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Accusation de viol contre Gérald Darmanin : où en est l'enquête ?

La cour d'appel de Paris a ordonné mi-juin la reprise des investigations, trois ans après la plainte visant le nouveau ministre de l'Intérieur. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le nouveau ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, lors d'une réunion avec des représentants de la police et de la gendarmerie, le 8 juillet 2020 place Beauvau, à Paris.  (THOMAS COEX / AFP)

Il assure n'avoir "évidemment" rien à se reprocher et marcher "la tête haute". Jeudi 9 juillet sur RTL, le nouveau ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré "avoir le droit à la présomption d'innocence", alors qu'il est visé par une enquête pour viol et que sa nomination place Beauvau provoque l'indignation et la colère des associations féministes. 

"Je ne commente pas les affaires de justice en général et pas la mienne depuis trois ans, a expliqué Gérald Darmanin jeudi matin. Je constate simplement qu'il y a eu trois décisions de justice, deux enquêtes préliminaires ont été classées sans suite et un non-lieu rendu par deux juges d'instruction." Le ministre a également affirmé avoir demandé à ne pas avoir de remontées d'informations sur les affaires le concernant.

Comment l'enquête qui le vise a-t-elle évolué depuis la plainte de Sophie Patterson-Spatz en 2017 ? Eléments de réponse. 

Des faits remontant à 2009

La plaignante, Sophie Patterson-Spatz, avait sollicité en 2009 Gérald Darmanin, alors qu'il était chargé de mission au service des affaires juridiques de l'UMP (devenue depuis LR). Elle tentait de faire annuler une condamnation de 2004 pour chantage et appels malveillants contre un ex-compagnon.

Selon elle, le ministre de l'Intérieur, aujourd'hui âgé de 37 ans, lui aurait fait miroiter en mars 2009 son appui auprès de la Chancellerie via une lettre. La plaignante se serait sentie en échange contrainte de "passer à la casserole", selon l'expression de celle-ci devant les enquêteurs.

D'après des éléments du dossier dont l'AFP a pris connaissance, Sophie Patterson-Spatz a continué après cette relation sexuelle à échanger avec Gérald Darmanin. "Abuser de sa position ! Pour ma part, c'est être un sale con !!! (...) Quand on sait l'effort qu'il m'a fallu" pour avoir une relation sexuelle "avec toi !!! Pour t'occuper de mon dossier", lui a-t-elle écrit par SMS."Tu as raison, je suis sans doute un sale con. Comment me faire pardonner ?" avait alors répondu Gérald Darmanin.

Entendu en audition libre, Gérald Darmanin a confirmé avoir eu une relation sexuelle avec la plaignante, mais selon lui librement consentie et à l'initiative de celle-ci. Aucune confrontation n'a été organisée entre eux.

L'enquête préliminaire classée sans suite

Après la plainte de Sophie Patterson-Spatz en 2017, l'enquête préliminaire du parquet a débouché sur un classement sans suite début 2018. Les investigations "n'ont pas permis d'établir l'absence de consentement de la plaignante et n'ont pas caractérisé davantage l'existence d'une contrainte, d'une menace, d'une surprise ou d'une quelconque violence à son endroit", avait expliqué le parquet.

Sophie Patterson-Spatz avait ensuite déposé une plainte avec constitution de partie civile, dans le but d'obtenir la désignation d'un magistrat instructeur. Le 16 août 2018, une juge avait rendu "une ordonnance de non-lieu à informer", estimant qu'au vu des investigations, les faits reprochés n'étaient pas constitués et qu'il n'y avait pas lieu d'enquêter davantage. 

La plaignante avait contesté cette décision. La cour d'appel de Paris avait jugé son appel hors délai, avant d'être contrainte par la Cour de cassation, en novembre 2019, de réexaminer la question.

Une récente reprise des investigations

Mi-juin, cette même cour d'appel a ordonné la reprise des investigations contre celui qui était encore ministre de l'Action et des Comptes publics. La chambre de l'instruction n'a pas suivi les réquisitions du parquet général et a estimé, selon une source judiciaire, que la magistrate instructrice "ne pouvait se fonder uniquement sur les résultats de l'enquête préliminaire" pour refuser de relancer les investigations dans cette affaire.

Désormais, il appartient au magistrat de diligenter ces investigations. Parmi ces dernières, il pourrait par exemple décider d'entendre la plaignante. Ensuite, la question se posera d'une éventuelle audition de Gérald Darmanin. Elle pourrait avoir lieu chez le juge ou dans un service de police. Cependant, si des indices graves et concordants à l'encontre du ministre existent, elle devra avoir lieu chez le magistrat. "Je suis à la disposition des magistrats", a assuré le ministre jeudi matin. "Je me rendrai à n'importe quelle convocation des magistrats instructeurs", a-t-il complété.

Dans un communiqué à l'AFP, les avocates de la plaignante, Marjolaine Vignola et Elodie Tuaillon-Hibon, ont dit mardi "redouter désormais que la fonction du mis en cause pèse sur l'ensemble de la procédure, quelle que soit l'indépendance dont les magistrats voudront bien faire preuve"

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