Cinq mois plus tard, le discours de politique générale de Manuel Valls est déjà périmé
Comme en avril, le Premier ministre va présenter, mardi, les grandes lignes de sa politique. Mais depuis le printemps, le contexte a bien changé et nombre de promesses sont devenues caduques.
Comme un air de déjà-vu. Le Premier ministre, Manuel Valls, va prononcer, mardi 16 septembre, son deuxième discours de politique générale en cinq mois. Ce nouveau grand oral, qui n'avait rien d'obligatoire, devrait peu différer du premier : l'orientation politique du gouvernement est la même qu'en avril.
Mais le contexte politique lui, a bien changé. Lourde défaite lors des élections européennes, remaniement, menaces des frondeurs, affaire Thévenoud, livre de Valérie Trierweiler, chute de popularité, dérapage du déficit... L'exécutif est dans une situation politique encore plus délicate qu'il y a cinq mois et certains passages de la déclaration de politique générale du printemps sonnent particulièrement creux aujourd'hui.
Francetv info liste les passages du discours d'avril qui ne sont déjà plus valables.
La cohésion du gouvernement n'a pas duré
La phrase : "C'est pour cela que j'ai composé un gouvernement, compact, resserré et solidaire."
Le résultat : C'était l'une des promesses fortes de Manuel Valls. Après les couacs à répétition des années Ayrault, le gouvernement allait parler d'une seule voix. Las, la cohésion gouvernementale a volé en éclats à Bercy début juillet, puis à Frangy-en-Bresse fin août, lorsque le ministre de l'Economie, Arnaud Montebourg, a réclamé une inflexion de la politique économique.
On connaît la suite. Par calcul politique ou par volonté d'affirmer son autorité, le Premier ministre a décidé de se débarrasser de son allié d'hier. Benoît Hamon, Aurélie Filippetti et Frédéric Cuvillier ont également pris la porte. Le premier gouvernement Valls, "compact, resserré et solidaire" n'aura tenu que 147 jours.
La réforme territoriale subit des ratés
La phrase : "Je vous propose la suppression des conseils départementaux à l’horizon 2021."
Le résultat : En avril, Manuel Valls avait promis de s'attaquer au "millefeuille territorial", les quatre échelons administratifs – région, département, intercommunalité, commune – qui maillent notre territoire. Dans sa ligne de mire, le département et son conseil général, dont la suppression avait déjà été préconisée par le rapport Attali en 2008.
Cinq mois plus tard, cet objectif ne tient plus. En plein remaniement, le Parti radical de gauche de Jean-Michel Baylet a menacé de retirer ses trois ministres du gouvernement si les conseils généraux n'étaient pas maintenus dans les départements ruraux. Confronté à l'effritement de sa majorité, Manuel Valls a cédé à la revendication de son unique allié au gouvernement. Quelques jours plus tard, le Premier ministre déclarait : "Dans les départements ruraux, les conseils doivent garder un rôle, même si leurs compétences seront simplifiées".
Sur les régions, Manuel Valls a dû également composer avec de fortes réticences. Alors qu'il souhaitait "réduire de moitié le nombre de régions dans l’Hexagone", l'Assemblée nationale a finalement adopté une carte à 13 régions. Soit deux de plus que prévu.
La majorité parlementaire est minée par les frondeurs
La phrase : "Je connais les attentes de la majorité parlementaire, je les partage, et je veux travailler avec elle sur la base d’un contrat qui nous engage mutuellement. Je veux définir un mode de travail performant, avec les socialistes et les radicaux, mais aussi avec les écologistes."
Le résultat : Il voulait calmer la fronde, elle est repartie de plus belle. Le 8 avril, seuls 21 députés socialistes, radicaux et écologistes s'abstiennent lors du premier vote de confiance. Quelques semaines plus tard, ils sont 60 à ne pas voter le programme de stabilité budgétaire, puis 11 le 1er juillet pour le budget rectificatif 2014 et enfin 51 le 8 juillet pour le budget rectificatif de la Sécurité sociale.
Combien seront-ils le 16 septembre ? Si le vote des 11 députés radicaux semble acquis, celui des 18 députés écologistes, qui avaient en majorité voté la confiance la dernière fois (10 pour, 1 contre, 6 abstentions), est plus incertain. L'ancienne ministre Cécile Duflot a déjà annoncé qu'elle voterait contre. Ses camarades caleront leur position commune mardi, au dernier moment.
Mais c'est au sein du groupe socialiste que l'effritement de la majorité pourrait être le plus visible. Les députés frondeurs, désormais regroupés au sein du collectif Vive la gauche, se dirigent vers "une abstention collective". Au plus fort de la fronde, sur le pacte de stabilité fin avril, ils étaient 41 à refuser de voter le texte du gouvernement.
Le chômage n'a jamais cessé de grimper
La phrase : "Le chômage s’est aggravé mois après mois depuis 2008 : 1,3 million de demandeurs d’emploi supplémentaires en six ans, avant que nous ne parvenions, fin 2013, à ralentir le rythme."
Le résultat : Au moment où il la prononce, cette phrase de Manuel Valls est déjà contestable, comme le soulignent les huées de l'opposition. Si le chômage a baissé en août et en octobre 2013, il est déjà reparti à la hausse fin 2013 et sur les trois premiers mois de l'année 2014. Cinq mois plus tard, la situation s'est nettement aggravée. Les derniers chiffres, ceux de juillet, montrent même la plus forte accélération depuis février, avec un record à la clé : 3 424 400 demandeurs d'emploi de catégorie A.
La promesse de la baisse des cotisations salariales pour les salaires les plus modestes a été censurée
La phrase : "Dès le 1er janvier 2015, les cotisations salariales seront diminuées pour les salaires au niveau du smic pour procurer 500 euros par an de salaire net supplémentaire."
Le résultat : C'était l'une des annonces phares du premier discours de politique générale : doter le pacte de responsabilité d'un "pacte de solidarité" pour "améliorer le pouvoir d'achat des salariés les plus modestes". Pour ce faire, le Premier ministre proposait de diminuer les cotisations salariales des salaires allant d'un smic à 1,3 smic, "le meilleur moyen (...) pour augmenter le salaire net".
Cette mesure a été votée, avant d'être censurée, début août, par le Conseil constitutionnel. Pour les Sages, elle "méconnaît le principe d'égalité" et institue "une différence de traitement, qui ne repose pas sur une différence de situation entre les assurés d'un même régime de Sécurité sociale". Le gouvernement a beau promettre des "mesures alternatives de même ampleur", comme la fusion entre la prime pour l'emploi et le RSA ou la réforme de l'impôt sur le revenu, le coup est rude.
Le déficit public poursuit son dérapage
La phrase : "Nous avons déjà ramené notre déficit des comptes publics à 4,2% fin 2013. Et nous allons poursuivre ce redressement tout au long du quinquennat."
Le résultat : Prudent, Manuel Valls n'avait pas évoqué l'objectif des 3,8% de déficit pour l'année 2014. Mais le Premier ministre avait manifestement en tête un chiffre inférieur à celui de 2013. Pourtant, le 10 septembre, le ministre des Finances, Michel Sapin, a annoncé que le déficit public atteindrait cette année 4,4%. Un dérapage qui contraint le gouvernement à repousser de deux ans le retour dans les clous européens : le seuil de 3% ne sera pas atteint en 2015, mais en 2017.
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