Pour l'économiste Nicolas Bouzou, "les marchés intègrent progressivement la perte du AAA"
Interrogé par francetv.fr/2012, l'économiste Nicolas Bouzou, directeur de la société d'analyse Asterès, dit que "le processus de perte du AAA [de la France] est enclenché pour plusieurs agences de notation".
Vous rangez-vous parmi les économistes considérant que la France a d'ores et déjà perdu son triple A ?
Nicolas Bouzou. Le processus de perte du AAA est enclenché pour plusieurs agences de notation. D'ailleurs, les marchés "pricent" déjà en partie cette perte, en vendant des obligations françaises, ce qui fait remonter nos taux d'intérêt de long terme.
Néanmoins, j'observe que, même parmi les AAA, seule l'Allemagne parvient à conserver des taux très bas. D'autre part, les agences de notation devraient comprendre que, depuis une dizaine de jours, une inflexion très nette a été donnée à notre politique budgétaire, qui va dans le sens d'une grande et durable rigueur.
A mon avis, il faut maintenant travailler sur les moyens d'augmenter notre potentiel de croissance, sans argent public supplémentaire bien sûr. Mais clairement, nous avons pris la bonne direction. Est-ce que cela arrive trop tard ? Est-ce que c'est suffisant ? Nos créanciers et les agences de notation nous le diront.
La polémique qui oppose le gouvernement au PS sur cette question a-t-elle un fondement politique ou économique ?
Aucun fondement économique et, pour l'essentiel, un gouvernement PS mènerait le même type de politique que le gouvernement.
D'ailleurs, j'observe qu'en Europe, tous les pays, de droite comme de gauche, ont adopté le même type de politiques : réforme des retraites, freinage des prestations sociales, augmentation des impôts à large base type TVA. La marge de manœuvre politique est aujourd'hui très faible. Le surendettement, c'est clairement une perte de souveraineté.
Quels pourraient être les conséquences immédiates d'une dégradation de la note de la France ?
Comme je l'indiquais plus haut, il me semble que les marchés intègrent progressivement la perte du AAA. Néanmoins, si nous le perdons vraiment, nous ferons face à une hausse supplémentaire du coût de refinancement de notre dette sur les marchés, avec un alourdissement de notre charge d'intérêt.
Si cela se produit, et cela peut être rapide, nous devrons donc aller beaucoup plus loin, notamment en matière de dépenses publiques, et envisager alors une baisse des dépenses sociales. Voilà pourquoi il faut tout faire pour que ça n'arrive pas.
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