Emmanuel Macron a-t-il signé un décret offrant une voiture avec chauffeur à vie aux anciens Premiers ministres ?
Un décret publié dimanche au Journal officiel prévoit bien de conserver cet avantage sans limite de durée, ni d'âge. Toutefois, contrairement à la tradition, le secrétariat personnel des anciens Premiers ministres sera quant à lui désormais assuré pendant dix ans au maximum après la fin de leur fonction.
Poser ses valises à Matignon, pour quelques semaines ou de longues années, peut permettre d'accéder à des avantages en nature... pour la vie ! C'est en tout cas ce qui était prévu, par tradition, pour les anciens Premiers ministres, une fois leur lettre de démission acceptée par le président de la République. Les règles viennent d'être modifiées. De quoi alimenter de nombreuses critiques et certains fantasmes.
"Juste pour vous prévenir que Macron vient de signer un décret qui permet aux ministres de conserver une voiture avec chauffeur à vie payés avec l'argent public, même après la fin de leurs fonctions", affirme ainsi @JeanHugon3, sur Twitter, lundi 23 septembre.
Bonjour bonjour.
— Jean Hugon (@JeanHugon3) September 23, 2019
Juste pour vous prévenir que Macron vient de signer un décret qui permet aux ministres de conserver une voiture avec chauffeur à vie payés avec l'argent public, même après la fin de leurs fonctions.
Et bonne journée.
Un message partagé plusieurs centaines de fois en quelques heures et provoquant une large indignation. Mais qu'en est-il vraiment ? Franceinfo décrypte les nouvelles règles en vigueur.
Seuls les ex-Premiers ministres sont concernés
Première précision de taille : contrairement à ce qui a été avancé de nombreuses fois sur les réseaux sociaux, nous parlons ici des avantages dévolus aux anciens Premiers ministres, et non pas à tous les anciens ministres. Ces derniers n'ont le droit à aucun avantage en nature lorsqu'ils quittent leur fonction, à l'exception de certains d'entre eux qui peuvent bénéficier d'une protection policière selon les risques qu'ils encourent.
Seules onze personnes sont donc actuellement concernées par ces nouvelles mesures : Laurent Fabius, Edith Cresson, Edouard Balladur, Alain Juppé, Lionel Jospin, Jean-Pierre Raffarin, Dominique de Villepin, François Fillon, Jean-Marc Ayrault, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve. Ce décompte exclut Jacques Chirac, qui a également été président de la République et profite des avantages liés à cette fonction.
Des privilèges qui relevaient plus de la tradition
Pour comprendre ces nouvelles mesures, il faut remonter un peu en arrière. Comme l'expliquait "L'Œil du 20 heures" en 2016, les avantages des anciens chefs de gouvernement ne relevaient jusqu'à aujourd'hui pas de la loi, mais de la tradition. Plus précisément, ceux-ci étaient tirés d'un décret du 22 octobre 1997, signé par Jacques Chirac et Lionel Jospin. Un texte "secret" qui n'a jamais été publié au Journal officiel. Dans ce document révélé en 2016, on découvre la liste de ces avantages :
L'Etat peut mettre à la disposition des anciens Premiers ministres, sur leur demande, un agent pour leur secrétariat particulier. Il met également à leur disposition, sur leur demande, un véhicule de fonction et un conducteur automobile et prend en charge les dépenses afférentes.
Décret du 22 octobre 1997
Concrètement, les anciens Premiers ministres avaient donc le droit à un secrétaire, une voiture et un chauffeur, et cela à vie et sans aucune condition. Coup total de ces avantages ? 862 000 euros pour l'année 2014 en achats de voitures, frais d'entretien, frais de carburant et salaires, selon les documents révélés par le site Mediapart. A l'époque, en 2016, sept des huit anciens Premiers ministres avaient demandé au moins certains de ces avantages, à l'exception de Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères.
Des avantages qui ne peuvent pas être cumulés
Cette fois, le décret relatif à la situation des anciens Premiers ministres est visible par tous. Le texte, signé par Emmanuel Macron, Edouard Philippe et Gérald Darmanin, a été publié dimanche 22 septembre au Journal officiel. Mais alors, que contient-il vraiment ?
L'Etat met toujours à disposition des anciens Premiers ministres, sur leur demande, un agent pour leur secrétariat particulier. Mais cet avantage n'est plus conservé à vie, il est limité à "une durée maximale de dix ans à compter de la fin de leurs fonctions et au plus tard jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 67 ans". Les ex-chefs de gouvernement conservent aussi leur voiture avec chauffeur, "sans limitation de durée".
Une autre exception a été imposée : ces moyens ne sont pas alloués aux anciens Premiers ministres qui disposent d'un soutien équivalent pour l'exercice d'un mandat parlementaire, d'un mandat d'élu local ou d'une fonction publique. Cela concerne notamment Laurent Fabius, qui préside le Conseil constitutionnel. A la fin de cet autre mandat ou fonction, les avantages des anciens Premiers ministres peuvent de nouveau être demandés.
Pas de rétroactivité
Pas de révolution, donc, dans ces avantages, mais plutôt une clarification. Le décret a d'ailleurs suscité de nombreux mécontentements dans l'opposition. D'autant qu'il ne correspond pas à la promesse annoncée par Edouard Philippe quelques mois auparavant. En pleine crise des "gilets jaunes", le Premier ministre s'était engagé à "faire en sorte que les moyens qu'on attribue aux anciens Premiers ministres ne soient pas accordés à vie, mais pendant dix ans". Ce ne sera finalement pas le cas pour les voitures avec chauffeur.
Un autre point délicat a aussi dû être arbitré : quid des ex-Premiers ministres qui profitent d'un agent pour leur secrétariat personnel depuis plus de dix ans ou qui ont déjà soufflé leur 67e bougie ? Aucune rétroactivité n'est prévue. Les onze anciens chefs de gouvernement actuels pourront encore conserver leur secrétariat particulier pendant 10 ans de plus et sans limite d'âge, à compter du 22 septembre 2019.
Enfin, ce décret ne modifie rien concernant la rémunération des anciens Premier ministres. Ils toucheront encore 14 900 euros bruts mensuels trois mois après l'arrêt de leur fonction, sans ouvrir de droits au chômage. Les anciens présidents ne sont pas non plus ciblés par ces restrictions.
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