Une liste "anti-sioniste" déposée aux Européennes
Qu'une formation politique française se lance dans une campagne électorale officielle sur l'unique thème de l'influence “sioniste” dans la société française, la chose ne s'était pas vue depuis la seconde guerre mondiale.
Dieudonné a déposé officiellement cet après-midi au ministère de l'Intérieur sa liste “anti-sioniste” au scrutin européen de juin. Il était entouré de ses co-listiers, Yahia Gouasmi, président d'un parti anti-sioniste jusqu'ici inconnu et Alain Soral, essayiste et ancien du Front National. Un dispositif policier avait été mis en place pour les accueillir.
Avec cette liste, Dieudonné franchit un nouveau pas, et ressuscite de plus en plus clairement une rhétorique que le second conflit mondial et ses dizaines de millions de morts avaient interdit de séjour sur la place publique.
_ Jusqu'à présent, il avait décliné le créneau de “l'anti-sionisme” au sein d'autres formations plus larges, notamment par son rapprochement avec le Front National. Aux dernières élections européennes en 2004, il avait présenté une liste Euro-Palestine.
Un programme qui avance masqué
Ancré sur le conflit israélo-palestinien, cet “anti-sionisme” visait - et vise encore - la politique et le comportement d'Israël au Proche-Orient. Mais de plus en plus, “l'anti-sionisme” à la sauce Dieudonné largue les amarres et vient se placer dans le débat franco-français. Ainsi, ce n'est plus en priorité les débordements et les déchirures de la guerre au Proche-Orient qui sont visés mais l'influence d'un supposé lobby sioniste au sein de la société française même : “le sionisme a gangréné notre société. Il gère les médias, il gère l'éducation de nos enfants, il gère le gouvernement et tout cela pour l'intérêt de l'étranger”, affirmait Yahia Gouasmi, aux côtés de Dieudonné, fin avril lors du lancement de la liste.
En septembre 1941, le régime de Vichy organisait à Paris avec la bénédiction de l'envahisseur nazi, l'exposition “le Juif et la France”. Elle était censée montrer, comme le disait un commentateur de l'époque, que “tous les postes de commande de la maison France se trouvaient entre les mains des Juifs”. “La chevalerie est arrivée pour stopper ce sionisme qui gangrène notre pays”, dit aujourd'hui Yahia Gouasmi, comme un écho, mais en évitant soigneusement d'utiliser publiquement le terme de “juif”.
Car Dieudonné et ses amis continuent à rejeter les accusations d'antisémisme qui fusent contre eux, et les discréditeraient.
_ Le parti anti-sioniste affiche d'ailleurs des vidéos, réalisées par le “centre Zahra”, de rabbins qui appellent à voter pour lui. Elles encadrent le programme du parti. Ce texte appelle entre autres à “ éradiquer toutes les formes de Sionisme dans la Nation ”, ou à “libérer notre état, notre gouvernement et nos institutions de la main mise et de la pression des organisations sionistes”. Un programme qui se garde bien de dire comment il compte faire le tri entre les “bons juifs” et les “mauvais sionistes”.
Grégoire Lecalot, avec agences
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