"J’ai l’impression d’avoir porté un grand chapeau" : les confessions de Thomas Thévenoud
L'éphémère secrétaire d'Etat publie Une phobie française, l'histoire d'un "enfant perdu de la politique" et sa chute spectaculaire. Tentative de retour ou thérapie ? Francetv info lui a posé la question.
Le 4 septembre 2014, Thomas Thévenoud est contraint de démissionner du gouvernement, neuf jours seulement après sa nomination. Ses retards de paiement auprès des impôts provoquent un immense scandale. Un an et demi plus tard, il tente de revenir sur le devant de la scène avec la publication d'un livre, Une phobie française, et sa réélection comme député en ligne de mire. Francetv info l'a rencontré.
Sur sa "phobie administrative" : "J'aurais dû dire 'j'ai déconné'"
Une "phobie administrative" : voilà comment, à l’automne 2014, Thomas Thévenoud tente de justifier ses déboires fiscaux. Aujourd’hui, il pense que cette stratégie était une erreur. "C’était comme si je cherchais des excuses. J’aurais mieux fait de dire 'j’ai déconné, c’est tout'…" Il reprend pourtant l’expression dans Une phobie française (Grasset), en librairies le 30 mars. Car il pense que "cela parle à plein de gens".
"L'histoire de ma vie, c'est deux cases à cocher, une signature et un timbre." Depuis, Thomas Thévenoud a retenu la leçon : il envoie sa déclaration de revenus en recommandé avec avis de réception. Il s’est aussi fait mensualiser. Soudain, le voilà qui son téléphone de sa poche… pour vérifier qu'il a bien été débité. Nous sommes alors le 16. "Ça y est, c'est fait. Vous savez pourquoi les impôts prélèvent toujours vers le milieu du mois ? A cause des retraites, qui sont parfois versées très tard." On dirait un peu un nouveau converti, très au fait des us et coutumes de l'administration fiscale. Sans minimiser sa faute, il pense avoir payé cher le symbole qu’il est devenu : "J’ai l’impression d’avoir porté un grand chapeau."
Il assure que depuis l’été dernier, on ne lui parle plus de ses histoires d'impôts dans sa circonscription. Il continue à demander, à la fin de toutes ses réunions publiques : "Est-ce que vous avez des questions personnelles à me poser ?" Mais aujourd’hui, plus personne ne lui demanderait d’explications sur cette affaire.
Sur sa mise au ban : "J'ai tout connu, sauf l'agression physique"
Thomas Thévenoud revient de loin. Il ne veut pas s’étendre sur le sujet, mais dit simplement : "J’ai tout connu, sauf l’agression physique." Le mois dernier encore, un viticulteur de sa circonscription a refusé de lui servir un verre. Mais cela ne semble pas – plus ? – l’atteindre : "De toute façon, il votait certainement à droite." Dans sa chute, il a entraîné sa femme, qui travaillait au cabinet du président du Sénat. Licenciée à l'époque, elle n'a toujours pas retrouvé de travail.
Quant à ses camarades du PS en Saône-et-Loire, il affirme les côtoyer tous les jours. Parfois par nécessité : "On a le moins de contacts possibles avec lui, mais il fait son travail de député", confie à francetv info un responsable local du parti. Dans la presse locale, on le voit régulièrement auprès des élus socialistes. Ainsi pour le 20e anniversaire de la mort de François Mitterrand, début janvier, où il s’affichait côte à côte avec les députés et sénateurs du coin.
A l’Assemblée aussi, les choses se seraient normalisées : "Cela fait déjà un moment que tout le monde me serre la main." Il n’a pourtant pas oublié que les attaques les plus virulentes, à l’époque de sa démission, sont venues de son propre camp, et non de la droite. Au PS, seuls Laurent Fabius et Arnaud Montebourg, avec lequel il a travaillé en Bourgogne, l’ont préservé. Fabius, que Thévenoud considère comme son "mentor", était pourtant son ministre de tutelle – il était secrétaire d’Etat au Commerce extérieur quand le scandale a éclaté. "Il n’a rien dit, il a été très correct."
Sur ses projets : se représenter aux législatives en 2017
Thomas Thévenoud a l’air en forme. Il est loin d'avoir perdu son humour. Ecrire ce livre lui a fait du bien, il le reconnaît sans ambages. Et paradoxalement, sa mise au ban lui a permis de faire de nombreuses rencontres, et pas seulement des psy : "Des artistes, des gens de l’économie, des religieux… Avant, j’étais en vase clos, dans le microcosme politique."
Une chose est sûre : il compte bien se représenter en 2017, que cela plaise ou non au PS. Pour cela, il s’est lancé dans une stratégie de reconquête sur le terrain. "Depuis l’automne dernier, il est très actif, il ne baisse plus la tête", assure un cadre local du PS. Chaque week-end, il rencontre maires et autres élus locaux, sillonne la partie rurale de sa circonscription. Le Journal de Saône-et-Loire annonce même son retour "en ville", à Montceau, le 16 avril prochain, pour une dédicace de son livre.
Exclu du PS après l'avoir été du gouvernement, Thomas Thévenoud caresse même l'espoir que son ancien parti ne présente pas de candidat face à lui l’an prochain. Pour cela, il tente d’instiller l’idée qu’il est le mieux placé pour garder à gauche cette circonscription plutôt favorable à la droite. "Pour être député, il faut de la notoriété. Et mon indice de notoriété est au top", assène-t-il en riant. Sur place, certains de ses anciens camarades rient un peu jaune : "Nous, en tant que militants, on ne le souhaite pas. Il y a quand même un problème de morale."
A Paris, rue de Solférino, on ne confirme ni n’infirme l’hypothèse. "C’est trop tôt pour en parler ", répond Christophe Borgel. Les contacts ne sont en tout cas pas totalement rompus.
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