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Primaire de la gauche : comment le nouveau Valls tente de faire oublier l'ancien

Article rédigé par Sophie Brunn
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Manuel Valls, à son QG de campagne le 14 décembre 2016 à Paris. (CHAMUSSY/SIPA)

On l'a connu clivant, en rupture avec les totems socialistes, prêt à changer le nom de son parti. Mais ça, c'était avant. Avant que Manuel Valls soit candidat à la primaire de la gauche. 

Manuel Valls veut supprimer l'usage du 49.3, hors texte budgétaire, alors qu'il l'a utilisé six fois quand il était à Matignon. Il s'aventure sur des terrains nouveaux, parlant de pouvoir d'achat ou d'éducation. Il nuance considérablement ses propos les plus clivants, sur l'islam ou les réfugiés. Il se réclame même de la "force tranquille" de François Mitterrand, alors qu'à l'Assemblée, la plupart des députés se souviennent de sa virulence dans les débats. Il veut rassembler, alors qu'il évoquait des gauches irréconciliables. Bref, il tente de "se présidentialiser", comme le théorisait déjà un de ses soutiens en octobre. Au PS, ceux qui ne le portent pas dans leur cœur n'en reviennent pas. "Il essaie de faire le coup de 'plus à gauche que moi tu meurs !' Comme dirait Martine [Aubry], quand c'est flou, il y a un loup...", résume un conseiller. 

Manuel Valls tente de faire oublier - ou d'amoindrir - deux périodes : le Valls de 2011 (sur les 35 heures ou l'impôt de solidarité sur la fortune), clairement porteur de la ligne droitière du PS. Et l'ancien Premier ministre, qui face à une majorité rebelle, préfère le bâton à la carotte, et le passage en force au compromis. Quand la presse lui pose la question de cette mue, Manuel Valls dégaine : "Vous voulez m'enfermer dans l'alternative : il est clivant, donc il ne rassemble pas. Il n'est plus clivant, donc il n'est plus Valls. Moi, j'ai la volonté de parler vrai, de faire avancer le pays. En devenant candidat, j'ai une mission, je dois me dépasser."

"Une force tranquille dans la révolte"

Mais ce dépassement sera-t-il crédible ? Comment "faire du Valls" tout en rassemblant la gauche ? L'équation, quasi-impossible, n'a pas échappé à ce ministre qui le soutient : "Est-ce qu'on a le droit de changer ? Vous pouvez lui reconnaître ce droit quand même." Et d'admettre aussitôt : "C'est sûr qu'on va lui faire ces deux procès : d'un côte, il est insincère, de l'autre, il n'est plus assez transgressif... " Une hésitation, puis le ministre tente de s'en sortir avec cette pirouette : "C'est donc l'homme de l'équilibre ! Une force tranquille dans la révolte." Eclats de rire autour de la table. "C'est une voie étroite, concède notre interlocuteur. J'espère qu'il va la trouver en janvier."

Avec sa proposition sur le 49.3, Manuel Valls donne un nouvel exemple de cette volonté de "dépassement". Mais n'allez pas dire qu'il n'a pas de conviction. L'un de ses porte-parole, le député et ancien aubryste Olivier Dussopt, assure le contraire. Preuve en est, selon lui, l'amendement déposé en 2008 par le groupe socialiste, lors de la réforme de la Constitution engagée par Nicolas Sarkozy. Il visait à limiter plus strictement le recours au 49.3. "A l'époque, Manuel Valls était vraiment à l'initiative sur cet amendement. Et quand il a utilisé le 49.3 comme Premier ministre, il ne l'a pas décidé seul. On ne peut pas à la fois lui reprocher l'usage du 49.3 et, en même temps, de vouloir modifier la pratique. On peut mettre à son actif son expérience et les conséquences qu'il en tire."

Un calendrier serré

Sur d'autres sujets, ses soutiens admettent que la mue est un peu compliquée à faire passer : "Je peux comprendre que vous ayez l'impression de ne plus le reconnaître, admet un député. En dix jours, il est passé de Premier ministre à candidat. Cela lui donne une liberté de parole, il vient sur des sujets nouveaux à Matignon, il était tenu par des sujets très régaliens. Mais ne vous inquiétez pas, son projet, qu'il présentera début janvier, c'est du Valls."

D'autres, dans son équipe, se montrent sereins, estimant que l'image dans l'opinion publique de leur candidat n'a pas changé. Le problème viendrait plus du calendrier, très serré, pour faire émerger ce nouveau Manuel Valls. "Evidemment, il n'échappera pas à la comparaison avec son action en tant que Premier ministre. Le problème, c'est que ce recentrage doit se faire en un mois. C'est court."

Court, et un peu voyant. Dans ses meetings du Doubs (6 décembre) et dans l'Aude (12 décembre), Manuel Valls a promis de sourire davantage, parce qu'on lui reproche souvent d'être tendu et crispé. Contraint et forcé, sourire pour séduire le temps d'une campagne. Pas si facile.

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