Sénatoriales : "un basculement à gauche est possible mais... pas probable"
Pour la première fois sous la Ve République, le Sénat va-t-il se teinter de rose ? La réponse appartient aux "grands électeurs" qui doivent renouveler la moitié de la Haute Assemblée, dimanche. L'issue du scrutin pourrait se jouer à quelques voix.
Mécaniquement possible, la victoire de la gauche n'est cependant pas probable, selon Jean Garrigues, professeur d'histoire politique à l'université d'Orléans et président du Comité d'histoire parlementaire et politique.
Point de la situation avec ce spécialiste des institutions.
Le Sénat peut-il basculer à gauche ?
J.G. La victoire est possible car il y a une dynamique de gauche. 95% des grands électeurs sont des conseillers municipaux. A priori, la poussée de la gauche dans les conseils municipaux devrait donc se traduire par une poussée au niveau du Sénat.
En revanche, quelques départements pourraient passer à droite, notamment le Morbihan et le Loiret. Il faut aussi prendre en compte la sensibilité presque traditionnelle des grands électeurs qui restent encore majoritairement les représentants de zones rurales et ont plutôt un tropisme de droite.
Le pronostic est donc difficile à faire mais il y a aura certainement une poussée de la gauche.
Sera-t-elle suffisante pour assurer une présidence de gauche au Sénat?
J.G. Il faudrait que cette poussée soit d'au moins une vingtaine de sièges de sénateurs sur les 170 sièges à pouvoir.
Selon les observateurs, cela risque d'être un peu difficile d'autant qu'en cas de courte majorité, les frontières politiques sont tellement poreuses au Sénat, notamment dans les deux groupes du centre - l'Union centriste (UC) et le Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) - que des alliances et des transferts vers le groupe l'UMP sont tout à fait possibles.
En résumé, un basculement à gauche est possible mais en réalité, ce n'est pas probable.
Si la gauche l'emportait, quels seraient les effets sur le fonctionnement du Sénat ?
J.G. Dans l'immédiat, je ne pense pas que cela aurait un impact fondamental.
Un Sénat dans l'opposition face à un gouvernement et une Assemblée nationale majoritaire, cela s'est déjà vu. Entre 1962 et 1969, la Haute Chambre était dans l'opposition au général de Gaulle notamment au moment de la réforme sur la Constitution. Le président du Sénat, Gaston Monnerville, était alors à la tête de la fronde anti-gaulliste (alliance de la gauche et du centre, ndlr).
Sous les présidences de François Mitterrand et hors période de cohabitation, on a eu un Sénat de droite face à une Assemblée nationale et un exécutif de gauche générant des "affrontements" comme en 1984 avec la loi Savary.
En dépit de ces "affrontements", le Sénat n'a pas les moyens de déstabiliser fondamentalement le fonctionnement des institutions, le dernier mot législatif revenant toujours à l'Assemblée nationale.
En revanche, à plus long terme, la sensibilité des sénateurs de gauche qui veulent modifier le mode d'élection au Sénat, voire modifier un certain nombre de ses prérogatives et plus de transparence des comptes de la présidence et des comptes sénatoriaux, serait mieux portée.
Si la gauche l'emportait, les partisans de telles évolutions seraient majoritaires rendant donc possible une véritable réforme du Sénat dans la mesure ou celle-ci n'est possible qu'avec son accord.
Faut-il modifier les régles électives du Sénat ?
J. G. Une révision du mode de scrutin s'impose. Cela a déjà été le cas en 2003 avec les évolutions en direction du scrutin proportionnel.
Que le Sénat ait sa spécificité territoriale vis-à-vis de l'Assemblée nationale, dont les représentants sont censés être individuellement les représentants de la nation, est une bonne chose.
Le Sénat est un contrepoids nécessaire à condition de réformer son mode de scrutin pour le légitimer sur le plan politique et institutionnel.
Quels effets auront les sénatoriales sur la présidentielle ?
J. G. Avec près de 71.000 votants représentant les territoires (grands électeurs, ndlr), on a une sorte de sondage grandeur nature.
Les résultats seront donc un indicateur soit de la remontée de Nicolas Sarkozy, soit au contraire, la confirmation de sa disgrâce si la gauche l'emporte.
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