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Procès Kerviel : un témoin clé pour la défense à la barre

PARIS - Un témoin de dernière minute s'est présenté à la cour d'appel de Paris, où Jérôme Kerviel est jugé. Les avocats de l'ancien trader misent beaucoup sur son témoignage, mais ceux de la Société générale auraient déjà préparé la riposte.

Article rédigé par franceinfo
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L'ancien trader Jérôme Kerviel (au centre) arrive à son procès, avec son avocat David Koubbi (à gauche), le 6 juin 2012 à Paris. (MARTIN BUREAU / AFP)

Les avocats de Jérôme Kerviel ont présenté un témoin de dernière minute jeudi 14 juin à la cour d'appel de Paris, où l'ancien trader est jugé pour avoir infligé une perte record de 4,9 milliards d'euros, en 2008, à la Société générale. Ils comptent sur son témoignage pour faire pencher la balance en faveur de leur client, mais la défense de la banque aurait déjà préparé la riposte.

• Qui est ce témoin surprise ?

Il s'appelle Philippe Houbé, il a 55 ans et il est chargé de compte au sein de la société de courtage Newedge (ex-Fimat), une filiale de la Société générale. "Il y a quelques semaines, il a contacté David Koubbi, l’avocat de Jérôme Kerviel", raconte Libération, qui a recueilli son témoignage et l'a publié mardi 12 juin. Selon le quotidien, l'homme "sait que sa venue à la barre risque de lui valoir un licenciement". Philippe Houbé, en procédure de divorce depuis quatre ans, avec deux enfants à charge, a donc longtemps attendu avant de sortir du silence.

Il travaille depuis 1993 pour Newedge, filiale qui "sert de courroie de transmission entre la Société générale et les différentes Bourses". Jeudi, face à Mireille Filippini, présidente de la cour d'appel de Paris, il a répété qu'il avait donc accès "à toutes les opérations de Kerviel, enregistrées sous le compte SF 581". 

• Que dit-il ?

"C'est un cas de conscience... J'ai connu l'injustice, je sais ce que c'est", a déclaré Philippe Houbé avant d'attaquer son entreprise, sans mâcher ses mots. Il a accusé sans les nommer des dirigeants de la Société générale d'avoir "sali" l'entreprise "pour défendre leurs privilèges et garder leur poste". Pour lui, l'exposition de l'affaire Kerviel "insulte la profession, le bon sens et la justice". "C'est ce qui m'a déterminé" à venir témoigner, a-t-il déclaré.

La banque veut imputer la fraude à un seul traderJérôme Kerviel. Mais pour Philippe Houbé, il est "impossible" que la hiérarchie n'ait rien vu de ses prises de positions massives. "On veut nous faire croire que la Société générale gagnait des milliards sans s'en rendre compte", a-t-il affirmé à plusieurs reprises pendant l'audience. "Mais il est techniquement impossible que des bidouillages d'amateur aient suffi à dissimuler des fraudes pendant un an."

Philippe Houbé a assuré avoir vu des mouvements anormaux au moment où la Société générale a commencé à se débarrasser de 49 milliards d'euros de positions trop risquées. Selon lui, la banque a alourdi la perte imputée à Jérôme Kerviel, pour alléger ses propres pertes dues aux subprimes.

"Pourquoi la Société générale aurait-elle su et laissé faire Jérôme Kerviel ?" lui a demandé la présidente de la cour. "C'est à eux qu'il faut poser la question", a-t-il rétorqué, avant de s'adoucir pour répondre que "ce ne sont pas tous les opérateurs qui rapportent un milliard et demi d'euros en une année".

• Que réplique la Société générale ?

"La Société générale a soigneusement préparé sa riposte", affirme Le Figaro. Selon les informations recueillies par le journal, les avocats de la banque ont remis, mercredi 13 juin, "une note de 28 pages à la cour, au ministère public et aux conseils de Jérôme Kerviel".

Jeudi, la cour n'a pas mentionné cette note, mais Claire Dumas, qui représentait la Société générale, a tenté d'expliquer, en des termes techniques et confus, que Philippe Houbé n'avait qu'une vision très parcellaire des opérations de Jérôme Kerviel. Elle a justifié des opérations "peut-être plus compliquées que d'habitude" par le "gain de temps". "Vous avez fait compliqué au lieu de faire simple afin qu'on n'y comprenne plus rien", lui a lancé Philippe Houbé.

Pendant leurs échanges faits de chiffres, de sigles et de jargon, la cour, pourtant exercée aux affaires financières, a semblé parfois perdre le fil. La présidente est en tout cas restée sceptique face au témoignage de Philippe Houbé, une démonstration de "logique et de bon sens", selon lui. Elle rendra son arrêt le 28 juin.

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