"Pour Breivik, le jeu vidéo est devenu un outil de simulation pure"
L'auteur des attentats de juillet en Norvège a dit à ses juges s'être préparé "mentalement" en se consacrant une année entière aux jeux vidéo. Un psychanalyste spécialiste des mondes numériques réagit.
Anders Behring Breivik a déclaré, jeudi 19 avril devant ses juges, qu'il s'était préparé "mentalement" à son carnage en se consacrant une année entière aux jeux de rôle virtuels et aux simulations de tir. Depuis le début de la semaine, le Norvégien comparaît pour avoir tué 77 personnes, à Oslo et Utoya, en juillet.
Ces dernières déclarations ont de quoi donner de nouveaux arguments aux pourfendeurs des jeux vidéo. Et agacer Michael Stora. Psychanalyste et spécialiste des mondes numériques, il a créé un atelier vidéo à Pantin (Seine-Saint-Denis) pour aider les jeunes en difficulté. Il répond aux questions de FTVi.
FTVi : Que pensez-vous de l'affirmation de Breivik selon laquelle il s'est isolé pendant un an pour se consacrer au jeu de rôle en ligne World of Warcraft (WoW) ?
Michael Stora : Il avait expliqué, dans son manifeste, qu'il disait à ses proches être accro à WoW pour qu'ils ne se montrent pas trop curieux à son égard. C'est d'ailleurs un conseil qu'il donne : se faire passer pour un no life [quelqu'un qui vit dans l'isolement] pour opérer tranquillement. En fait, je pense que Breivik n'est pas capable de jouer, il ne prend pas de plaisir. Avec lui, le jeu vidéo devient un outil de simulation pure, qui lui permet d'établir des stratégies. Il en a un usage fonctionnel, dicté par une violence interne, préexistante.
Lors des tueries de Toulouse et Montauban, le candidat à la présidentielle Jacques Cheminade a déclaré que "très souvent, ces meurtres de masse sont associés à des jeux violents"...
Il est courant de nourrir la diabolisation en trouvant un objet qui permette d'expliquer ce qu'on ne comprend pas. Mais les gens ont oublié que l'aire du jeu constitue un espace de pulsion agressive. Les enfants ont toujours aimé jouer à la guerre, se taper parfois. Paradoxalement, les jeux vidéo permettent une catharsis de cette violence, une diminution du niveau de tension et d’angoisse qu’on a en soi.
Que répondez-vous à ceux qui font le lien entre des tueries et les jeux vidéo ?
Je réponds que cela revient à faire l'économie d'une réflexion plus profonde, par exemple sur le contexte socio-affectif qui entoure les personnes violentes. J'ai travaillé avec des jeunes qui vivaient dans des familles où les limites n'existaient plus et qui avaient des comportements violents. Eh bien, j'ai pu les soigner avec des jeux vidéo, car il y a beaucoup de règles, de limites dans les jeux. Ils apprennent qu'on ne peut pas tout avoir, tout de suite. Je trouve que ce sont les gens qui n'ont pas la capacité de jouer, comme Breivik, qui sont inquiétants.
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