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Qui est Claire O'Petit, la députée LREM qui qualifie Mayotte de "ville" ?

La députée de l'Eure s'est à nouveau fait remarquer, mardi 6 mars, en avouant ne pas savoir ce qui se passait à Mayotte, département touché par trois semaines de grève générale. L'élue avait déjà provoqué un tollé, en juillet dernier, avec ses propos sur la baisse des APL.

Article rédigé par franceinfo
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La députée LREM Claire O'Petit dans la salle des quatre colonnes à l'Assemblée nationale, le 20 février 2018. (MAXPPP)

Quelques secondes de gêne sur le plateau de franceinfo. La députée LREM de l'Eure, Claire O'Petit, invitée de Djamel Mazi, mardi 6 mars, n'a pas su répondre à la question du journaliste sur les évènements en cours à Mayotte. Elle ne semble pas non plus être au point sur la géographie de ce département d'outre-mer, comme le montre cet échange :

"Vous savez ce qui se passe à Mayotte en ce moment ? 

- Oui, euh non, qu'est-ce qui se passe à Mayotte en ce moment ?

- Troisième semaine de grève générale contre l'insécurité.

- Mayotte est une ville extrêmement particulière."

"Mayotte est une ville particulière", selon la députée LREM Claire O'Petit
"Mayotte est une ville particulière", selon la députée LREM Claire O'Petit "Mayotte est une ville particulière", selon la députée LREM Claire O'Petit

Ces propos ont provoqué de nombreuses réactions indignées sur les réseaux sociaux.

"Vous pleurez parce qu'on vous enlève 5 euros"

Mais ce n'est pas la première fois que la députée s'attire les foudres des internautes. En juillet dernier, sa petite phrase sur la baisse des APL n'est pas passée inaperçue. "Ouh, ça va messieurs-dames ! Si à 18, 19 ans, 20 ans, 24 ans, vous commencez à pleurer parce qu'on vous enlève 5 euros… Qu'est-ce que vous allez faire de votre vie ?" répond-elle alors au HuffPost dans les couloirs de l'Assemblée, pour critiquer les protestations de certains étudiants. "Cinq euros, c'est beaucoup, concède-t-elle. Mais c'est ça ou on augmente les impôts."

Filmés puis relayés dans la presse, les propos de l'élue déclenchent immédiatement un tollé sur les réseaux sociaux. Connue pour son franc-parler, la députée persiste et signe, le 25 juillet, sur RMC. "Les étudiants, aujourd’hui [en été], sont chez papa-maman ou ils travaillent parce qu’il n’y a plus de cours. (…) Excusez-moi, je ne pleure pas !" lance-t-elle au micro des "Grandes Gueules".

En quelques heures, le nombre de requêtes "Claire O’Petit" entrées sur le moteur de recherche de Google grimpent de manière vertigineuse. La commerçante retraitée n'en est pourtant pas à sa première polémique.

"Candidate multirécidiviste de l'échec electoral"

Retour en mai 2017. Alors que la campagne d’Emmanuel Macron pour les élections législatives commence par une longue série de couacs, l'investiture de Claire O’Petit ne fait pas tout à fait l'unanimité dans son propre camp. Le 16 mai, Le Lab rapporte que, la veille, plusieurs militants d'En marche !, qui se décrivent dans un courrier comme étant "originaires de l'Eure", ont saisi "en urgence" la commission d'éthique et la commission nationale d'investiture (CNI) du mouvement d'Emmanuel Macron, afin de s’opposer à la décision d’investir Claire O'Petit dans leur circonscription.

Selon eux, Claire O'Petit ne remplit pas les critères du "renouvellement" auquel aspire le président de la République. Entrée en politique au Parti socialiste au début des années 2000, Claire O'Petit a recueilli 6,75% des voix aux législatives de 2007, dans la 1re circonscription de Seine-Saint-Denis, sous la bannière de l'UDF-MoDem. En 2012, elle a récolté 1,63% au premier tour des législatives dans la 5e circonscription de l'Eure, cette fois sous l’étiquette du MoDem, qu'elle a quitté en 2014. 

