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Impôts : le prélèvement à la source est-il une bonne idée ?

ZOOM | Jean-Marc Ayrault a entamé ce lundi ses consultations sur "la remise à plat" de la fiscalité en France. Le Premier ministre a débuté son périlleux chantier par une rencontre avec les partenaires sociaux. Une des pistes envisagées par le gouvernement est la collecte de l'impôt sur le revenu à la source, directement sur le bulletin de salaire. Un mode de collecte envisagé depuis longtemps mais qui pose beaucoup de questions.
Article rédigé par Antoine Krempf
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Maxppp)

Finies les heures passées chaque année à remplir les blancs
et cocher les petites cases de sa déclaration de l'impôt sur le revenu. Si la
"remise à plat " du système fiscal français
, lancée ce lundi par Jean-Marc Ayrault, aboutit au prélèvement à
la source, l'impôt sera prélevé directement sur le bulletin de paie, les
allocations de chômage ou les pensions de retraites.

Un système déjà appliqué dans la plupart des pays développés
(seuls la Suisse et Singapour ne l'appliquent pas au sein de l'OCDE d'après la
Cour des comptes) et plusieurs fois envisagé (au printemps 2007 pour le dernier
projet en date).

A lire aussi ►►►Prélèvement à la source : et pourquoi pas nous ?

Pourquoi ce serait une bonne idée pour les contribuables...

Principal atout pour les contribuables : le prélèvement
"en temps réel". Il n'y aurait plus de décalage de plusieurs mois entre
le versement des revenus et le paiement de l'impôt. C'est un "avantage
pour les contribuables qui subissent des baisses importantes de revenus, par
exemple en cas de chômage, d'un départ à la retraite ou à l'occasion d'un divorce
",
note un rapport de la Cour des comptes de février 2012. Chaque année, un foyer
sur dix connaît ainsi une baisse de revenus. 

Le prélèvement à la source permettrait aussi de prendre en
compte immédiatement une nouvelle situation comme les mariages, les pacs, les
naissances ou l'utilisation d'une nouvelle niche fiscale. Et puis cela
éviterait également aux ménages de constituer une épargne de précaution en cas
de coup dur ou de nouvel impôt.

... Et pour l'Etat

Ce côté immédiat du prélèvement à la source serait également
bénéfique pour l'Etat, d'après un rapport parlementaire de mars 2007. D'abord
parce qu'il permet de "rendre immédiatement applicables les mesures
fiscales nouvelles votées en cours d'année
" et donc de permettre une
politique plus réactive.

Le système semble également plus efficace pour s'adapter à
la conjoncture économique. "Les recettes seraient plus dynamiques en phase
de croissance et le prélèvement serait allégé plus tôt en creux de cycle
"
pour soutenir la consommation des ménages, estiment les parlementaires.

Pourquoi ce ne serait pas (forcément) une bonne idée

"Nous ne sommes pas favorables à un prélèvement à la
source
" parce que "nous ne souhaitons pas que l'employeur ait
connaissance de la situation fiscale du salarié
", a lancé Jean-Claude
Mailly, le leader de Force ouvrière, avant son entretien avec Jean-Marc Ayrault
ce lundi matin. 

Au Canada par exemple, les patrons peuvent avoir
connaissance de l'ensemble des revenus de son salarié et de sa famille. Outre le
problème de protection de la vie privée, l'employeur pourrait être tenté
d'orienter sa politique salariale ou d'emploi en fonction de ces informations.
Pour contrer ces deux biais, la Cour des comptes propose de ne délivrer aux
entreprises qu'un "taux synthétique, comme en Irlande ". 

Enfin, l'impot sur le revenu dépend tellement des situations personnelles et des changements de situation en sein du foyer fiscal que l'administration devrait sans doute réclamer des rattrapages d'une année sur l'autre.

Le problème de l'année blanche ?

Autre bémol : la diminution apparente du salaire net en bas
de la feuille de paie. C'est un "effet psychologique passager ",
d'après le rapport de l'Assemblée nationale, mais en cette période de
"ras-le-bol fiscal", la gestion d'une éventuelle réforme pourrait être
délicate pour le gouvernement.

D'autant qu'il faudrait trouver une parade pour
ne pas faire payer deux fois l'impôt sur le revenu la première année de mise en
place du prélèvement à la source (celui de 2015 et de 2016 si la réforme est
mise en place comme annoncée). Pour y faire face, la solution de "l'année blanche" peut être tentante.

Mais "l'impôt sur le revenu n'étant acquitté que par une partie des menages, la supression d'une année d'imposition pourrait être interprétée comme 'un cadeau fait aux riches' ", analyse la Cour des comptes. Par ailleurs, quel sort réserver aux dépenses fiscales liées à l'année d'imposition supprimée ?

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