Loi renseignement : le Conseil constitutionnel censure l'article sur la surveillance des communications hertziennes
Les Sages ont jugé, vendredi, que les écoutes "portent atteinte au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances".
Le Conseil constitutionnel a censuré, vendredi 21 octobre, un article de loi Renseignement de juin 2015, portant sur la "surveillance et le contrôle" des communications hertziennes en raison d'"une atteinte manifestement disproportionnée" à la vie privée.
Toutefois, les Sages ont reporté "au 31 décembre 2017 la date d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité", pour laisser aux pouvoirs publics le temps d'élaborer un nouveau texte et ne pas les priver d'un outil de surveillance qui devra, dans l'intervalle, être encadré par davantage de garanties. Franceinfo fait le point sur cette décision.
Sur quoi porte l'article de loi visé ?
L'article censuré est vieux d'un quart de siècle. Il figurait en 1991 dans la première loi sur les interceptions de sécurité (les écoutes autorisées par le Premier ministre). Et, malgré les changements intervenus dans l'univers des télécoms, il a été repris tel quel dans la loi Renseignement adoptée en 2015.
Cet article prévoit, explique Libération, que "les mesures prises par les pouvoirs publics pour assurer, aux seules fins de défense des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne ne nécessitent ni autorisation préalable du Premier ministre ni contrôle a posteriori par le gendarme des écoutes."
Pourquoi la surveillance "hertzienne" pose problème ?
Cette absence de contrôle a scandalisé la Quadrature du Net (association de défense des droits des citoyens sur internet), le fournisseur d'accès à internet French Data Network et la Fédération des FAI associatifs (FDDN). Au point que les trois associations ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Car aujourd'hui, le hertzien est un domaine très vaste, explique à franceinfo Adrienne Charmet, une des responsables de la Quadrature du Net : "Tout le wifi, tout le mobile passe à un moment ou à un autre par le hertzien." Techniquement, détaille Libération, "la formule peut recouvrir ce qui transite entre un téléphone portable et une antenne-relais, un ordinateur et une borne wifi, un opérateur internet et un satellite, une carte bancaire sans contact et un lecteur…" On est très loin de la surveillance des mouvements de troupes ou d'avions émis depuis l'étranger, prévue à l'origine dans la loi et qui permettait de s'affranchir de tout contrôle.
Largement étendue, cette exception "hertzienne", note encore Libération, avait permis, en 2010, à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, devenue DGSI) "de demander à Orange les factures détaillées, les 'fadettes', du journaliste du Monde Gérard Davet".
Que va changer la décision du Conseil d'Etat ?
Face à "une atteinte manifestement disproportionnée" à la vie privée, le Conseil constitutionnel a donné raison aux détracteurs de l'article. La surveillance hertzienne doit donc finir par se ranger à la loi commune prévue par la loi Renseignement. A savoir, une autorisation préalable du Premier ministre, un avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) et l'obligation de préciser les conditions d'exploitation, de conservation et de destruction des documents.
La Quadrature du Net s'est dit évidemment "très contente", par la voix d'Adrienne Charmet. Mais la militante s'étonne toutefois du délai "très long accordé aux pouvoirs publics - jusqu'à décembre 2017 - pour se mettre en conformité avec la décision des Sages".
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