La droite et la gauche divergent sur les questions fiscales
Depuis l'entrée en campagne du candidat Nicolas Sarkozy, les échanges autour du travail et de l'argent sont devenus plus vifs. Au-delà du débat politique, où en sont les deux grands partis sur ces valeurs centrales ?
Pour répondre à cette question, France TV 2012 a interrogé Christophe Prochasson.
L'historien considère que "la question morale est devenue l'un des aspects, et non des moindres, de la question sociale".
Vous avez publié en 2010 un livre sous intitulé : "La gauche est-elle morale". Que répondriez-vous à cette question aujourd'hui ?
Christophe Prochasson - Qu'elle l'est bien davantage qu'il y a deux ou trois ans. La gauche a compris que les enjeux de morale publique étaient devenus beaucoup plus importants.
C'est d'ailleurs tout le sens du "président normal" évoqué par François Hollande. Un président normal c'est une personne qui respecte la loi, les coutumes, les mœurs les plus quotidiennes et ne franchit pas la ligne jaune.
La gauche qui avait beaucoup hérité de la période Mitterrand, notamment de la fascination pour Bernard Tapie et de l'idée qu'au fond la morale était quelque chose d'un peu poussiéreux et dépassé, se retrouve aujourd'hui, et après l'affaire DSK, sur une ligne de conduite et de tenue morale beaucoup plus grande que précédemment.
La droite a-t-elle aussi évolué ?
La droite a beaucoup moins de problème avec la morale car elle n'en fait pas le commerce. Idéologiquement et politiquement, la droite est là pour gérer au mieux une situation donnée. Elle n'a pas d'ambition de transformation d'une société.
La gauche si. Elle s'est toujours fondée sur un engagement moral qui était d'améliorer le sort des plus modestes, de faire le bonheur sur terre et de lutter contre les méchants.
Le message moral est donc toujours plus atténué à droite, voire absent, sauf lorsque la politique fréquente la religion. Mais étant dans une république laïque, la droite ne peut pas avouer les relations intimes qu'elle pourrait entretenir avec le catholicisme.
Et son rapport à l'argent ?
Je ne crois pas qu'il y ait encore de sensibilité à cette question de l'argent qui devient pourtant extrêmement importante. La droite ne sent pas à quel point ces écarts de fortune sont insupportables à la plupart de nos concitoyens.
Regardez la proposition de François Hollande sur la taxation des très très hauts revenus. Elle part de l'idée qu'il est immoral que des gens gagnent plus d'un million d'euros par an en période de crise quand tant de gens souffrent.
Cette proposition a été dénoncée par l'ensemble de la droite et même par François Bayrou.
La culture politique de la droite ne la conduit pas à s'indigner de ce genre de choses. Le rapport à l'argent est sous-tendu par l'idée que ceux qui ont beaucoup d'argent l'ont mérité.
Alors que l'idée, encore commune à la gauche, est qu'un état est là pour atténuer les inégalités et amorcer une redistribution parce qu'au fond, tout le monde n'est pas responsable de sa situation sociale.
Cette campagne se cristallise-t-elle davantage sur les valeurs qu'en 2007 ?
Non. La question des valeurs est moins mise en avant qu'en 2007. Nous sommes davantage sur des questions très concrètes. On le mesure bien dans le déplacement des candidats sur les sites d'entreprises en difficulté.
On a beaucoup moins de discours de type idéologique sur la valeur travail et même d'appropriation des grandes figures du passé. Souvenez-vous d'un discours de Nicolas Sarkozy en janvier 2007 avec le grand défilé historique où figuraient Jeanne d'Arc, Jean Jaurès, Guy Moquet, etc.
Il y avait eu par ailleurs un débat beaucoup plus intense sur la valeur travail qui avait opposé Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. La candidate socialiste parlait d'ordre juste et expliquait que le travail était aussi une valeur de gauche.
La campagne 2012 va se jouer beaucoup plus sur la crédibilité qu'aura le candidat élu à, non pas résoudre la crise, mais en atténuer les effets.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.