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Nyssen, Kohler, Benalla... Les affaires s'accumulent pour l'exécutif

Le gouvernement, qui effectue sa rentrée politique cette semaine, doit composer avec plusieurs affaires.

Article rédigé par franceinfo - Hugo Cailloux
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le président Emmanuel Macron assiste à une cérémonie à l'occasion du 74e anniversaire de la libération de Bormes-les-Mimosas (Var), le 17 août 2018. (YANN COATSALIOU / AFP)

C'est un caillou de plus dans la chaussure du gouvernement : après les déboires liés à Alexis Kohler, Alexandre Benalla ou encore Muriel Pénicaud, l'exécutif doit faire face à de nouvelles révélations du Canard enchaîné sur Françoise Nyssen. Dans son édition du mercredi 22 août, l'hebdomadaire épingle la ministre de la Culture, évoquant des travaux non-déclarés dans les locaux parisiens de la maison d'édition Actes Sud, qu'elle dirigeait avant d'entrer au gouvernement. Une enquête préliminaire a été ouverte jeudi.

"Personne n'est au-dessus des lois, a insisté le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, à la sortie du Conseil des ministres, mercredi. Le président de la République s'est engagé sur l'exemplarité." Ces affaires, que nous récapitulons ici, ternissent pourtant l'image de l'exécutif.

Françoise Nyssen et les travaux immobiliers de son ex-maison d'édition

La ministre de la Culture Françoise Nyssen, à Paris, le 23 janvier 2018. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Ce qui lui est reproché. Selon Le Canard enchaîné, Françoise Nyssen aurait fait agrandir, de 150 mètres carrés, les locaux parisiens de la maison d'édition Actes Sud, sans les autorisations nécessaires. D'après le journal, les travaux n'ont été signalés ni à la direction de l'urbanisme de la mairie de Paris, ni à l'administration fiscale. La ministre est pour l'heure restée silencieuse à ce sujet.

>> Trois questions pour comprendre l'affaire des travaux immobiliers de Françoise Nyssen

Pourquoi c'est problématique pour l'exécutif. Ce n'est pas la première fois que Françoise Nyssen fait l'objet de révélations du Canard enchaîné. En juin, l'hebdomadaire satirique avait dénoncé l'agrandissement du siège d'Actes Sud à Arles (Bouches-du-Rhône), réalisé en 2011 sans les autorisations nécessaires, avant que la situation soit régularisée à l'entrée de Françoise Nyssen au gouvernement. La ministre avait alors regretté une "négligence". Qu'en est-il donc des promesses de transparence et de probité avancées par le président de la République, Emmanuel Macron, et par l'exécutif ? "Il faut voir si la justice s'en saisit, je ne crois pas que ce soit le cas, avait répondu le porte-parole Benjamin Griveaux, mercredi, rappelant que si un membre du gouvernement est mis en examen, "il doit quitter le gouvernement". Une enquête préliminaire a finalement été ouverte jeudi par le parquet de Paris.

Alexandre Benalla et son rôle auprès de la police le 1er-Mai

Alexandre Benalla et Emmanuel Macron, en visite dans l'Orne, le 12 avril 2018. (MAXPPP)

Ce qui lui est reproché. Alexandre Benalla, ancien directeur adjoint de cabinet à l'Elysée, et proche du président, est mis en examen des chefs de "violences en réunion", "immixtion dans l'exercice d'une fonction publique", "port public et sans droit d'insignes réglementés", "recel de détournement d'images issues de la vidéo protection" et "recel de violation du secret professionnel". Le 1er-Mai dernier, alors qu'il suivait les forces de police qui encadraient les traditionnelles manifestations des syndicats, Alexandre Benalla a été filmé en train d'interpeller de manière musclée un jeune homme, place de la Contrescarpe, dans le 5e arrondissement de Paris. "Une grosse bêtise", avait-il expliqué par la suite.

>> L'article à lire pour comprendre l'affaire Alexandre Benalla

Pourquoi c'est problématique pour l'exécutif. L'exécutif a été très critiqué pour la faiblesse de la sanction initialement infligée à Alexandre Benalla, seulement mis à pied 15 jours. L'affaire a provoqué la suspension des débats à l'Assemblée sur la réforme constitutionnelle, qui constituait pourtant un des principaux projets du président. Le gouvernement veut aujourd'hui faire oublier les ratés de communication des jours qui ont suivi les révélations de cette affaire dans la presse. L'exécutif devra aussi rassurer son propre camp, qui a exprimé des premiers signes de défiance envers le président. 

L'Elysée n'a pas pris la mesure de l'émotion et du mécontentement que cela suscitait.

