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Quand un maire refusera de marier un couple homo, quels recours ?

Le projet de loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe doit être débattu début 2013 au Parlement. Certains maires affirment déjà qu'ils refuseront de marier des homosexuels. Quels seront les recours pour les couples homos ?

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Deux couples d'homosexuels participent à un mariage mis en scène par le parti Europe Ecologie-Les Verts, le 19 août 2011 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). (BERTRAND GUAY / AFP)

MARIAGE ET HOMOPARENTALITE - Le projet de loi sur l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples homosexuels n'a pas encore été examiné par l'Assemblée, mais certains maires ont déjà annoncé qu'ils ne célébreraient pas de mariages entre des personnes de même sexe. 

En évoquant, mardi 20 novembre"des possibilités de délégation élargies" pour ces élus, au nom de "la liberté de conscience", François Hollande a semblé faire un pas dans leur direction. Mais il a aussitôt suscité désarroi à gauche et colère au sein de l'Inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans), ce qui a obligé le président à revenir sur ses propos. "Il n'y aura pas de liberté de conscience dans le projet de loi sur le mariage pour tous qui sera présenté", a finalement assuré mercredi Nicolas Gougain, porte-parole de l'Inter-LGBT, à l'issue d'un entretien avec le président de la République. La ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, l'a confirmé jeudi.

Dans tous les cas, si un maire refuse de célébrer un mariage entre deux homos, cela ne signifie pas pour autant qu'un tel mariage ne pourra pas se faire. Un couple homosexuel qui serait confronté à un tel refus a plusieurs solutions.

1Un adjoint ou un conseiller municipal peut célébrer le mariage

Actuellement, le maire peut déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints, à des membres du conseil municipal, selon le Code général des collectivités territoriales. Y compris donc des membres de l'opposition. "En revanche, en aucun cas cette tâche ne peut être effectuée par un employé municipal", rappelle Le Monde.fr.

"L'une des solutions pour que les adjoints et les conseillers municipaux puissent célébrer les mariages homosexuels en bonne et due forme serait de systématiser les possibilités de délégation des maires", souligne Bertrand Mathieu, spécialiste de la Constitution française, interrogé par francetv info

2S'ils refusent, le préfet peut être saisi et obliger le maire à respecter la loi

"Quand la loi sera promulguée, si aucun membre du conseil municipal ne peut ou ne veut marier un couple homosexuel, le préfet pourra requérir le maire, qui devra alors procéder obligatoirement au mariage, explique Bertrand MathieuCar à partir du moment où le mariage des personnes du même sexe est inscrit dans la loi française, un couple doit avoir la possibilité de se marierLes maires qui refuseront seront hors-la-loi"

Dans le cas d'un refus, un citoyen pourra donc saisir le préfet de son département. Le haut fonctionnaire demandera alors au maire de procéder à l'union, au nom de la loi.

"Quand ils prononcent un mariage, les maires agissent en tant qu'officier de l'état-civil. C'est le seul domaine dans lequel ils n'ont aucune autonomie et doivent par conséquent exécuter la loi purement et simplement", confirme à francetv info Roseline Letteron, professeure de droit public à l'université Paris-Sorbonne et auteure du blog Liberté, Libertés chéries"S'ils ne le font pas, cela constitue un risque de rupture de laïcité et d'égalité. Ils peuvent donc être poursuivis", ajoute-t-elle. 

Mais pour un tel recours, une seule condition : que la loi ne comporte pas une clause de conscience. Pour l'instant, on avance dans cette direction : le chef de l'Etat a bien précisé qu'il n'y aurait "aucunement" une clause de conscience dans le projet de loi, selon les déclarations de Najat Vallaud-Belkacem jeudi. Et cette clause a peu de chance d'être ajoutée lors de l'examen du projet de loi au Parlement. Mais si la mobilisation contre l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe s'intensifie, cela peut amener François Hollande à faire à nouveau volte-face. "Dès qu'on arrive dans le dur du débat [sur le mariage pour tous], la droite est en capacité de mobiliser beaucoup plus fortement que la gauche", note ainsi Jean-Daniel Lévy de l'institut de sondage Harris Interactive, dans Libération (article réservé aux abonnés).

Dans ce cas, un maire pourrait invoquer la clause de conscience pour justifier son refus de marier un couple homo. Le problème se poserait alors comme ce fut le cas après l'adoption des lois du 17 janvier 1975 et du 31 décembre 1979 relatives à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), selon Roseline Letteron. 

En effet, une clause de conscience est inscrite dans ces lois, et permet aux médecins de refuser de pratiquer l'IVG en cas de désaccord moral. "Conséquence : dans les premières années après l'adoption de ces lois, aucun médecin ne voulait pratiquer une IVG, explique la professeure. Il a fallu modifier la procédure pour obliger certains établissements de santé à accepter de pratiquer des IVG, et donc rectifier une erreur de ces lois pour permettre leur application. La même chose pourrait se produire avec la loi sur le mariage pour tous."

3 Porter plainte, une solution ?

Pour Bertrand Mathieu, si personne ne veut célébrer le mariage parmi les élus, les couples homos pourront aussi invoquer le non-respect de l'égalité devant la loi. Son analyse va dans le sens de la garde des Sceaux, Christiane Taubira, qui a déclaré mercredi à l'Assemblée que "la célébration des mariages sera[it] assurée dans chaque commune de France au nom de l'égalité des droits".

La ministre de la Justice a également indiqué, dans une interview à Ouest-France publiée le 7 novembre, que face au refus d'un maire, les "demandeurs du mariage [pourraient] saisir la justice au titre du Code pénal contre les discriminations. Les sanctions sont sévères : jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende".

Selon Roseline Letteron, les possibles recours en justice pour les couples homos dépendront précisément des termes qui seront inscrits dans la loi adoptée, et non pas dans l'actuel projet de loi. "Le débat au Parlement sert à cela", souligne Roseline Letteron. Pour les connaître, il faudra donc attendre au moins la fin du premier semestre 2013.

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