"C'est le psychodrame depuis ce matin" : entre Michel Barnier et le camp macroniste les relations se tendent sur fond de composition du futur gouvernement

Article rédigé par Margaux Duguet - avec le service politique de France Télévisions
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Temps de lecture : 8min
Le nouveau Premier ministre Michel Barnier et son prédécesseur Gabriel Attal lors de la passation de pouvoir à Matignon, le 5 septembre 2024. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)
L'ex-Premier ministre Gabriel Attal, désormais patron des députés macronistes, a conditionné la participation de son camp au futur gouvernement à un certain nombre de clarifications. Il doit rencontrer prochainement Michel Barnier, après un premier rendez-vous avorté.

La rencontre, prévue à 10h30, n'a finalement pas eu lieu, mercredi 18 septembre. "Reportée", précise l'entourage de Michel Barnier. "A l'initiative de Matignon", tient à souligner l'entourage de Gabriel Attal. L'ancien Premier ministre, accompagné de plusieurs cadres du groupe des députés macronistes devait rencontrer son successeur à Matignon dans l'espoir d'obtenir quelques clarifications. "C'est le psychodrame depuis ce matin. Matignon a décidé de reporter la réunion, en n'ayant toujours pas validé le principe d'une délégation", soupire un député Ensemble pour la République. "Nous ne disposons pas encore d'une visibilité claire sur la ligne politique – notamment sur d'éventuelles hausses d'impôts – et sur les grands équilibres gouvernementaux", a expliqué Gabriel Attal dans un message à ses troupes, révélé mardi soir.

Et l'ancien locataire de Matignon d'ajouter : "Je vous informe que nous avons sollicité auprès du Premier ministre, avant la constitution du gouvernement, une rencontre avec une délégation restreinte de notre groupe afin d'y voir plus clair. C'est à la lumière de ces échanges que nous reviendrons vers vous pour décider de notre participation au gouvernement." Le camp présidentiel a choisi de mettre une pression maximale sur Michel Barnier, alors que l'ancien négociateur du Brexit tente toujours de composer son de son équipe gouvernementale.

"Ceux qui pensent qu'on ne pourrait pas censurer un Premier ministre qui a été nommé par le président de la République, parce qu'on appartient au camp du chef de l'Etat, on peut leur répondre que le mandat qui a été donné par Emmanuel Macron à Michel Barnier, c'est de rassembler, prévient le député Marc Ferracci. S'il s'éloignait de ce mandat politique, s'opposer à Michel Barnier et à son gouvernement reviendrait à respecter la démarche du chef de l'Etat." 

"Il doit donner des gages au camp présidentiel"

La censure, déjà promise par la gauche et brandie telle une épée de Damoclès par le Rassemblement national, est une arme que ne s'interdit pas le camp présidentiel contre Michel Barnier. Voilà le message passé par certains macronistes alors même le gouvernement n'est pas encore connu. Fort de 97 députés, sans compter les députés centristes du MoDem, l'ex-majorité n'entend pas céder trop facilement aux appétits féroces de la famille politique de Michel Barnier : Les Républicains. Ecartés du pouvoir pendant douze ans, la droite affiche ses ambitions ministérielles, et revendique, selon des sources concordantes, un quart à un tiers des portefeuilles, dont un ou deux ministères régaliens.

De quoi faire s'étrangler nombre de parlementaires Renaissance qui ne manquent pas de rappeler que les députés de Laurent Wauquiez ne sont que 47 à l'Assemblée nationale. "Les Républicains, avec 40 députés, on a l'impression qu'ils ont gagné les élections. Si Barnier veut survivre, il doit donner des gages au camp présidentiel", assurait un influent député macroniste, lors des journées parlementaires de son parti, le 10 septembre. "Les LR font un pas que n'ont pas fait les socialistes, mais il ne faut pas qu'ils soient dominateurs", mettait en garde, le même jour, un ministre démissionnaire. Un point de vue largement partagé au sein du groupe Ensemble pour la République (EPR). 

"Les LR ont des demandes qui ne sont pas en adéquation avec leur poids politique. Le groupe EPR rappelle au Premier ministre son importance dans le cadre des négociations."

Denis Masséglia, député EPR

à franceinfo

Michel Barnier a dit lui-même, le 12 septembre, que son futur gouvernement serait certes "équilibré, représentatif, pluriel", mais aussi "naturellement [avec] sa famille politique". "La composition du gouvernement, c'est en train de crisper Michel, ça flotte", soupire une proche du Premier ministre, reconnaissant qu'il se "prend une grosse pression du président et des macronistes". Depuis la nomination de Michel Barnier et ses troupes, Gabriel Attal et ses troupes le martèlent : rien ne pourra se faire sans eux. "Il n'y aura de notre part ni volonté de blocage, ni soutien inconditionnel", écrivait Gabriel Attal aux députés de son camp, le 6 septembre. "Il y a un consensus pour dire que le Premier ministre doit composer un gouvernement équilibré et partager sa ligne politique avec les partis dont il demande le soutien", assure encore un proche de l'ancien chef du gouvernement. 

