Education nationale : la laborieuse année de Pap Ndiaye, un ministre critiqué de toutes parts
Qui est vraiment Pap Ndiaye ? Le ministre de l'Education nationale a beau s'être installé rue de Grenelle depuis maintenant un an, son nom reste toujours peu connu du grand public, habitué aux prises de position tranchées de Jean-Michel Blanquer. Avec son prédécesseur, l'universitaire ne partage pas grand-chose, hormis peut-être Jean-Marc Huart, directeur général de l'enseignement scolaire avant d'être imposé à Pap Ndiaye comme directeur de cabinet.
Les critiques contre Pap Ndiaye viennent tant des syndicats de professeurs et des associations de parents d'élèves que d'une partie de la majorité. A l'heure où les rumeurs de remaniement s'intensifient, la question de son maintien au gouvernement se pose, confient plusieurs sources à franceinfo.
Tout avait pourtant commencé par une promesse, en mai 2022. L'éducation nationale, l'une des priorités du second quinquennat d'Emmanuel Macron, ne serait plus dirigée par un ministre clivant, qui s'était mis à dos tout le corps enseignant. Exit Jean-Michel Blanquer, voici Pap Ndiaye, 56 ans, universitaire spécialiste des migrations, au tempérament plus conciliant. Néanmoins, son installation rue de Grenelle se fait dans l'adversité, plus que pour n'importe quel autre ministre. L'extrême droite se déchaîne, le qualifiant notamment de "militant racialiste" et d"immigrationniste".
"Il est incapable de décrocher un mot"
Au sein de l'exécutif, l'affaire n'est guère plus simple, à cause d'une omniprésence du couple présidentiel sur le thème de l'éducation. Quand ce n'est pas Emmanuel Macron qui vole la vedette au ministre lors des déplacements, en s'arrogeant les annonces, c'est Brigitte Macron qui se prononce publiquement en faveur de l'uniforme à l'école, une position contraire à celle de Pap Ndiaye. Pris dans cette tenaille, cette personnalité issue de la société civile rencontre des difficultés pour s'affirmer. Avec les parlementaires de la majorité, l'affaire s'avère également compliquée. "Il est terrorisé à l'idée de venir dans l'hémicycle, c'est un problème", alerte en février une députée influente de la majorité. Elle est rejointe par une de ses collègues : "Les nouveaux ministres sont en dessous de tout. Pap Ndiaye est incapable de décrocher un mot."
Nombre d'observateurs louent pourtant un apaisement des relations entre l'Education nationale, les enseignants et les parents d'élèves. "En matière de méthode, il est très apprécié", défend une députée Renaissance pourtant peu amène envers les nouvelles figures du gouvernement Borne. Mais certains choix ne passent pas. Début mai, Pap Ndiaye déclare que les professeurs des 80 filières professionnelles bientôt supprimées pourront se reconvertir en enseignants de collège ou d'école primaire. "C'est une déconsidération du métier, on considère donc qu'on est juste là pour occuper les élèves", peste auprès de BFMTV Guislaine David, du Snuipp-FSU.
Le ministre de l'Education nationale a aussi raté une occasion de s'imposer avec une politique ambitieuse en matière de mixité scolaire, l'un de ses chevaux de bataille à son arrivée en fonction. Repoussé plusieurs fois, puis annoncé en catimini, son plan a été critiqué pour son manque d'ampleur dans le secteur public. Le privé a quant à lui signé un protocole peu contraignant, mi-mai, bien loin des velléités de départ.
Une réponse jugée insuffisante face au harcèlement scolaire
Récemment, une autre séquence a illustré les difficultés du ministre rue de Grenelle. Alors que Pap Ndiaye a rencontré les parents de Lindsay, adolescente qui s'est suicidée après avoir été victime de harcèlement, ceux-ci ont critiqué le ministre. "Je n'ai pas trouvé le ministre sincère, j'attendais que les choses bougent, j'attendais des actes", a regretté la mère de la jeune fille. Deux jours plus tard, Brigitte Macron a à son tour reçu les parents "J'ai été écoutée", a cette fois confié Betty Gervois. "Emmanuel savait que Brigitte rattraperait le coup", décrypte une proche du couple présidentiel.
Dans la foulée de ce drame, Pap Ndiaye a annoncé une "heure de sensibilisation" sur la thématique "harcèlement et réseaux sociaux", la semaine dernière. Une heure "bien en deçà des besoins", qui "ne s'improvise pas" : l'initiative a laissé les parents d'élèves et les professeurs sceptiques, en pleine période de révisions du brevet. Ainsi s'est achevée la laborieuse première année du ministre Pap Ndiaye au ministère de l'Education nationale. "Nous aurons une rentrée 2023 qui sera meilleure que la rentrée 2022", a-t-il promis, fin mai, en dépit du manque latent d'enseignants. Sera-t-il encore là pour le retour en classe ?
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