Il n'en faut pas plus aux détracteurs de Claire O'Petit pour la qualifier de "candidate multirécidiviste de l’échec électoral". Sa nomination correspond certes aux deux objectifs phares fixés par Emmanuel Macron : la parité et l'implication de la "société civile" à l'Assemblée. Mais certains doutent de sa capacité à mobiliser les électeurs d'En marche !.

Du reste, ce qui dérange la douzaine d’opposants à l’investiture de Claire O’Petit, ce sont vraisemblablement les "propos publics très dérangeants" que la candidate a tenus sur divers sujets de société au micro des "Grandes Gueules", le talk-show de RMC où elle intervient régulièrement depuis 2005. 

"Evidemment que le PS est raciste"

Au total, une douzaine de "propos outranciers" sont listés par les opposants à l'investiture de Claire O'Petit. Evoquant les Roms en 2011, la chroniqueuse affirme par exemple : "lI y a malheureusement une culture chez eux qui n’est pas la nôtre, ils vivent d’une façon qui n’est pas la nôtre et ne font aucun effort pour s’y intégrer, et ça, c’est extrêmement pénible."

En février 2015, nouveau dérapage. Elle accuse cette fois les enseignants de venir en classe avec des "jeans dégueulasses" et des "cheveux qui sont pas possibles". La même année, Claire O'Petit lâche, toujours sur RMC : "Si nos lois étaient appliquées, je n'aurais pas peur d'un homme en djellaba." "Evidemment que le Parti socialiste est raciste", lance-t-elle encore, en réaction aux propos de la sénatrice Samia Ghali qui accuse le PS de l'avoir lésée lors des élections municipales à Marseille. A ces sorties remarquées s'ajoutent d'autres propos polémiques relayés notamment par BuzzFeed et le HuffPost.

"Je ne me justifierai pas", clame Claire O'Petit face à ses détracteurs, auprès de France 3 Normandie. Ses déclarations "étai[ent] publi[ques] : 1,8 million d’auditeurs par jour, plus le replay la nuit", argue-t-elle. Et d’ajouter : "Je ne l’ai pas dit dans un couloir. Et j’ai eu l’investiture."

"Le fait que Claire O'Petit n’ait pas été désinvestie par la CNI et, au surplus, qu’elle ait été élue par les électeurs de la 5e circonscription clôt la polémique de ce courrier", estime auprès de franceinfo Fabien Gouttefarde, ex-référent départemental LREM de l'Eure et désormais député dans la 2e circonscription de ce département. Le 18 juin 2017, Claire O'Petit recueille 55,98% des voix au second tour, face au candidat du Front national, Vincent Taillieu.

Gilbert Collard "est un copain"

Mais une information relayée dans la presse a semé le doute quant à la couleur politique de Claire O'Petit. Le 30 mai, Le Parisien cite sous couvert d'anonymat "un cadre" du Front national qui assure que Claire O'Petit aurait "demandé à être investie en position éligible sur la liste de Nicolas Bay [alors secrétaire général du FN], en Normandie", lors des élections régionales de 2015. 

Interrogé à ce sujet par franceinfo, Gilbert Collard, député du Gard et secrétaire général du Rassemblement bleu Marine, répond qu'il a "décidé une fois pour toutes de ne plus collaborer aux entreprises de délation, vraies ou fausses". 

Selon Le Parisien, une rencontre aurait été organisée dans un restaurant entre Claire O'Petit, Gilbert Collard et Nicolas Bay, ce que Claire O'Petit a toujours nié. "Gilbert est un copain des 'Grandes Gueules', il m'a invitée à déjeuner. Là-dessus, Nicolas Bay est arrivé inopinément, mais jamais nous n'avons parlé d'investiture", se défend la retraitée auprès du Parisien.

