: Vidéo "On pense forcément à Samuel Paty" : "traumatisé", le proviseur menacé de mort après avoir demandé à une élève de retirer son voile témoigne dans "Complément d'enquête"
"Faut le brûler vif, ce chien", "Faut le baiser sa mère", "Faut lui en mettre deux, à ce fils de lâche", "Aucune pitié, regroupez-vous et formez des équipes". Ces messages de haine postés sur les réseaux sociaux l'ont d'abord laissé "abasourdi" et incrédule. Comment "imaginer qu'un incident dans la cour allait déclencher ce torrent de violence", jusqu'à des menaces de mort ? C'est ce qui est arrivé au proviseur du lycée Maurice-Ravel, à Paris, en février 2024, après avoir demandé à une élève de retirer son voile.
Aujourd'hui en retraite anticipée, Philippe Le Guillou a exceptionnellement accepté de témoigner devant une caméra. A visage caché, car il a peur pour sa vie. Cette affaire qui a fait la une des médias l'a "traumatisé", explique-t-il. Impossible de ne pas penser à Samuel Paty, ce professeur d'histoire-géographie assassiné en octobre 2020 après avoir donné un cours sur la laïcité, et à Dominique Bernard, enseignant de lettres poignardé en 2023 par un ancien élève radicalisé…
En février 2024, Philippe Le Guillou avait porté plainte pour harcèlement. "Complément d'enquête" l’a rencontré une première fois au tribunal au mois d’octobre. Au cœur du procès, une rumeur qui accuse à tort le proviseur d'avoir giflé l'élève voilée, et le tweet menaçant d'un homme de 27 ans qui n'a même pas assisté à la scène. Celui-ci a été condamné à 600 euros d'amende et devra suivre un stage de citoyenneté de cinq jours. Le parquet de Paris a fait appel de la décision.
Le proviseur livre sa version des faits
Que s'est-il réellement passé ce jour-là, dans la cour du lycée Maurice-Ravel ? Philippe Le Guillou, qui livre sa version de faits pour la première fois, réfute tout dérapage. "Je vois deux étudiantes de BTS qui sortent, voilées, du bâtiment du fond de la cour. Donc j'ai été vers elles. La première a retiré son voile sans problème, et la seconde, non. Elle ne voulait pas. Je lui ai dit 'Retire ton voile' une fois, je lui ai tapoté l'épaule, 'Ho ho, je suis là, je te parle…' Et puis une fois, deux fois, trois fois même, je ne sais même plus combien de fois d'ailleurs, mais elle m'a totalement ignoré."
"Tout de suite, poursuit-il, je me suis dit 'Ça va être l'horreur'.'Parce que tout de suite, certains élèves ont dit 'Ah, il l'a frappée, il l'a frappée'. Parce que je l'avais effectivement touchée à l'épaule." Un geste qu'il considère comme normal… Interrogé sur ce point, le ministère de l'Education nationale répond que "le seul fait de tapoter sur l'épaule d'un élève afin d'appeler son attention ne saurait être regardé comme un geste déplacé, et encore moins un acte violent".
Le proviseur estime avoir rempli son rôle en ayant "fait respecter la laïcité dans la cour du lycée. C'est banal de dire à une élève voilée dans la cour d'un établissement scolaire public 'Retire ton voile'." Il a décidé d'attaquer l'élève pour dénonciation calomnieuse. De son côté, celle-ci a déposé une plainte pour violence qui a été classée sans suite, le parquet de Paris considérant l'infraction insuffisamment caractérisée. A la suite de cette affaire, le proviseur a décidé de mettre fin à sa carrière, à 63 ans.
Extrait de "La guerre de l’info sur les bancs de l’école", réalisé en partenariat avec la rédaction de l’AFP Factuel, à voir dans "Complément d'enquête" le 21 novembre 2024.
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