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Entre espoir et inquiétude, les autres ZAD de France réagissent à l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes

Le Premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé mercredi l'abandon du projet de construction de cet aéroport contesté. Franceinfo a demandé à des militants qui occupent d'autres ZAD leur ressenti après cette décision.

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une banderole contre le projet de Pierre & Vacances dans la forêt de Chambaran (Isère), le 23 décembre 2014. (MOURAD ALLILI / AFP)

C'est la fin de décennies de lutte. Edouard Philippe a sonné le glas du projet de construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. "Je constate aujourd'hui que les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien le projet Notre-Dame-des-Landes", a déclaré le Premier ministre, mercredi 17 janvier, dénonçant "un aéroport de la division". "On a gagné !", ont immédiatement réagi les zadistes. Ces derniers ont salué, dans un communiqué, "une victoire historique face à un projet d’aménagement destructeur", qui "aura été possible grâce à un long mouvement aussi déterminé que divers"

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Mais Notre-Dame-des-Landes n'est pas le seul projet d'aménagement contesté en France, loin de là. D'autres militants occupent eux aussi des terres, des bois, des forêts pour lutter contre des projets soutenus par l'Etat ou des groupes privés. Qu'espèrent-ils après la décision du gouvernement sur Notre-Dame-des-Landes ? Franceinfo les a interrogés. 

A Bure, "on a de l'espoir"

"Ça donne de l'espoir à plus d'un titre." Au téléphone, Jérémy assure que "c'est rare que des mobilisations déterminées, comme Notre-Dame-des-Landes, puissent obtenir cette victoire". Ce dernier habite depuis un an et demi un petit village près de Bure, perdu entre la Meuse et la Haute-Marne. C'est sur ce site que l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) veut enfouir à 500 mètres sous terre des déchets nucléaires radioactifs pendant des millions d'années. 

Les opposants ont déjà été expulsés une première fois en 2016 avant de se réinstaller dans le bois Lejuc "où ils sont plusieurs dizaines", selon Jérémy. "Il faudra passer par une expulsion militaire pour nous évacuer", prévient-il. Il se dit "très heureux pour [ses] amis de Notre-Dame-des-Landes". "Ça donne du baume au cœur", ajoute-t-il. Mais, nuance-t-il aussitôt, "on ne lutte pas contre le même projet et ce n'est pas le même territoire".

La ZAD, ce n'est pas une franchise, un modèle à respecter, c'est une expérience de lutte fascinante et intéressante.

Jérémy, opposé au projet de centre de stockage de déchets nucléaires de Bure

à franceinfo

A Kolbsheim, on regrette une absence de "prise de conscience globale"

"Pour la nature, c'est une excellente nouvelle." Stéphane Giraud, directeur de l'association Alsace Nature, est satisfait de l'abandon du projet Notre-Dame-des-Landes. Ce militant se bat contre un projet de contournement autoroutier de la ville de Strasbourg mené par une filiale de Vinci qui devrait empiéter sur une forêt. La construction d'une rocade de 24 kilomètres est ainsi prévue. Depuis juillet, les opposants ont pris leurs quartiers dans le bois de Kolbsheim (Bas-Rhin). "Ils sont une dizaine en permanence et des personnes passent les voir dans la semaine", explique-t-il. 

A l'annonce de la décision sur Notre-Dame-des-Landes, Stéphane Giraud aurait "aimé croire à une prise de conscience globale des enjeux". Mais "le reste des propos d'Edouard Philippe" a douché ses espoirs.

Il a dit que c'était le seul dossier sur lequel ils reviendraient et on ne comprend pas pourquoi. A Strasbourg, on a les mêmes problématiques qu'à Notre-Dame-des-Landes.

Stéphane Giraud, directeur de l'association Alsace Nature

à franceinfo

Selon lui, comme en Loire-Atlantique, le projet de rocade est ancien, conçu pour une autre époque. Stéphane Giraud se rend d'ailleurs bien compte que "c'est l'occupation de la ZAD qui a fortement joué dans la prise de décision". Or, dans le cas de Kolbsheim, "un cordon de 24 kilomètres, c'est assez compliqué à défendre". 

A Roybon, on espère que Notre-Dame-des-Landes ne sera pas "une excuse"

Jessica se trouvait à la maison forestière de La Marquise où elle réside lorsqu'elle a appris la nouvelle. Elle habite depuis trois ans dans cette maison qui sert de camp de base aux opposants au projet de Roybon (Isère). Le groupe Pierre & Vacances cherche, depuis 2007, à y construire le sixième Center Parcs de France, qui serait installé dans la forêt de Chambaran. Une trentaine de personnes occupent les lieux en permanence depuis trois ans. 

L'abandon de Notre-Dame-des-Landes "donne de l'espoir" aux militants, raconte Jessica. "Il est enfin prouvé qu'il est possible de faire obstacle à un projet stupide", dit-elle. Mais sa joie se teinte aussi d'inquiétude.

Le gouvernement pourrait lâcher du lest pour être plus dur avec les autres ZAD. Il pourrait profiter de l'euphorie collective. Notre-Dame-des-Landes n'est pas une excuse pour évacuer les autres lieux occupés.

Jessica, opposante au Center Parcs de Roybon

à franceinfo

A Gonesse, on salue "l'intelligence du gouvernement"

Ils n'occupent pas à proprement parler les lieux illégalement, mais ils les voient tout de même "comme une zone à défendre". Bernard Loup est le président du Collectif pour le triangle de Gonesse (Val-d'Oise), qui se bat, depuis 2011, contre le projet Europacity. Mené par le groupe Auchan, il prévoit, à l'horizon 2024, un complexe de 500 boutiques, hôtels et parcs d'attraction avec piste de ski et centre aquatique, au nord de Paris. Le renoncement à Notre-Dame-des-Landes a, là aussi, été vécu comme "un espoir pour [leur] lutte". 

Notre-Dame-des-Landes, c'est la preuve que l'on peut inverser le cours des choses.

Bernard Loup, président du Collectif pour le triangle de Gonesse

à franceinfo

Bernard Loup salue "l'intelligence du gouvernement sur la question". Il verrait bien, aussi, des zadistes de Notre-Dame-des-Landes venir les épauler dans la lutte. Lance-t-il un appel ? S'il s'y refuse formellement, il glisse : "On ne les empêchera pas de venir."

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