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Valls et Hamon au second tour de la primaire de la gauche : "On a un présidentiable d'un côté et un militant de l'autre"

Le politologue Martial Foucault analyse pour franceinfo les résultats du premier tour et se projette sur le duel à venir entre les deux finalistes de la primaire de la gauche.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Benoît Hamon, vainqueur du premier tour de la primaire à gauche, le 22 janvier 2017 dans son QG, à Paris. (MAXPPP)

Après le premier tour de la primaire de la gauche, dimanche 22 janvier, le directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po, Martial Foucault, analyse les résultats du scrutin, qui ont vu Benoît Hamon arriver en tête devant Manuel Valls, et les enjeux du second tour.

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Franceinfo : Avec près de deux millions de votants, le Parti socialiste a-t-il gagné son pari en termes de mobilisation ?

Martial Foucault : On aurait pu penser que la participation serait plus faible : certains dirigeants du PS visaient en effet la barre de 1,5 million de votants. De ce point de vue, c'est un bon résultat. Si cette mobilisation est bien moindre que celle de la primaire de la droite (plus de 4 millions d'électeurs), il faut tenir compte du fait qu'il est bien plus difficile de mobiliser après cinq années de pouvoir. Le PS n'a donc pas à rougir de l'organisation – un peu précipitée, il est vrai – de cette primaire. D'autant qu'il y avait 1 800 bureaux de vote de moins qu'en 2011 et 2 700 de moins qu'à la primaire de la droite.

Mais est-elle suffisamment forte pour offrir une dynamique au futur vainqueur ?

La dynamique sera nécessairement moins substantielle que celle dont François Fillon a bénéficié. Ce sera un handicap pour le futur vainqueur de cette primaire. Il n'est cependant pas exclu que la mobilisation au second tour soit légèrement plus élevée qu'au premier, car les deux finalistes incarnent pour le PS deux voies très différentes.

Comment expliquer la surprenante première place de Benoît Hamon lors de ce premier tour ?

A mon sens, sa qualification n'est pas une réelle surprise. Au cours de la campagne et notamment lors des trois débats, Benoît Hamon s'est nettement différencié d'Arnaud Montebourg, qui était sur une thématique très proche de lui. Son expérience ministérielle était moins connue que celles d'Arnaud Montebourg et de Manuel Valls, ce qui lui a permis de mieux incarner la nouveauté et d'insuffler une voix nouvelle. Il s'est réclamé sans honte du PS traditionnel, ce qui a pu plaire aux sympathisants. Et il a été le plus présent sur les réseaux sociaux.

Ce qui est plus surprenant, c'est sa première place et le fait qu'il ait supplanté Manuel Valls, qui malgré son expérience, obtient un score en deçà de ses attentes. Ce dernier espérait sans doute que la compétition entre Benoît Hamon et Arnaud Montebourg soit plus équilibrée.

L'addition des scores de Benoît Hamon et d'Arnaud Montebourg dépasse les 50%. Pour Manuel Valls, le deuxième tour est-il déjà perdu ?

On dit qu'il ne faut pas raisonner en termes d'arithmétique entre les deux tours d'une élection. Mais au vu des premières réactions des autres candidats, on perçoit que le second tour va être très compliqué pour l'ancien Premier ministre, qui risque d'être confronté à un "tout sauf Valls". Arnaud Montebourg a ainsi appelé très rapidement à voter pour Benoît Hamon.

L'agrégation des voix de l'ensemble d'une gauche qui ne se reconnaît pas dans le bilan de Manuel Valls va considérablement le handicaper. De plus, le candidat arrivé en tête jouit le plus souvent de la dynamique d'entre-deux-tours. Manuel Valls n'est donc clairement pas le favori du second tour.

Son niveau autour de 30% correspond à ce qu'il représentait dans l'opinion. Le moment de vérité est devant lui. Pour tenter de l'emporter, il va sans doute tenter d'asseoir son image de présidentiable. Les déclarations des deux finalistes dimanche soir donnent un avant-goût du duel : on a d'un côté un présidentiable, de l'autre un militant.

L'affiche de ce second tour, qui oppose deux candidats opposés sur presque tout, est-il la grande explication que le PS attendait depuis des années ?

Ce vote est-il le révélateur de deux gauches irréconciliables ? Probablement. Mais ce second tour ne préjuge pas de l'avenir du PS. En 2011, le but était de choisir le candidat le plus crédible pour vaincre Nicolas Sarkozy. Là, il s'agit de trouver le candidat qui va peut-être fédérer les gauches. On ne peut d'ailleurs pas exclure que Benoît Hamon cherche, en cas de victoire, à établir un dialogue avec Jean-Luc Mélenchon, même si ce dernier ne semble pas prêt à renoncer à la présidentielle.

Le véritable vainqueur de ce premier tour n'est-il pas Emmanuel Macron ?

Les électeurs de gauche sont confrontés à un dilemme : avec Benoît Hamon, le PS est quasiment sûr de ne pas être au second tour de la présidentielle, tandis qu'avec Manuel Valls, les chances sont faibles, mais légèrement plus élevées. Si Benoît Hamon est élu – ce qui est l'hypothèse la plus probable –, ce sera une très bonne nouvelle pour Emmanuel Macron, car il va être le réceptacle d'électeurs de Manuel Valls. La réussite de Benoît Hamon sur le plan des idées et des valeurs risque d'être suicidaire pour la gauche au premier tour de la présidentielle.

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