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Pourquoi Nicolas Sarkozy fait-il du référendum son nouveau cheval de bataille ?

Retour au gaullisme, manière de soigner son lien avec les Français... Ce n'est pas un hasard si l'ex-président met en avant cette forme de démocratie directe.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Nicolas Sarkozy dans un bureau de vote, pour le premier tour des élections municipales, le 23 mars 2014, à Paris. (ERIC FEFERBERG / AFP)

C'est une des idées les plus marquantes de son intervention de dimanche soir. "Je crois qu’il est temps de réintroduire le référendum", a expliqué Nicolas Sarkozy, le 21 septembre, dans son interview au journal de 20 heures de France 2, deux jours après l'annonce de son retour en politique.

En 2012, déjà, Nicolas Sarkozy en faisait une idée centrale de son projet électoral durant la présidentielle, alors qu'il n'a jamais fait appel à cette mesure durant ses cinq années à l'Elysée. Rue 89 rappelle d'ailleurs que durant la campagne de 2007, quand il faisait face à Ségolène Royal, il avait exprimé sans détour son rejet de la démocratie participative, qu'il qualifiait de "forme ultime de la démagogie".

Comment expliquer alors que le référendum soit devenu sa solution miracle pour réconcilier les Français avec la politique ? Tour d'horizon des raisons, entre sens de l'histoire, stratégie politique et constat d'une demande des électeurs.

Parce qu'il se place ainsi au-dessus de la mêlée

Si le référendum revient à la mode aujourd'hui, il n'est pas étranger à la Ve République, bien au contraire. Comme l'explique Luc Rouban, directeur de recherches au CNRS, "la pratique référendaire fait partie de l'essence de la Ve République depuis son origine". Face aux blocages du Parlement qui ont provoqué l'échec de la IVe République, l'appel au peuple – qui existait déjà, mais n'était pas entré dans les mœurs – apparaissait alors comme un recours. En faisant du référendum le cœur de son nouveau projet, Sarkozy "se recentre sur les racines de la Ve et le gaullisme historique." Créateur de ces institutions, Charles de Gaulle reste le chef de l'Etat qui a le plus utilisé les référendums, jusqu'à ce que son échec lors de l'un d'eux – qui portait sur la régionalisation et la réforme du Sénat, en 1969 – provoque son départ.

Pour Luc Rouban, la situation politique actuelle rappelle, notamment dans "le poids des affaires internes aux partis dans la politique menée depuis 2012", celle de la IVe République (1946-1958). Le référendum apparaît donc autant comme une réponse adaptée que comme un moyen de se placer dans les pas de son illustre prédécesseur, Charles de Gaulle. Mais il "se rapproche aussi du Sarkozy de 2006-2007, qui avait la volonté de contourner les élites traditionnelles" – les hauts fonctionnaires, les corps intermédiaires – qui faisaient obstacle à son envie de parler directement aux Français. Avec cette mise en avant du référendum, "il donne l'impression de vouloir revenir à une forme de pouvoir un peu bonapartiste, très personnalisée et associée à un soutien populaire fort." "Cohérent", estime Luc Rouban, avec l'ambition de créer un rassemblement "dépassant les clivages traditionnels", comme l'expliquait Nicolas Sarkozy dans son message sur Facebook, vendredi.

Parce qu'il veut réconcilier les Français avec la politique

S'employant à dresser un constat très sombre de la situation de la France en 2014, Nicolas Sarkozy a insisté sur un point : cette "marée inexorable" du désespoir qui monterait chez des Français en colère contre "tout ce qui touche de près ou de loin à la politique", des Français tentés "de ne plus croire en rien ni en personne". Une atmosphère qui ne ferait qu'un gagnant : le Front national. Le référendum apparaît donc à Luc Rouban comme la stratégie de Sarkozy pour "sortir de cette crise de confiance", en redonnant la parole et un rôle politique aux électeurs.

Pour autant, le référendum n'est pas une solution miracle. "C'est un système parfait pour poser des questions simples et claires. Dès que l'on aborde des sujets complexes, comme l'euthanasie, il faut faire attention à ne pas tomber dans des argumentaires populistes", concède Luc Rouban. L'article 11 de la Constitution restreint d'ailleurs le référendum à un certain nombre de sujets : "l'organisation des pouvoirs publics", "les services publics", "la politique économique, sociale ou environnementale" et les traités. Impossible, selon les spécialistes du droit constitutionnel, d'organiser un référendum sur un sujet de société comme le mariage pour tous, comme le réclamaient les opposants au projet de loi. Autre problème : la fâcheuse tendance des Français à transformer les référendums en votes "pour ou contre" le gouvernement au pouvoir, ce qui rend l'exercice périlleux et moins légitime.

Pour couper l'herbe sous le pied de ses rivaux

Le vice-président du Front national, Louis Aliot, s'en est agacé dimanche soir sur Twitter : le recours au référendum "sur tous les grands sujets" fait partie des propositions phares de son parti. "C'est une façon de couper l'herbe sous le pied de Marine Le Pen" analyse Luc Rouban. "Le populisme du FN est aussi une façon d'exploiter le sentiment de mise à l'écart" pointé par Nicolas Sarkozy.

Le créneau du référendum est également occupé au sein de l'UMP. D'abord par un possible adversaire pour l'investiture en 2017, Xavier Bertrand, qui le réclame notamment sur la réforme territoriale. Mais surtout par son principal rival, Alain Juppé. "En tant que gaulliste, comment ne serais-je pas d'accord pour que les Français soient consultés directement sur quelque chose qui remet en cause complètement la structuration de la France ?" répondait-il, en mai dernier sur RTL, à propos, lui aussi, de la réforme territoriale. Sarkozy marche aujourd'hui sur ses plates-bandes. Et pourrait bien réussir, estime Luc Rouban, "à démagnétiser", en une seule proposition, "aussi bien Juppé que Le Pen."

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