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"Le Rassemblement national est aujourd'hui en phase de reconquête", estime le politologue Emmanuel Rivière

Le chercheur réagit au baromètre annuel sur l'image du Rassemblement national, qui indique cette année que de moins en moins de Français voient le parti de Marine Le Pen comme un danger pour la démocratie.

Article rédigé par franceinfo
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Congrès du Rassemblement national à Bron, en juin 2018. (JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP)

Marine Le Pen "améliore son image sur sa capacité à prendre des décisions, à comprendre les problèmes des Français, mais ça reste en deçà de ce qui était son image en 2017", estime sur franceinfo lundi 10 mai Emmanuel Rivière, politologue et directeur international pour les études politiques de l’institut de sondage Kantar, alors que cet institut publie son baromètre annuel sur l’image du Rassemblement national (RN) en France.

franceinfo : Que représente le RN pour le millier de Français que vous avez interrogé chez eux ?

Emmanuel Rivière : Ce que nous dit ce baromètre c'est que le Rassemblement national est aujourd'hui en phase de reconquête. Reconquête électorale d'abord, avec une hausse du nombre de personnes qui envisagent de voter pour lui, même de voter pour lui pour la première fois. Au total, on a 27% des gens qui nous disent "je pourrais voter pour le RN". On a une hausse de ceux qui nous disent partager ses idées. Trois points de plus que l'an dernier, c'est 29%.

Après, l'avantage de ce baromètre, c'est qu'il existe depuis plus de 40 ans. Donc on est en mesure de dire à quel niveau on se situe. On se rapproche des maximums. Mais non, n'est pas tout à fait au maximum. Mais c'est encore plus vrai pour l'image de Marine Le Pen, qui serait donc la candidate du Rassemblement national l'année prochaine. Elle améliore son image sur sa capacité à prendre des décisions, à comprendre les problèmes des Français. Mais ça reste en deçà de ce qui était son image en 2017, avant ce décrochage, avant cette chute et cette contre-performance du second tour, et notamment du duel de second tour de 2017.

Peut-on dire que la dédiabolisation souhaitée par Marine Le Pen pour le Rassemblement national fonctionne ?

Il y a aujourd'hui moins de la moitié des Français qui considèrent que le Rassemblement national représente un danger pour la démocratie. C'est un des points les plus bas et surtout, on a rarement vu un tel chiffre coexister avec une majorité de Français, 55%, c'est stable par rapport à l'an dernier, qui pensent qu'un jour, le Rassemblement national pourrait accéder au pouvoir. Il y a un peu moins de 20 ans, la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour, c'était un coup de tonnerre. Aujourd'hui on semble s'habituer à l'idée. C'est même celle qu'on attend, d'avoir Marine Le Pen au second tour l'année prochaine.

Cela veut dire que c'est un parti qui a réussi à se normaliser ?

Pas tout à fait. Parce que là où ça achoppe pour les élections, peut-être aussi à venir, celle des régionales et des départementales dans un peu plus d'un mois, c'est la difficulté à trouver un allié. Et aujourd'hui, on voit plutôt reculer d'ailleurs l'envie, notamment chez les sympathisants républicains, parce que c'est de ce côté-là que se passe le débat en ce moment, de faire du Rassemblement national un allié. Il n'y en a plus qu'un tiers qui voient les choses comme cela. Et quand on interroge d'ailleurs les gens sur les scénarios des régionales, ça reste le parti le plus rejeté, la moitié des gens trouveraient ça négatif que leur région soit dirigée par le Rassemblement national. C'est là où on a la plus forte proportion de gens qui se disent 'très mécontent si cela arrivait".

Donc on ne peut pas vraiment parler de banalisation. Le Rassemblement est fort. Il a cette force notamment qu'il rassemble très facilement ses électeurs d'avant et ses sympathisants. Pour eux, ça ne fait aucun doute : le Rassemblement national peut accéder au pouvoir. Il faut que ce soit Marine Le Pen la candidate. Autour de lui et y compris chez les sympathisants Les Républicains, il y a une réticence à faire de ce parti un parti comme les autres.

Les Français semblent aussi plus nombreux à assumer une proximité d'idée avec le RN : 40% des Français sont d'accord avec l'affirmation : "On ne se sent plus vraiment chez soi". Soit quatre points de plus que l'an dernier...

Oui, il y a d'autres idées d'ailleurs, qui sont très partagées dans la population française. L'idée qu'on ne donne pas assez de pouvoir à la police, l'idée qu'on ne défend pas assez les valeurs traditionnelles. On a la moitié des Français qui adhèrent à cette idée qui n'est pas anodine d'interdire le port du voile dans l'espace public, qui était une proposition formulée récemment par Marine Le Pen. Donc il y a un certain écho à ces idées. L'autre réalité, c'est qu'elle n'en a pas l'exclusivité. On voit comment la thématique peut lui être favorable, si ce sont ces thèmes-là qui s'imposaient dans la campagne des présidentielles.

Le RN peut-il ne pas être l'an prochain au second tour de la présidentielle ?

Je pense que ça reste très ouvert. Le niveau auquel on voit aujourd'hui le soutien au Rassemblement national ne permet aucune certitude sur la configuration du second tour.

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