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Primaire de la gauche : pourquoi Manuel Valls a perdu son pari

Le verdict sans appel des urnes vient sanctionner une campagne mal préparée et parasitée par Emmanuel Macron.

Article rédigé par Ilan Caro, Sophie Brunn
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Manuel Valls, le 29 janvier 2017 à Paris, après le second tour de la primaire de la gauche. (PHILIPPE WOJAZER / REUTERS)

Son ascension politique a subi un brutal coup d'arrêt. Deux ans et demi après avoir été nommé à Matignon, Manuel Valls a échoué, dimanche 29 janvier, à devenir le candidat du PS et de ses alliés à la présidentielle. Sa défaite face à Benoît Hamon, au second tour de la primaire de la gauche, est nette. Une sanction électorale qui vient clore une campagne ratée.

Il a traîné le bilan du quinquennat comme un boulet

François Hollande absent de cette primaire, c'est naturellement vers celui qui a occupé le poste de chef du gouvernement de 2014 à 2016 que se sont portées toutes les critiques.

Le premier débat de la primaire, le 12 janvier, a donné le ton d'emblée. "Difficile à défendre", "un sentiment d'incompréhension"… Tous les candidats à la primaire se sont dissociés du bilan d'un président au plus bas dans les sondages. Manuel Valls, obligé d'évoquer sa "fierté" d'avoir servi son pays, s'est retrouvé bien seul, avec le modeste appui de la radicale Sylvia Pinel, à défendre le quinquennat écoulé.

Il a porté le 49.3 "comme un stigmate"

"C'est une connerie qu'il a faite tout seul." Un très proche du candidat l'affirme : sa proposition de supprimer l'article 49.3 de la Constitution a été une énorme erreur. Aux yeux de l'opinion, cette initiative semble incompréhensible de la part du Premier ministre qui a eu recours à cet article à six reprises.

Début janvier, un de ses soutiens affirmait : "Il le portera comme un stigmate." Et cela n'a pas manqué. Tel le sparadrap du capitaine Haddock, le 49.3 poursuit Manuel Valls sur tous les terrains de la campagne : après une enfarinade lors d'un déplacement à Strasbourg, ses meetings sont perturbés. A Paris, dans le public du Trianon, un opposant hurle "49.3 on n'oublie pas", avant d'être expulsé par la sécurité. Comme un symbole, dimanche soir, c'est au bar Le 49.3, dans le 11e arrondissement de Paris, que des dizaines de militants anti-Valls sont allés fêter la défaite de l'ancien Premier ministre.

Il n'était pas prêt

Il a beau avoir contribué lui-même au renoncement de François Hollande, Manuel Valls était mal préparé pour cette compétition, "engagée dans des conditions imprévues", a souligné le vaincu dans son discours. "Il était prêt psychologiquement et intellectuellement, sa volonté était là, mais il n'avait rien préparé", reconnaissait un député pro-Valls dimanche soir.

En réalité, Manuel Valls, qui lorgnait plutôt la présidentielle de 2022, ne pensait pas devoir descendre dans l'arène dès cette année. Son début de campagne, début décembre, a été plus que poussif. Alors que ses équipes hésitent sur la stratégie à suivre, il présente début janvier un programme insipide : une accumulation de grands principes et peu de mesures fortes, si ce n'est le retour de la défiscalisation des heures supplémentaires, l'un des marqueurs du mandat de… Nicolas Sarkozy.

Il n'a pas réussi à changer son image

"J'ai changé." Tout au long de sa (courte) campagne, Manuel Valls a tenté de présenter un nouveau visage. Le candidat de 2017 voulait faire oublier à la fois celui de 2011, au positionnement très droitier, et le Valls Premier ministre, qui avait théorisé l'existence de deux gauches "irréconciliables". Mais le revirement, trop brutal pour paraître sincère, n'a pas convaincu. "Si Valls renie Valls, il tombe dans le pot commun. En plus, cela lui injecte le soupçon de l'insincérité", reconnaissait l'un de ses soutiens pendant la campagne.

Comment Manuel Valls pouvait-il apparaître comme un candidat rassembleur après avoir autant divisé ? L'ancien Premier ministre n'a jamais réussi à résoudre cette difficile équation. "Le temps a été trop court pour changer de costume", reconnaît un de ses plus chauds partisans. Peut-être est-ce la raison pour laquelle il a changé de stratégie dans la dernière ligne droite, avec une position plus dure sur la laïcité et la mise en avant de son "expérience" gouvernementale.

Il a été "parasité" par Macron

Emmanuel Macron a réussi son travail de sape. En se plaçant à l'extérieur de cette compétition, le leader d'En marche ! a détourné des milliers d'électeurs pro-Valls potentiels. Avant le second tour, l'un des partisans de l'ex-Premier ministre se désolait : "Je ne vois pas comment Valls peut gagner la primaire. Ses réserves de voix sont énormes mais elles sont figées à l'extérieur du PS, elles sont chez Macron."

Proches sur les sujets économiques, les deux hommes ont suivi chacun leur propre stratégie depuis plusieurs mois : l'émancipation pour Macron, la loyauté pour Valls. La première a été plus payante que la seconde dans la course à la qualification pour la présidentielle.

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