Je n'ai jamais été adhérente, sympathisante, ni voté FN. C'est contre mes idées.

Claire O'Petit

dans "L'Impartial"

A présent, sa faconde détonne au milieu des discours plutôt sages des députés LREM. A tel point que Claire O'Petit se fait déjà surnommer "la Nadine Morano du quinquennat Macron". Depuis le couac sur les APL, un certain malaise semble même s'être installé au sein du parti. Contacté par franceinfo en juillet, le cabinet de Claire O'Petit fait savoir que "compte tenu de la polémique suscitée par ses propos sur les réseaux sociaux, Claire O'Petit ne répond plus aux sollicitations des médias pour le moment". Quant à La République en marche, elle n'avait pas répondu à nos sollicitations en juillet.

"Bizutage politique"

Les multiples coups de gueule de Claire O'Petit ont rythmé sa vie. Au début des années 2000, c'est déjà un coup d'éclat qui la fait sortir de l'ombre, lorsqu'elle prend la tête d'un mouvement de fronde des commerçants contre la municipalité communiste de Saint-Denis. RMC la repère alors qu'elle donne régulièrement son point de vue au standard des "Grandes Gueules".

Fille d'une mère sympathisante de la CGT, Claire O'Petit envisageait d’abord de devenir coiffeuse. Finalement, sa verve lui ouvre la voie du commerce. Diplômée d'un CAP de couture, elle exerce une foule de métiers jusqu'à sa retraite : ambulancière, responsable commerciale dans le paramédical, toiletteuse pour chiens, vendeuse de lingerie fine, représentante ou encore démonstratrice de robots ménagers. Cette native d'Epinay-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, est une touche-à-tout.

Son action au sein d’un "collectif de commerçants et d'artisans au niveau national" lui vaut même d'être faite chevalière de l'ordre national du Mérite, selon France Bleu Normandie. Pourtant, le 30 mai 2017, RTL rapporte que la commerçante aurait été condamnée en 2016 par le tribunal de commerce de Bobigny "à cinq ans d’interdiction de diriger toute entreprise commerciale ou artisanale". Une décision qui ferait suite, selon la radio, à la "liquidation judiciaire de son entreprise de défense des commerces de proximité", pour "faute de gestion", notamment.

"Je n'ai jamais été condamnée de façon définitive à une interdiction de gérer", réagit la principale intéressée. "Une procédure d'appel est en cours. Je tiens à préciser que je suis la demandeuse initiale dans cette procédure judiciaire", assure-t-elle dans un communiqué cité par L'Impartial

Pour pouvoir être investis dans leur circonscription, tous les députés En marche ! doivent convaincre la CNI de leur "probité". A la suite des révélations de RTL, Claire O'Petit dénonce "une forme de bizutage politique". Elle soupçonne des "adversaires inquiets" de vouloir lui mettre des bâtons dans les roues. 

"On a entendu ce qu’elle avait à dire"

Deux mois plus tard, sur les bancs de l'Assemblée, Claire O'Petit a rejoint la commission des affaires culturelles et de l'éducation. Depuis sa saillie sur les APL, son franc-parler n'est pas passé inaperçu au Palais-Bourbon. Mais la députée novice semble pouvoir compter sur la solidarité de ses collègues, pour tuer dans l'œuf tout début de polémique.

"Errare humanum est [l'erreur est humaine]", tempère ainsi Joachim Son-Forget, député LREM des Français de l’étranger, qui incite journalistes et commentateurs politiques à retrouver le "cheminement d’idées [de Claire O’Petit] pour tordre le cou au micro-buzz". 

Membre de la même commission parlementaire que Claire O'Petit, le député de la 9e circonscription des Hauts-de-Seine, Thierry Solère (LR "constructif"), ajoute : "Au moins, on ne peut pas lui enlever quelque chose : (…)  on a entendu ce qu’elle avait à dire." Et ce n'est certainement pas la dernière fois.

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