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Remaniement du gouvernement d'Elisabeth Borne : après la nomination de Gabriel Attal à l'Education nationale, les syndicats craignent le retour à l'ère Blanquer

L'arrivée de l'ex-ministre délégué chargé des Comptes publics, en remplacement de Pap Ndiaye, survient à moins de deux mois de la rentrée scolaire.
Article rédigé par Lucie Beaugé, franceinfo
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Temps de lecture : 6min
Gabriel Attal, nouveau ministre de l'Education nationale, jusqu'alors ministre délégué chargé des Comptes publics, au palais de l'Elysée à Paris, le 19 juillet 2023. (BERTRAND GUAY / AFP)

Pour qu'une rumeur soit crue, encore faut-il qu'elle soit crédible. Celle de la nomination de Gabriel Attal à la tête du ministère de l'Education nationale, en remplacement de Pap Ndiaye, n'avait pas suscité grand étonnement. Elle a été officialisée, jeudi 20 juillet, à l'occasion du remaniement du gouvernement d'Elisabeth Borne.

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Il faut dire que le désormais ex-ministre délégué chargé des Comptes publics fait figure, à 34 ans, de meilleur élève de la macronie. Gabriel Attal a très tôt soutenu Emmanuel Macron. Il a fait campagne pour lui, lors de la présidentielle de 2017. Elu député dans les Hauts-de-Seine cette année-là, puis réélu cinq ans plus tard, il n'a que très peu exercé son mandat et très vite rejoint le gouvernement.

Porte-parole du gouvernement de Jean Castex pendant la crise du Covid-19, dépêché sur les plateaux télévisés durant la séquence tumultueuse de la réforme des retraites, il a affronté plus d'une tempête. Une nouvelle mission tumultueuse l'attend à présent : reconstruire brique par brique la confiance avec les syndicats enseignants, abîmée au cours de ce second quinquennat par l'annonce du pacte enseignant

"On s'attend à un ministre omniprésent"

Pour relever ce défi, Gabriel Attal va devoir se montrer à l'écoute de la profession et s'imposer rue de Grenelle. Là où Jean-Michel Blanquer s'est attiré les foudres du corps enseignant et où Pap Ndiaye n'a pas réussi à imprimer sa marque. "Va-t-il accompagner l'effondrement de l'éducation ou aura-t-il le poids politique face à Emmanuel Macron pour changer le cours des choses ?", s'interroge auprès de franceinfo Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU. Du côté du syndicat SE-Unsa, on veut croire à cette seconde option. "Parce qu'il a l'oreille du président, il saura peut-être lui faire entendre que certains choix ne sont pas les meilleurs", espère le secrétaire national Jérôme Fournier. Fatna Seghrouchni, co-secrétaire fédérale de Sud-Education, elle, est convaincue que le nouveau ministre "appliquera à la lettre ce que lui demandera Emmanuel Macron".

Gabriel Attal et Jean-Michel Blanquer posent avec des volontaires du Service national universel (SNU), à la fin du défilé militaire sur l'avenue des Champs-Elysées à Paris, le 14 juillet 2019. (LUDOVIC MARIN / POOL / AFP)

    Gabriel Attal a déjà l'expérience du ministère de l'Education nationale. Entre 2018 et 2020, l'ex-député des Hauts-de-Seine a été secrétaire d'Etat auprès de Jean-Michel Blanquer. Son retour sur les bancs de l'école ravive donc des souvenirs amers. "On va retrouver le ton et le style Blanquer après une pause d'un an", redoute Fatna Seghrouchni. "On s'attend à un ministre omniprésent, voulant tout diriger, à l'image de l'ancien ministre", abonde Guislaine David, co-secrétaire générale du Snuipp-FSU.

    Sous l'ère Blanquer, Gabriel Attal a aussi lancé, en 2019, le Service national universel (SNU). Promesse d'Emmanuel Macron, ce projet controversé doit franchir en mars 2024 une nouvelle étape. Il sera intégré au temps scolaire, avec un stage de 12 jours pour les lycéens de seconde volontaires. Une initiative critiquée par la communauté éducative depuis son origine. Après les émeutes qui ont suivi la mort de Nahel, en juin, lors d'un contrôle de police à Nanterre (Hauts-de-Seine), Gabriel Attal n'a pas hésité à promouvoir de nouveau le SNU. "C'est précisément la réaffirmation de l'autorité de l'Etat, la formation aux droits et devoirs dès le plus jeune âge et le respect des représentants de l'Etat", a-t-il affirmé dans une interview au Figaro. 

    Un "changement radical" tout près de la rentrée

    A l'inverse de Pap Ndiaye, historien de formation sans expérience en politique, un choix plus traditionnel a été opéré, en optant pour un profil très politique. Pour Guislaine David, sa nomination est synonyme de "changement radical de personnage". "Pap Ndiaye avait des grands principes, même s'il n'y connaissait pas grand-chose sur l'Education nationale", estime cette représentante syndicale. "C'est le départ d'un ministre qui n'aura pas pu, pas su peser comme il le fallait", constate Sophie Vénétitay. Pour autant, il a tenu un "engagement clair" sur les questions LGBT+, de racisme et de harcèlement scolaire, ce que Fatna Seghrouchni craint de ne pas retrouver chez Gabriel Attal. "Malgré nos divergences sur les conditions de travail, Pap Ndiaye aura été un vrai souffle", admet-elle.  

    Alors que la rentrée scolaire a lieu le 4 septembre, Gabriel Attal n'a que 45 jours pour plancher sur sa nouvelle matière. "Une rentrée, c'est comme une fusée qui part, c'est énormément de choses à préparer", déclarait il y a trois semaines à franceinfo le cabinet de Pap Ndiaye. Un changement de ministre à moins de deux mois de cette échéance, "ce n'est pas le meilleur signe dans le calendrier, car il prend ses fonctions pendant les vacances", estime Jérôme Fournier. "L'administration va se mettre en sommeil durant les quinze premiers jours d'août. Il se passera donc en septembre ce que le ministre actuel aura préparé", redoute le secrétaire national SE-Unsa, qui ajoute que, dans tous les cas, "une rentrée se prépare de janvier à juin". La circulaire de rentrée, qui planifie les priorités d'une année scolaire, a d'ailleurs déjà été publiée début juillet.

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