Pourquoi l'intervention militaire en Syrie est presque impossible
François Hollande ne "l'exclut pas". Pourtant, il est peu probable que la communauté internationale se lance dans des opérations armées. Et encore moins que la France y aille seule.
Les sanctions se succèdent. Economiques en premier lieu. Puis diplomatiques récemment, avec notamment l'expulsion d'ambassadeurs et de représentants de la Syrie. Mais la communauté internationale ne parvient toujours pas à peser réellement dans la crise syrienne. Et si François Hollande n'a "pas exclu", mardi 29 mai, une intervention armée contre le régime de Damas, le président français cherche aussi des alternatives "pas forcément militaires". Car il est quasiment impossible d'intervenir militairement en Syrie. Pourquoi ?
• La Russie et la Chine posent leur veto
Moscou et Pékin, membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, bloquent toute intervention militaire. A deux reprises, en octobre et février, ils ont posé leur veto à des résolutions du Conseil de sécurité et ne risquent pas de changer d'avis. La Russie a beau avoir condamné le massacre de Houla du vendredi 25 mai, elle refuse de désigner son allié historique comme responsable. Elle a également condamné mercredi le renvoi "contreproductif" des diplomates syriens.
Il faut dire que les relations économiques et diplomatiques entre les deux pays sont étroites : investissements énergétiques, présence militaire stratégique, vente d'armes... Pour Moscou, intervention serait synonyme de trahison. Vladimir Poutine doit être reçu à l'Elysée vendredi 1er juin. A François Hollande d'essayer de le convaincre, au minimum, de durcir les sanctions.
Le veto de la Chine, par ailleurs allié de Moscou, trouve ses racines dans le refus de l'ingérence. Pas question pour Pékin d'autoriser la communauté internationale à s'occuper des affaires internes de la Syrie. Ce précédent risquerait d'ouvrir par la suite la porte à des opérations chez elle, pense la Chine. Depuis le début du "printemps arabe", en 2011, Pékin redoute en effet la contagion sur son propre territoire, qui a connu l'an dernier des conflits et des mouvements sociaux, sans compter les troubles avec le Tibet.
• Barack Obama n'envisage pas de solution militaire
Comme ses alliés, Barack Obama a condamné la violence du régime de Bachar Al-Assad et a expulsé les diplomates syriens aux Etats-Unis. Comme eux aussi, il est réticent à une intervention militaire. En campagne pour sa réélection en novembre, il a peu intérêt à lancer de telles opérations alors qu'il a passé une bonne partie de son mandat à gérer les conséquences des guerres en Irak et en Afghanistan, dans lesquelles les Etats-Unis restent englués.
Au sommet de l'Otan de Chicago, les 20 et 21 mai, c'est d'ailleurs le retrait des troupes d'Afghanistan qui a occupé les débats. Le conflit syrien a tout juste été évoqué.
• La France n'ira pas seule
Même sans l'aval de l'ONU, ou l'appui des Etats-Unis, la France pourrait théoriquement intervenir, au risque de rompre ses relations avec la Russie. Mais il y a peu de chance pour que le Royaume-Uni, qui s'était engagé en Libye, suive Paris une seconde fois. Et il faudrait encore une fois compter sans Berlin, qui ne voit "pas de raison de spéculer sur l'option militaire", selon un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
C'est pourtant ce que réclame l'essayiste Bernard-Henri Lévy, qui estime qu'"une opération internationale qui consisterait à arrêter les avions de la mort (...) et les chars pourvoyeurs de mort (...) est souhaitable et possible".
Mais François Hollande a précisé mardi soir qu'une opération militaire ne pourrait se faire qu'en accord avec le droit international, et donc l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU. Retour à la case départ.
Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a quant à lui affirmé dans un entretien au Monde : "L’armée syrienne est puissante. Aucun Etat n’est prêt à envisager aujourd’hui une opération terrestre." Ses forces militaires rassemblent 500 000 hommes, et 90% de ses officiers sont alaouites, comme le président Al-Assad, ce qui empêche de compter sur des "désertions massives", d'après Barak Barfi, chercheur à la New American Foundation, interrogé par Le Figaro.
• "La Syrie n'est pas la Libye"
Si le parallèle Syrie-Libye apparaît facile à faire, les situations des deux pays se révèlent très différentes et expliquent certaines réticences des alliés. Les bombardements aériens utilisés contre Tripoli seraient plus délicats en Syrie, où la densité de la population est forte, rappelle Le Figaro. "Le risque de tuer des civils serait d'autant plus élevé que la Syrie est dotée de missiles anti-aériens russes qui obligeraient les avions à tirer d'encore plus haut et donc de manière encore moins précise", explique le spécialiste de la Syrie Fabrice Balanche au quotidien.
De plus, le colonel Kadhafi était isolé, donc "sa chute ne pouvait guère susciter de déstabilisation régionale", selon le chroniqueur géopolitique Bernard Guetta sur France Inter. Ce n'est pas le cas du régime de Bachar Al-Assad, soutenu par l'Iran de Mahmoud Ahmadinejad, et l'Irak, majoritairement chiite (comme Bachar Al-Assad). Le risque de contagion régional est donc énorme. Le conflit a d'ailleurs déjà passé la frontière syro-libanaise et "le pouvoir syrien n’a qu’un bouton à presser pour mettre le Liban à feu et à sang en s’appuyant sur ses alliés du Hezbollah [mouvement politique chiite]", analyse Bernard Guetta.
Enfin, "contrairement à l'Irak et à la Libye, il y a peu de pétrole en Syrie", explique Fabrice Balanche au Figaro. Les mauvais esprits diront que le jeu n'en vaut pas la chandelle.
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