François Hommeril (CFE-CGC) : "Les aides à l’embauche sont inefficaces : quand une entreprise recrute c’est qu’elle en a besoin, pas parce qu’on lui donne une prime"
François Hommeril, président de la CFE-CGC (Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres) était l’invité de Stéphane Dépinoy dans ":l’éco". L’occasion de discuter du marché des cadres, et des inquiétudes qui les entourent durant la crise.
Interrogé sur l’annonce du ministre de l’économie Bruno Le Maire sur les 3600 projets de demandes de financement d’une ligne de production en France, François Hommeril y voit-il un élément positif pour des relocalisations ? Le président de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres y voit une bonne nouvelle : "C’est positif car il y a un succès dans les chiffres, et car c’est une aide conditionnée. Nous sommes pour que l’argent public soit mis à disposition des entreprises dans des dispositifs traçables. Nous avons alors une garantie que cela débouche sur de l’investissement et sur de l’emploi." François Hommeril se dit en accord avec Laurent Berger (secrétaire général de la CFDT) pour que les représentants des salariés puissent avoir un droit de regard pour que les aides publiques vont bien à l’emploi et l’investissement : "C’est le cas dans une certaine mesure pour l’APLD (le dispositif de chômage partiel, Activité Partielle de Longue Durée), qui est conditionné par des accords d’entreprises. Mais il y a un certain nombre d’autres dispositifs inefficaces dans le plan de relance, comme les primes à l’embauche : nous pensons que quand une entreprise embauche, ce n’est pas parce qu’on lui donne une prime, mais car elle en a besoin. Ces mesures créent trop d’effets d’aubaine, qui sont parfois même un peu pervers. Il y a l’exemple des primes à l’apprentissage. Il est certes positif de solliciter chez les entreprises une augmentation du nombre d’apprentis. Mais une entreprise qui avait prévu d’embaucher un salarié peut le compenser par des apprentis et alternants, avec la prime qui va avec, et ainsi décaler son embauche."
"Ce sont souvent dans les très grandes entreprises que les recrutements vont être décalés"
Concernant justement le domaine de l’emploi, l’APEC (l’Association pour l'emploi des cadres) a calculé que les embauches de cadre ont reculé de 30 à 40 % en 2020. François Hommeril craint que le pire reste à venir : "L’enquête de l’APEC montre qu’il s’agit du recul le plus important de toutes les crises qui ont traversé l’économie depuis la fin des années 1990. Entre 80000 et 100000 personnes qui ne vont pas être intégrées dans des processus de recrutement. Il est fort probable que ce soit du même niveau en 2021. Les cadres sont les postes les plus faciles à décaler en termes de recrutement. Dans une usine sur un atelier, quand il manque un ouvrier, l’atelier s’arrête. Tandis qu’une entreprise ayant prévu d’embaucher un cadre pour un remplacement peut considérer qu’elle peut attendre 6 mois ou un an. Nous considérons que c’est un mauvais calcul, mais c'est malheureusement un réflexe assez courant. L’étude de l’APEC le signale : ce sont souvent dans les très grandes entreprises que les recrutements vont être décalés."
Concernant les jeunes, qui pour beaucoup devaient prendre un poste sur le marché des cardes mais qui se retrouvent pénalisés par la crise, François Hommeril leur donne un conseil : "Surtout ne vous désarmez pas, il faut trouver le moyen d’attendre. Mais il ne faut pas quitter le secteur pour lequel on était attiré au moment de choisir ses études. Cela crée des problématiques en cascade, car quand des secteurs vont se mettre à nouveau à recruter, il faut que les jeunes soient disponibles. Les études représentent un engagement difficile et les diplômes sont précieux. Que ce soit six mois, un an ou davantage, il faut tenir bon."
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