"On n'y voit plus rien"

Sur la question de la ligne politique, un sujet est vite devenu un point de crispation entre Matignon et le camp présidentiel : les dépenses publiques et les impôts. Après sept années de baisses d'impôts, Michel Barnier a fait sursauter certains de ses interlocuteurs macronistes en évoquant une hausse des prélèvements. Le sujet a immédiatement été relayé par Gérald Darmanin, en réunion du groupe EPR mardi. Il est "hors de question" d'"entrer" dans un gouvernement qui augmente les impôts ou même de le "soutenir", a assuré le ministre de l'Intérieur démissionnaire mercredi sur France 2. "Augmenter les impôts, c'est la facilité", "je ne participerai pas à un gouvernement qui ne soit pas clair sur la question des impôts", a-t-il ajouté. 

"Les informations partagées sont uniquement basées sur des on-dit, a immédiatement tenté de démentir l'entourage du Premier ministre. La seule chose dite par le Premier ministre est qu'il ne s'interdirait pas d'aller dans le sens d'une plus grande justice fiscale. C'est la seule orientation". Mais, Matignon a ensuite relayé une déclaration du Premier ministre mercredi qui n'a pas apaisé les tensions avec le camp présidentiel. "La situation budgétaire du pays que je découvre est très grave. J'ai demandé tous les éléments pour en apprécier l'exacte réalité", affirme Michel Barnier, visant le bilan des anciens gouvernements d'Emmanuel Macron.

"Cette situation mérite mieux que des petites phrases. Elle exige de la responsabilité."

Michel Barnier

déclaration transmise par Matignon

"Quel est l'intérêt de cette sortie sur les impôts ? Vraiment, on n'y voit plus rien, fustige une macroniste. L'audit est un peu prématuré c'est plutôt celui du futur ministre de l'Economie et du Budget qui doit proposer une copie à Matignon et à l'Elysée". Et la même d'ajouter : "ll était le premier à dire qu'il voulait être dans l'action et être efficace, et bien qu'il commence à former un gouvernement en définissant une ligne claire."

"Aucune information sur ce qu'il prépare"

Au-delà des sujets de fond, certains macronistes évoquent "un problème de méthode" qui expliquerait la dégradation des relations avec Michel Barnier. "Nous n'avons aucune information sur ce qu'il prépare sur tous les sujets, ce n'est pas acceptable. Dans le contexte politique dans lequel nous sommes, Matignon doit préparer sa feuille de route avec les groupes qui pourraient le soutenir", regrette un ministre démissionnaire. "Ça se tend car il y a une vraie nécessité de savoir où le Premier ministre veut aller", ajoute une macroniste, tandis qu'une source parlementaire d'EPR pointe l'absence d'échange entre Gabriel Attal et Michel Barnier. 

"Barnier fait tout à l'envers. S'il veut une coaliton, on ne peut pas éviter le fond."

Un ministre démissionnaire

à franceinfo

Il faut dire que la relation entre les deux hommes politiques n'est pas non plus au beau fixe. "Gabriel Attal n'a toujours pas digéré la passation de pouvoir et les piques de Barnier. Il ne lui passera rien", glisse un député EPR. "Nous allons davantage agir que parler", avait déclaré Michel Barnier, le 5 septembre, assurant que "le gouvernement n'aura pas la prétention de croire que la science infuse ne vient que de lui". L'arrivant à Matignon avait évoqué nonchalamment les "leçons" de son prédécesseur qui avait pris le soin de lister, pendant une vingtaine de minutes, tous les dossiers et projets de loi en attente qu'il laissait sur son bureau.

"Les relations sont très bonnes, chaleureuses et amicales avec Gabriel Attal", insistait pourtant quelques jours plus tard l'entourage de Michel Barnier. "Il est faux de laisser penser que leurs relations sont tendues et qu'ils s'entendent mal", assurait de son côté l'entourage de Gabriel Attal, le 10 septembre. Tout en insistant sur les lignes rouges du groupe EPR et la nécessité pour l'ancien chef du gouvernement de veiller à l'unité de son groupe. Car derrière la composition du prochain gouvernement, se dessine aussi en ligne de mire la bataille pour la prochaine présidentielle. 

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