait ces contrats au vu et au su de tout le monde, à commencer par l'administration européenne. "Bien sûr, cela était connu de tous", crie presque le prévenu. "Les députés [européens] ne portaient une attention qu'assez discrète à ces normes et comptaient sur les services compétents pour savoir si cela posait problème." "Vous plaidez l'ignorance innocente", comprend le procureur.

On en vient, enfin, aux assistants parlementaires. L'occasion de mobiliser, comme d'autres, l'argument de la mutualisation des salariés. "Madame Bruna exerçait dans le cadre du pool d'assistants", assure l'ancien élu.

"Oui, nous avons mutualisé les moyens en fonction des besoins."

Bruno Gollnisch

devant le tribunal correctionnel

La secrétaire, dit-il, travaillait à Montretout, à Saint-Cloud, où se trouve certes le bureau de Jean-Marie Le Pen, mais également le secrétariat politique du groupe de députés européens. "Cela bénéficiait à l'ensemble des députés." Et pas au profit du parti, promet-il : "Montretout, c'est distinct du Front national." Lâchant au passage un commentaire sur le fameux organigramme d'où toute l'affaire est partie : "Il a dû être rédigé par un grouillot au siège du parti, qui ne s'est pas préoccupé de la question parlementaire."

La partie civile note qu'il n'a pas produit de documents prouvant l'activité de Micheline Bruna. "Non, car l'activité de Madame Bruna, la prise de rendez-vous, l'organisation de déplacements, la réception de courrier, l'archivage... ne laissait pas de traces matérielles." La présidente lui demande pourquoi la notion de pool, qu'il évoque, n'a pas été traduite dans les contrats. Bruno Gollnisch se calme. "Madame la présidente, vous touchez du doigt le seul tort que nous avons eu. J'ai découvert à la fin de mon mandat qu'il y avait des mesures permettant de constituer un pool de député pour embaucher une collectivité d'assistants. Nous aurions dû faire cela."

L'audience est suspendue. Micheline Bruna puis Yann Le Pen sont appelées à la barre, Bruno Gollnisch retourne suivre leurs déclarations depuis son banc. Il doit être entendu, de nouveau, mercredi 9 octobre, avec son ancien assistant Guillaume L'Huillier. Et a déjà annoncé avoir préparé la suite de sa démonstration.

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