Procès Marc Machin : "Mon père a douté, ça m'a tué"
Au premier jour du procès en révision de Marc Machin, hier, des liens complexes sont apparus entre le père, policier, et le fils.
Ils portent le même prénom. Marc Machin, père et fils. Et au-delà du patronyme, ils se sont mutuellement entraînés dans leur chute. Des liens complexes sont apparus entre les deux hommes au premier jour du procès en révision - le huitième en France depuis 1945 - de Marc Machin fils, lundi 17 décembre. Le jeune homme, aujourd’hui âgé de 30 ans, est jugé pour la troisième fois devant les assises pour le meurtre de Marie-Agnès Bedot sur le pont de Neuilly en décembre 2001.
Lunettes sur le nez, costume froissé et cheveux poivre et sel, c’est avec un débit rapide et précipité que Marc Machin père, policier de profession, est venu témoigner à la barre, pour la troisième fois lui aussi. Et cette nouvelle audition a mis un peu plus en lumière le rôle ambigu de cet homme, qui fut amené à jouer le flic avec son propre fils. Interrogé par la présidente, le frêle quinquagénaire a apporté des précisions sur son intervention pendant la garde à vue de son fils les 13 et 14 décembre 2001. Et ses déclarations étayent la thèse de pressions psychologiques sur celui qui fait alors figure de suspect numéro 1.
"Est-ce que c'est toi qui a fait ça ?"
Quand il voit débarquer des "collègues" de la crim’, il se demande quelles "conneries" a encore fait son fils, alors âgé de 19 ans. Autour d’un café, il apprend qu’il est question d’une agression sur le pont de Neuilly, pas plus. Le lendemain, il se rend au 36 quai des Orfèvres, pour rencontrer son fils. Entre-temps, il a découvert qu’il s’agissait d’un "homicide". Comment, par qui, l’interroge la présidente ? Il ne sait plus, mais "dans la maison, tout se sait très vite". Il va alors poser la question à son fils : "Est-ce que c’est toi qui a fait ça ?" En larmes, Marc Machin lui répond, selon lui : "Papa, je ne t’ai jamais menti, ce n’est pas moi." Le jeune homme demande aussitôt à regagner sa cellule, secoué.
Avec "le recul", Marc Machin père y va sans détour : "Si je me suis rendu à la brigade criminelle à 16 heures, c’est pour le faire parler. Pour qu’il dise la vérité. Les collègues avaient peur qu’il ne parle pas avant la fin de sa garde à vue." Il poursuit, sous le regard atterré de son fils derrière lui : "J’ai dû le blesser en lui posant cette question. (...) Mais je suis avant tout fonctionnaire de police et père ou pas, je ne lui aurais pas pardonné un tel crime."
Un revirement juste après les aveux
"Est-ce que vous avez réfléchi à la situation psychologique dans laquelle vous avez placé votre fils ?", lui demande Louis Balling, l'avocat de ce dernier. "Pas du tout", admet le "paternel". "Les deux personnes qui ont compté pour Marc, sa mère et sa grand-mère, sont mortes, reprend le conseil. Qui lui reste-t-il comme proche ?" "Son papa", répond, tête baissée, celui qui a peut-être précipité les aveux de son garçon.
Marc Machin père se rend une deuxième fois au 36 quai des Orfèvres, vers 1 heure du matin. Son fils vient de reconnaître le crime. Mais, pour la première fois, l'ancien policier affirme devant la cour que son fils se rétracte aussitôt devant lui, et clame son innocence. Jusqu’à présent, le revirement officiel de Marc Machin fils n’avait eu lieu que lors de son deuxième rendez-vous chez le juge d’instruction, en janvier. "Pourquoi ne l’avez-vous pas dit plus tôt ?", s’étonne l’avocate générale. "Est-ce qu’on m’a laissé parler aux assises ?, s’emporte le père. On ne me l’a jamais demandé, pourquoi l’aurais-je dit à la barre ? Je l’ai gardé pour moi, c’était une affaire de famille."
Deux vies qui basculent
Devant les magistrats interloqués, Marc Machin père se justifie ("Est-ce que cela aurait changé quelque chose dans l’affaire ? Rien !") avant de s’accabler : "C’est moi qui l’ai amené à l’échafaud, c’est ça que vous voulez entendre ? Je sens bien que cela a contribué à ça, puisque son seul repère l’abandonnait." Un peu plus tard, Marc Machin fils confirme en sanglotant ce sentiment : "Le fait que mon père, ma bouée de secours, m’interroge, qu’il se mette à douter de moi, ça m’a tué."
Car c’est bien cela dont il question, le "doute" qui s’est emparé du père face à ce qu’avait pu commettre le fils, déjà condamné pour deux agressions sexuelles. "On n’avait aucun élément, on n’avait rien, et une femme l’avait reconnu", plaide-t-il. Marc Machin père n’a pas pour autant cessé de batailler pour faire reconnaître l’innocence de son fils. Et lui a apporté un soutien sans faille en détention.
Aujourd’hui, leurs rapports sont distendus. "Marc dort chez moi depuis deux jours, précise-t-il. Mais je ne supporte plus de vivre avec personne", explique le père. Depuis le premier jour de la garde à vue de son fils, sa vie a basculé elle aussi. "Après dix-neuf ans de vie commune avec mon amie, j’ai commencé à faire chambre à part, j’ai bu, je me suis endetté, je voulais que tout le bateau coule." En retraite anticipée depuis l’âge de 50 ans, il n’aspire plus qu’à une seule chose maintenant, "être tranquille". Une fois que son fils sera acquitté.
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