Le contrôle des frais de mandat des députés ? "On aurait pu mieux faire"
Le bureau de l'Assemblée nationale a adopté de nouvelles règles pour encadrer les frais de mandat des députés. Une réforme qui peine à convaincre les associations spécialisées.
"Une vraie déception", "on aurait pu mieux faire"... La réforme des frais de mandat des députés, dont les modalités ont été adoptées mercredi 29 novembre par le bureau de l'Assemblée nationale, a été accueillie avec scepticisme ou, au mieux, une satisfaction mesurée par les associations spécialisées sur le financement de la vie politique.
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Contrairement à ce qui avait été envisagé à l'été, l'Assemblée a renoncé au remboursement sur justificatifs, pour adopter un système proche de l'ancienne IRFM : chaque député disposera d'une enveloppe de 5 373 euros mensuels. Seul changement : l'élu devra conserver les justificatifs de ses dépenses – sauf pour les "menues dépenses" d'un maximum de 600 euros – et soumettre à la fin de l'année ses relevés bancaires à la déontologue, qui procédera à un contrôle aléatoire.
Un "bon début" ?
Des militants interrogés, Hervé Lebreton, président de l'Association pour une démocratie directe, est le plus remonté. "C’est pitoyable", réagit celui dont les révélations sur la réserve parlementaire et l'IRFM ont fait évoluer la loi ces dernières années.
L’Assemblée nationale n’est même pas capable de mettre en place un système de contrôle de frais comme cela se fait dans bon nombre d’entreprises.
Hervé Lebreton, président de l'Association pour une démocratie directeà franceinfo
L'Assemblée "aurait pu mieux faire", en mettant en place un remboursement sur justificatifs, concède Jean-Christophe Picard. Mais le président de l'association Anticor est plus mesuré : "C'est un bon début, cela va dans le bon sens." Transparency International "salue" également "cette initiative et appelle le Sénat à prendre des mesures similaires". "Pour nous, c’est une réforme attendue qui devrait mettre fin aux abus de l’IRFM", explique Elsa Foucraut, responsable du plaidoyer pour l'ONG.
Un contrôle, mais quels moyens ?
La liste des dépenses éligibles et interdites, ainsi que la mise en place d'un contrôle faisaient partie des demandes formulées par Transparency pendant la campagne pour les législatives. "La réussite de cette réforme suppose de renforcer significativement les moyens alloués à la déontologue de l'Assemblée nationale", prévient l'ONG dans un communiqué.
Mais les modalités de ce contrôle, aléatoire, posent question. L'Assemblée prévoit que les justificatifs de dépenses des députés soient examinés au moins une fois par mandature pour chaque élu. "Les députés tirés au sort en 2018 n'auront-ils plus de comptes à rendre jusqu'à la fin de leur mandat ?" s'interroge Jean-Christophe Picard. Florian Bachelier, premier questeur LREM de l'Assemblée, promet cependant qu'un député pourra "être tiré au sort plusieurs fois" au cours de la législature.
"Pas capables de tenir leurs promesses"
Échappera à ce contrôle l'enveloppe de 600 euros mensuels, pour les "menues dépenses", utilisable à discrétion par les députés. La loi pour la confiance dans la vie politique, adoptée cet été, prévoyait "une prise en charge directe" des dépenses, "un remboursement sur présentation de justificatifs" ou le "versement d'une avance", rappelle Hervé Lebreton : "Les 600 euros ne rentrent dans aucun système prévu." De quoi étonner également le président d'Anticor.
Cette facilité pour le moins incongrue ressemble à une caisse noire.
Jean-Christophe Picardà franceinfo
Reste la question de la transparence, totalement absente des nouvelles règles édictées par le bureau de l'Assemblée. Les dépenses des députés ne seront pas publiques, contrairement à ce qui a cours aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en Scandinavie.
Aux Etats-Unis, on peut consulter des tableaux Excel immenses, où tout est justifié au dollar près. Cela n'empêche pas le Congrès américain de fonctionner.
Elsa Foucraut, responsable du plaidoyer chez Transparency Internationalà franceinfo
Très engagée sur cette question, l'association Regards citoyens ne cache pas une "vraie déception". "Pendant les débats, les parlementaires ont abondamment parlé de transparence. La décision d'aujourd'hui montre qu'ils ne sont pas capables de tenir leurs promesses et préfèrent le statu quo", dénonce Suzanne Vergnolle, administratrice de l'association qui édite le site Nosdeputes.fr. Pour cette militante, "la confiance ne se proclame pas, elle doit s'obtenir et cela vient avec la transparence".
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