Une député LREM

à France 2

D'autant que l'opposition est en embuscade, et veut profiter de la baisse de la popularité d'Emmanuel Macron dans les enquêtes d'opinion. Le 22 août, un sondage Elabe pour BFMTV a confirmé que l'image du président continue de se dégrader. Selon l'étude, seuls 42% des sondés reconnaissent son "honnêteté", un résultat en baisse de 7% par rapport à janvier 2018.

Alexis Kohler et les soupçons de conflit d'intérêts

Le secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, le 24 octobre 2017, à Paris. (THOMAS SAMSON / AFP)

Ce qui lui est reproché. L'association anticorruption Anticor a porté plainte contre Alexis Kohler en mai dernier, avant de déposer une plainte complémentaire le 8 août. Anticor reproche au secrétaire général de l'Elysée d'avoir approuvé en 2011, alors qu'il était haut-fonctionnaire, des contrats concernant l'armateur MSC, fondé et dirigé par des cousins de sa mère. L'association le soupçonne d'avoir favorisé à plusieurs reprises l'entreprise pour satisfaire sa famille. Elle a porté plainte pour "prise illégale d'intérêt", "corruption passive" et "trafic d'influence".

Anticor dénonce d'abord la présence d'Alexis Kohler, à partir de 2010, comme représentant de l'Etat au conseil d'administration de STX France, dont MSC était le principal client. Alexis Kohler n'aurait pas fait état de ses liens familiaux avec l'armateur. Dans sa nouvelle plainte, l'association reproche notamment à Alexis Kohler d'avoir voté en faveur de contrats entre le Grand Port maritime du Havre, dans lequel il représentait l'Etat, et une filiale de MSC. Le parquet national financier a ouvert une enquête le 4 juin denier après ces plaintes.

>> On vous explique les soupçons de conflit d'intérêts visant le secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler

Pourquoi c'est problématique pour l'exécutif. Alexis Kohler est un personnage central au sommet de l'Etat. Bras droit du président, ses pouvoirs de décision sont importants. Interrogé en mai dernier par Mediapart, le numéro deux de l'Elysée avait affirmé s'être "toujours déporté" quand il a eu à connaître comme haut fonctionnaire des dossiers concernant MSC. En juin, Emmanuel Macron avait loué la "probité exemplaire" de son secrétaire général.

Pas suffisant pour apaiser Anticor, qui par la voix de son avocat regrette qu'Alexis Kohler "ne donne aucun élément et se contente de dire que la commission de déontologie s'est prononcée" sur ce dossier. "Ce qu'on lui reproche c'est d'avoir été dans cette situation, puis ensuite d'avoir dû prendre des décisions qui impactaient cette société, a-t-il ajouté. Vous avez des gens partout qui doivent éviter de se mettre dans ce genre de situation de conflit d'intérêts, faute de quoi ils se retrouvent devant le tribunal correctionnel."

On a un peu l'impression d'être devant le Cahuzac d'Emmanuel Macron. Il voudrait qu'on le croie les yeux dans les yeux. Ce n'est pas comme ça que ça se passe.

Jean-Baptiste Soufron, avocat d'Anticor

sur franceinfo

Muriel Pénicaud et l'affaire de la soirée à Las Vegas

La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, à l'Assemblée nationale, le 10 juillet 2017. (BERTRAND GUAY / AFP)

Ce qui lui est reproché. Les ennuis s'accumulent aussi pour Muriel Pénicaud. En juillet 2017, le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire pour favoritisme et recel de favoritisme, dans l'affaire du déplacement d'Emmanuel Macron à Las Vegas en janvier 2016, alors qu'il était ministre de l'Economie. Elle porte sur l'organisation de cet événement, confiée sans mise en concurrence à Havas par Business France, dont Muriel Pénicaud était alors la directrice générale.

Dans cette affaire, la ministre du Travail a été convoquée chez le juge d'instruction le 22 mai dernier. Elle a été placée sous le statut de témoin assistée. L'enquête doit déterminer si l'absence de mise en concurrence et le montant des sommes versées par Business France à Havas sont délictueux. Selon les révélations de Libération, Muriel Pénicaud était au courant, et a "validé" certaines dépenses. En juillet 2017, la ministre a affirmé qu'elle n'a "rien à se reprocher", évoquant une "erreur de procédure" à la suite de laquelle elle avait "immédiatement déclenché un audit, interne et externe". Depuis, l'enquête suit son cours.

>> Déplacement de Macron à Las Vegas : cinq questions sur les soupçons de favoritisme

Pourquoi c'est problématique pour l'exécutif. La ministre du Travail est en première ligne pour défendre les réformes les plus emblématiques du début du quinquennat d'Emmanuel Macron. Réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle, deuxième volet de la réforme du droit du travail, réforme de l'assurance chômage... Une éventuelle accélération des enquêtes visant Muriel Pénicaud fragiliserait les capacités du gouvernement à mener à bien les grandes réformes sociales qu'il appelle de ses voeux.

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