Remaniement : comment l'entrée de Rachida Dati au gouvernement rebat les cartes pour les élections municipales de 2026 à Paris
"On ne sait pas où on va", souffle une élue parisienne encore sous le choc, vendredi 12 janvier, après l'annonce de l'entrée de Rachida Dati au gouvernement. La maire Les Républicains (LR) du 7e arrondissement de Paris a été nommée la veille ministre de la Culture dans le gouvernement de Gabriel Attal. Dans la foulée, le patron des Républicains, Eric Ciotti, a annoncé l'exclusion du parti de l'ancienne ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy, estimant qu'elle s'est "placée en dehors" de cette "famille politique".
Pour autant, la décision de Rachida Dati de rejoindre le gouvernement est une donnée majeure en vue des élections municipales de 2026 à Paris. Plusieurs élus LR évoquent un pacte entre la nouvelle ministre de la Culture et l'exécutif, qui pourrait permettre à Rachida Dati de conduire une liste unie de la droite et du centre en 2027.
"Elle nous a dit que c'était dealé, que l'accord était conclu comme ça", assure un maire d'arrondissement LR à franceinfo. "Le président de la République et Gabriel Attal mettent clairement la prise de Paris comme un objectif politique pour 2026, car seule l'alliance avec Rachida Dati, même sans LR, peut faire basculer la ville", décryptait jeudi soir un conseiller ministériel.
"Il faut d'abord faire un projet"
"Elle nous a mis un message dans une boucle pour dire qu'elle faisait ça pour Paris… Mais un accord trois ans avant, qu'est-ce que ça vaut ? Et l'accord, où est-il ?", s'interroge de son côté une élue LR parisienne, sceptique. "On ne sait pas où on va, il reste beaucoup d'inconnues… Que devient le groupe au conseil de Paris ? Que devient Rachida Dati à la mairie ?", poursuit l'élue.
"On ne fait pas les listes deux ans et demi avant, il faut d'abord faire un projet", estime de son côté Jean-Pierre Lecoq, maire LR du 6e arrondissement de Paris. "Mais il est évident qu'une reconquête de la capitale par l'opposition passe par une alliance, une convergence de toutes celles et tous ceux qui souhaitent une autre politique à Paris."
Rachida Dati a réuni les maires d'arrondissement et les parlementaires LR de la capitale, soit une dizaine de personnes, lors d'une visioconférence jeudi à 18 heures pour leur annoncer sa décision. "On a tous décidé de la soutenir, on était tous d'accord", assure un maire LR. "Je n'ai pas l'impression qu'il y ait une unanimité", nuance une autre élue.
Ils sont quand même nombreux à voir dans l'entrée de Rachida Dati au gouvernement un chemin pour la victoire en 2026, après quatre élections municipales perdues par la droite en raison de divisions à répétition. "La reconquête de Paris du coup est possible, ça veut dire qu'Hidalgo est finie", s'enhardissait jeudi soir un député LR. "Rachida Dati a une légitimité historique et en devenant membre du gouvernement, elle est aujourd'hui la candidate naturelle et incontournable pour réussir l'alternance", estime de son côté l'élu du conseil régional Pierre Liscia, ancien membre de LR.
"Tout deal fait sans nous ne nous engage pas"
L'enthousiasme est plus mesuré parmi les rares représentants de la majorité présidentielle au conseil de Paris. Catherine Ibled, seule élue étiquetée Renaissance, ne cache pas qu'il lui faut "atterrir" après l'annonce de cette nomination surprise. "C'est pour le moins surprenant et audacieux, mais on a été dans le dépassement depuis 2017, on continue", confie-t-elle à l'AFP.
"Paris n'est pas un troc ! Paris mérite mieux que des marchandages", a pour sa part réagi sur BFMTV Pierre-Yves Bournazel, élu Horizons de la capitale. Ce dernier, qui ne cache pas son envie d'être candidat en 2026, a prévenu auprès de l'AFP que l'accord passé entre Emmanuel Macron, Gabriel Attal et Rachida Dati ne concernait pas son mouvement : "Tout deal fait sans nous ne nous engage pas."
Si certains prédisent déjà la victoire de l'alternance en 2026, l'entourage d'Anne Hidalgo se montre pour l'instant serein. "Ils n'ont pas été capables de s'entendre jusque-là. La majorité rose-vert-rouge reste solide", assure l'entourage d'Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris. Sur franceinfo, ce dernier a également insisté sur les affaires judiciaires de Rachida Dati, mise en examen pour "corruption et trafic d'influence passif par personne investie d'un mandat électif public" dans l'affaire Carlos Ghosn.
"Mettre à de telles fonctions une personne qui est mise en examen pour corruption, c'est une faute morale indélébile."
Emmanuel Grégoiresur franceinfo
La nomination de Rachida Dati "est une catastrophe pour la droite parisienne, qui vient d'être poignardée dans le dos par sa propre cheffe", veut croire le sénateur socialiste Rémi Féraud, proche d'Anne Hidalgo. "[Emmanuel] Macron a choisi de punir Clément Beaune et de marginaliser Pierre-Yves Bournazel. Mais Rachida Dati est tellement marquée à droite – sans compter l'épée de Damoclès judiciaire – qu'elle ne peut pas récupérer les voix macronistes venues de la gauche et du centre."
"Un impact considérable sur Paris"
L'arrivée de Rachida Dati à la Culture est en tout cas perçue dans son camp comme un atout à venir dans la bataille électorale. "Cela va lui permettre d'élargir ses connaissances et ses domaines de compétence. En plus, Paris est une ville magnifique avec beaucoup de lieux classés", juge Jean-Pierre Lecoq. "Pour gagner Paris, il faut un candidat qui incarne et il faut un rassemblement. On peut remplir avec Rachida Dati ces deux conditions, avec en plus un poste ministériel qui a un impact considérable sur Paris", ajoute Philippe Goujon, maire LR du 15e arrondissement de Paris.
Candidate de la droite aux municipales de 2020, Rachida Dati n'avait pas réussi à empêcher la réélection d'Anne Hidalgo. Mais avec 34% des voix obtenues au second tour, elle avait redonné une dynamique à son camp. Depuis près de quatre ans, dans son rôle de première opposante, à la tête d'un groupe de 53 élus sur 163, elle cherche à s'affirmer comme la candidate des LR en vue de l'échéance de 2026.
L'exclusion prononcée par Eric Ciotti peut-elle changer la donne ? "L'exclusion change tout, il peut y avoir de la casse", estime une élue LR parisienne. Elle "reste LR de cœur", assure de son côté Jean-Pierre Lecoq. "Et formellement, l'exclusion n'a pas eu lieu, donc je pense qu'il n'y aura aucune incidence", ajoute Philippe Goujon.
"Même si Eric Ciotti a décidé d'exclure Rachida Dati, je n'imagine pas un seul instant LR mettre un candidat en 2026 face à elle."
Pierre Liscia, élu au conseil régionalà franceinfo
Exclue ou non de LR, Rachida Dati a promis à ses troupes de continuer à mener la bataille dans l'optique des municipales. "Je pense qu'elle va continuer à siéger au conseil de Paris", croit savoir un maire d'arrondissement LR. "Ensuite, il faut aussi passer de l'opposition bête et méchante à une opposition constructive. Je lui ai dit, que cela ne suffisait plus de gueuler au conseil de Paris, mais qu'il fallait maintenant que les Parisiens la voient dans les habits du maire." Il lui reste moins de trois ans pour y parvenir.
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