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Départ de Matthieu Orphelin du groupe LREM : "L'électrochoc n'a pas eu lieu" après la démission de Nicolas Hulot, regrette Jean Jouzel

"Pour Nicolas Hulot, la loi qui avait fait déborder le vase c'était les chasseurs. Là, pour Matthieu Orphelin, c'est peut-être la loi 'anti-casseurs'", avance le climatologue Jean Jouzel.

Article rédigé par franceinfo
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Le climatologue Jean Jouzel, lors de l'inauguration du 13e forum international de la météo et du climat à Paris, le 27 mai 2016. (? VINCENT ISORE/IP3 / MAXPPP)

Le député Matthieu Orphelin a annoncé mercredi 6 février qu'il quittait le groupe La République en Marche (LREM) à l'Assemblée nationale, quelques mois après la démission de l'ancien ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot. Il a invoqué des avancées insuffisantes sur les "enjeux climatiques, écologiques et sociaux". Pour le climatologue Jean Jouzel, "l'électrochoc" attendu après la démission de Nicolas Hulot "n'a pas eu lieu" .

franceinfo : Avec la démission de Matthieu Orphelin de LREM, après celle de Nicolas Hulot, l'écologie est-elle enterrée ?

Jean Jouzel : La décision de Matthieu Orphelin est de nature différente mais s'appuie vraiment sur les mêmes arguments que ceux avancés par Nicolas Hulot. D'un côté, il y a la politique je dirais, des petits pas, mise en place par Emmanuel Macron dont il faut reconnaître la place qu'elle a prise, le soutien à l'accord de Paris, très clairement. Dans les textes, c'est parfait. Par exemple, la loi sur la transition énergétique et la croissance verte est tout à fait adaptée à l'objectif de deux degrés voire 1,5 degré, avec une neutralité carbone à l'horizon 2050, donc dans les textes, dans la position au niveau international, je dirais qu'il y a une véritable présence d'Emmanuel Macron sur ces problèmes d'écologie. Là où le bât blesse, c'est dans la réalité de tous les jours. Quand on regarde les émissions de gaz à effet de serre, elles ont augmenté en France au cours des deux dernières années. Quand on regarde la difficulté, cette impossibilité [qu'on a] de mettre en place une fiscalité écologique. Il est indispensable qu'elle soit juste, qu'il y ait des compensations, parce que c'est ce lien entre économique et social, d'ailleurs que Matthieu Orphelin a largement évoqué, qu'on ne sait pas faire en France. Il nous faut de la visibilité, il faut que les gens sachent comment cet argent est utilisé, et donc c'est tout cela que nous ne savons pas faire, je crois, et que Matthieu Orphelin regrette. Pour Nicolas Hulot, la loi qui avait fait déborder le vase c'était les chasseurs. Là, pour Matthieu Orphelin, c'est peut-être la loi "anti-casseurs".

Il n'y a donc pas eu d'électrochoc après la démission de Nicolas Hulot, selon vous ?

Oui c'est vrai, l'électrochoc n'a pas eu lieu. Une dynamique s'est établie, les marches pour le climat sont là pour en témoigner, mais c'est vrai que malheureusement cette fiscalité, la mise en place de la taxe carbone, a été un véritable échec parce qu'elle est profondément injuste. Le risque principal de la lutte contre le réchauffement climatique, c'est l'accroissement des inégalités. Il y a vraiment une fragilité des couches les moins aisées de la population par rapport au réchauffement climatique, y compris dans les mesures qui sont mises en place, et c'est ça qui se passe actuellement et on est dans cette incapacité en France à mettre en place de façon juste une fiscalité écologique. C'est un des problèmes qui a effectivement masqué le souffle qu'a mis dans notre politique la démission de Nicolas Hulot. Mais c'est important de continuer, c'est important que nous tous qui sommes attachés à la lutte contre le réchauffement climatique et à la protection de l'environnement, nous continuons à nous exprimer.

Selon l'Organisation météorologique mondiale, l'année 2018 a été la quatrième année la plus chaude depuis le début de l'ère industrielle, derrière 2016, 2017 et ex-aequo avec 2015. Que faut-il faire ?

Les quatre dernières années ont été les quatre années les plus chaudes que nous ayons connues depuis 150 ans et en fait quand on regarde, quand on cherche les 20 années les plus chaudes, il suffit de regarder les 22 dernières années depuis 1995. Donc le diagnostic, les faits sont là. Le réchauffement climatique est une réalité et nous savons qu'il est, pour l'essentiel, lié aux activités humaines et que donc d'une certaine façon l'avenir est entre nos mains. Alors que faut-il faire ? Il faut agir au niveau français, au niveau européen. C'est ce que nous recommandons, nous avons cette idée de pacte climat européen avec Pierre Larrouturou, donc c'est une véritable action, c'est un changement de paradigme. Il faut non pas simplement essayer d'avancer à petit pas, c'est un peu ce qu'avait dit Nicolas Hulot, mais de façon très rapide avec des investissements massifs pour lutter contre le réchauffement climatique dans la mobilité, dans le bâtiment, dans l'urbanisme, dans le développement des énergies renouvelables, des énergies non-carbonées. C'est tout ça qu'il faut mettre en route mais de façon extrêmement volontariste. Si on veut rester à 2 degrés, il faut diminuer de 20 % nos émissions d'ici 2030 pour 1,5 degré et c'est justifié du point de vue climatique. Il faudrait presque diviser par deux au cours des dix prochaines années. C'est un véritable défi.

Les petits gestes du quotidien ne servent à rien ?

Je ne dirais pas ça. Les petits gestes de la vie de tous les jours, la façon dont nous nous déplaçons, les gestes domestiques, l'alimentation, ça compte pour plus de la moitié des émissions donc on peut effectivement agir individuellement sur ces émissions liées. Donc ça peut avoir une importance, ces petits gestes, mais si on parle de mobilité, il faut aussi effectivement que les métropoles mettent en place les transports en commun, donc tout cela est lié. L'engagement des citoyens est également important. Il est même indispensable.

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