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"Nous avons peur de la banalisation du discours du FN", disent des jeunes issus de l'immigration

Marine Le Pen recueille entre 16% et 20% des intentions de vote. Que pensent les jeunes issus de l'immigration de ces scores et du Front national ? Quelques éléments de réponses glanés à Paris devant un lycée professionnel et deux universités.
Article rédigé par Hervé Pozzo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Université Descartes, Paris (Paris)

Marine Le Pen recueille entre 16% et 20% des intentions de vote. Que pensent les jeunes issus de l'immigration de ces scores et du Front national ? Quelques éléments de réponses glanés à Paris devant un lycée professionnel et deux universités.

Etudiants ou lycéens, "Arabes"ou "Noirs", leurs parents sont immigrés ou membres des "minorités visibles". Que pensent-ils de Marine Le Pen ? Craignent-ils les thèses du Front national ? S'en moquent-ils ?

Ils ont bien voulu répondre à nos questions. Des témoignages distillés sous couvert d'anonymat car le sujet est, pour eux, très sensible.

Le discours lepéniste a-t-il un effet sur leur vie ? Trouvent-ils normal que cette candidate puisse se présenter, qu'elle obtienne ses parrainages ? Les réponses sont diverses mais un mot revient comme un leitmotiv : la peur. Peur d'être stigmatisé, peur des généralisations ou de la banalisation d'un discours extrémiste.

Que pense réellement Marine Le Pen ?

A cette aune, Leila et Fréderic, 21 ans, étudiants en troisième et dernière année de licence à l'université Paris-Dauphine, se disent "dérangés" par le fait de voir la candidate du FN sur tous les plateaux TV.

Mais ils réfutent l'idée selon laquelle une certaine lepénisation des esprits se ferait jour. Ils n'y seraient, en tous cas, pas confrontés personnellement. Malgré cela, si Leila respecte les principes républicains, elle s'inquiéte : " Hitler est arrivé au pouvoir légalement, la démocratie permet ça, aussi ! Et quand on lit que Mme Le Pen approche des 20 % d'intentions de vote cela fait peur ".

Une crainte qu'ils expliquent : "Nous avons beaucoup de mal à savoir ce que pense réellement Marine Le Pen ".

Et s'ils notent un changement dans les mentalités, ce serait uniquement sur le Web. Pas à la fac. "On trouve de plus en plus de discours extrémistes sur la Toile. Sur les réseaux sociaux beaucoup se permettent, aujourd'hui plus qu'hier, d'afficher leurs convictions racistes", note Frédéric.

"Suis-je Française ou pas ?"

Autre son de cloche devant l'université Descartes. Hortense, 20 ans, en seconde année de DUT. Elle dit ne jamais avoir connu le racisme à cause de sa couleur de peau.

Le discours d'extrême droite n'aurait pas d'effet sur sa vie. "Je suis originaire de Guadeloupe et je ne me pose pas la question de savoir si je suis Française ou pas ! C'est un fait ! "

Mais d'ajouter : " La stigmatisation existe, j'ai une amie, noire comme moi, qui étudie dans une grande école de commerce et qui a été l'objet de remarques désobligeantes, elle a réellement dû prouver qu'elle pouvait y arriver."

Selon elle, ceux qui souffriraient du racisme sont ceux qui sur-réagissent, qui sont "trop" sensibles aux provocations.

"Je suis un cliché ambulant"

Des jeunes "qui prennent la mouche", comme dit Hortense, nous en avons rencontrés.

Omar a 20 ans, citoyen français, ses parents sont originaires d'Afrique sub-saharienne. Il habite le 18e arrondissement de Paris et prépare un BTS comptabilité dans un lycée professionnel du 16e.

Comme son "collègue" Karim, même âge, même formation, originaire d'Afrique du nord, il pense que le discours du FN a un effet certain sur la société française.

"Aujourd'hui, on a peur de moi. Je suis un cliché ambulant, le Front national généralise et noir est devenu synonyme de voyou ! "

"On va te mettre dans un bateau"

Karim renchérit : "Dans le bus une dame s'est mise à serrer son sac lorsque je suis passé à coté d'elle... Et la dernière fois que je me suis fait contrôler par la police un des agents m'a dit, droit dans les yeux, on va te remettre dans un bateau, moi je fais partie des 11 % [score un peu grossi de Jean-Marie Le Pen à la présidentielle de 2007 ]".

Alors les deux jeunes hommes "font preuve d'abnégation", ils "tentent de ne pas réagir" aux a prioiri et aux remarques à caractère raciste.

Ils disent avoir un ami complètement perdu. "Ses parents votent Front National et lui ne sait plus quoi penser lorsqu'on se retrouve ensemble".

"Entendre chaque matin 'Ne traîne pas avec des Arabes et des Noirs', ça peut effectivement perturber !", confie l'un d'entre eux.

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